Conférence – Enjeux et perspectives pour l’économie circulaire
Green Economy était présent à la conférence intitulée « L’économie circulaire : Quelles perspectives et quelles dynamiques suite à la Feuille de route du gouvernement ? » ce mardi 6 mars dans les locaux de l’école Mines ParisTech. Cette transition vers un modèle économique circulaire pourrait dynamiser la croissance et le marché de l’emploi. Retour sur les sujets abordés durant cet événement organisé par ISIGE Alumni et animé par Clément Fournier du magazine de référence sur la RSE (e-rse.net).
Les principaux freins au développement de l’économie circulaire
- Réglementation incitative pour l’économie linéaire et dissuasive pour l’économie circulaire
- Obsolescence programmée trop souvent la règle
- Marketing agressif incitant à l’achat de nouveaux produits
Les leviers pour transiter vers une économie circulaire
- Responsabiliser les producteurs et distributeurs
- Informer et guider les consommateurs dans leurs choix
- Lutter contre les trafics
- Renforcer les filières trop fragiles (PME de l’Economie Sociale et Solidaire par exemple)
- Eco-conception (utiliser des matières premières recyclées ou durables, possibilité de réparer les objets)
Le point de vue de l’association HOP
Selon Laetitia Vasseur de l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée), les fabricants doivent travailler sur leur offre de produits/service. Ils contraignent souvent les consommateurs à racheter un produit qui pourrait être réparé. Les principaux axes de travail pour développer l’économie circulaire se situent donc du côté des fabricants :
- Allongement de la durée de vie des produits
- Profondément changer le SAV (délai de réparation trop long incitant au remplacement, garantie trop courte, mise en place d’extension de garantie)
Le secteur du BTP et l’économie circulaire
Sur les 100 millions de déchets collectés pour le recyclage chaque année en France, le secteur du bâtiment représente à lui seul 40 millions de tonnes. Certes, c’est encore peu comparé aux 250 millions de tonnes de déchets produits par le secteur chaque année mais la transition du BTP vers l’économie circulaire est en marche. Ces déchets sont classés en trois catégories :
- 72 % sont des déchets inertes (pierre, béton, terre cuite)
- 26 % sont des matières dites « non dangereuses non inertes »
- 2 % sont des déchets dangereux dont l’amiante, les peintures et solvants
« L’économie circulaire n’est pas encore rentrée dans les mœurs » selon Valérie David, directrice du développement durable chez Eiffage. Les élus locaux se montrent réticents à la réutilisation de déchets même inertes pour certains projets, comme la réalisation d’un revêtement de route. Autre exemple avec les appels d’offres où les considérations environnementales sont noyées dans la documentation technique. Pour montrer la voie à suivre, la commande publique devrait intégrer ces éléments.
En outre, « les entreprises du BTP ont besoin de foncier pour mettre en place des bourses d’échange locales et ainsi optimiser les échanges entre les acteurs du secteur« . Le groupe Eiffage est impliqué avec d’autres acteurs du secteur dans un projet précurseur : la plateforme Noé à Bordeaux.
Les démolitions-déconstructions et les opérations de rénovation-réhabilitation représentent respectivement 63 % et 29 % des déchets du BTP, d’où l’importance de privilégier la « déconstruction sélective ». Celle-ci remplace la démolition pour récupérer un maximum d’équipements dans les bâtiments désaffectés. Exemple avec l’éco-quartier de l’école centrale où ont été récupérés un amphithéâtre ainsi que des équipements de cuisine, du matériel évalué en tout à plusieurs centaines de milliers d’euros selon Valérie David.
L’importance des matières premières
Selon Hélène Valade, directrice du développement durable chez SUEZ, l’économie circulaire permet de réduire les émissions de CO2 (1 tonne de plastique recyclé, c’est 1,6 tonne de CO2 en moins). Parmi les freins à son développement, elle met en cause :
- la schizophrénie de la société et des médias où développement durable et consommation frénétique cohabitent
- la réglementation favorable à l’économie linéaire (exemple avec les eaux usées qui pourraient être réutilisées dans l’industrie ou pour l’agriculture, or pour le moment c’est interdit)
- Le coût des matières premières représente également un frein important
Il est aujourd’hui possible de concevoir de nouvelles matières premières secondaires grâce à l’extraction des polymères des matières plastiques. Seul problème, tant que le prix des matières premières vierges sera plus élevé que celui des matières premières secondaires, les industriels ne modifieront pas leur approvisionnement.
L’économie circulaire, un levier de croissance et de création d’emplois ?
L’ADEME a lancé une opération pour accompagner les entreprises de moins de 250 salariés dans leur démarche de transition : “TPE & PME gagnantes sur tous les coûts !” Objectif : investir 5 000 € pour effectuer un diagnostic sur les consommations et déchets générés. Les résultats parlent d’eux-mêmes : 50 000 € de gains en moyenne pour une PME, soit 10 fois la somme investie. Selon Matthieu Orphelin, malgré ces économies réalisées et la prise en charge par l’ADEME de l’investissement initial, seulement 100 entreprises ont à ce jour franchi le cap.
Le député LREM du Maine-et-Loire suggère également d’intégrer un volet consommation à la feuille de route du gouvernement pour responsabiliser les consommateurs, notamment pour inciter le recyclage et la réutilisation. Il propose aussi d’augmenter fortement la taxe sur les décharges pour inciter les entreprises à effectuer leur transition vers l’économie circulaire. Mais quid de l’évolution des décharges sauvages ?
Quelques chiffres sur le recyclage et la création d’emploi publiés par L’ORDIF (Observatoire Régional des Déchets d’Ile-de-France) :
Selon Thierry Kuhn, président d’Emmaüs, la réutilisation et le réemploi de 10 000 tonnes de déchets entraînerait la création de 800 emplois. L’économie circulaire dynamise la croissance et le marché de l’emploi, par conséquent tous les acteurs économique – entreprises, gouvernement et consommateurs – ont à y gagner.
Intervenants durant la conférence :
- Matthieu Orphelin, député LREM Maine et Loire
- Laetitia Vasseur, cofondatrice de l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée)
- Valérie David, directrice Développement Durable du groupe Eiffage
- Hélène Valade, directrice Développement Durable du groupe Suez
- Franck Aggeri, enseignant chercheur en management durable et transformation des entreprises
- Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France