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« Toucher, c’est donner la vie » disait Michel-Ange

Et abolir le contact physique, c’est ôter la vie, disent les chercheurs en psychologie. Comme vous pourrez le constater en lisant ce très bon article du collectif Pièces et main d’œuvre, tout s’accélère, sauf la chute de la civilisation techno-industrielle. Malgré les faits qui s’accumulent pour désavouer les prophéties effondristes, les gourous de la collapsologie persistent et signent ; tout va s’effondrer, c’est sûr. Dans son livre The Psychology of Persuasion (Influence et manipulation pour l’édition française), l’enseignant en psychologie Robert Cialdini décrit cette attitude qui consiste, après avoir pris une décision et s’être engagé dans une voie, à s’y tenir par souci de cohérence, pour soi-même et vis-à-vis de ses semblables. S’engager publiquement contribue encore davantage à renforcer ce mécanisme psychologique. Pour faire écho à l’analyse de PMO et rester dans le domaine de la psychologie, j’ai traduit ci-dessous un texte de Dacher Keltner initialement publié en 2010 sur un blog de l’université de Californie (Berkeley). Cet autre professeur en psychologie y décrit l’importance fondamentale du contact physique pour l’équilibre psychologique et physiologique de l’être humain.


Une tape dans le dos ou une caresse sur le bras comptent parmi les gestes quotidiens et fortuits auxquels nous ne prêtons pas une réelle attention, notamment en raison de la dextérité étonnante de nos mains.

Mais après des années passées à étudier la science du toucher, je peux vous garantir que ces gestes anodins ont une importance bien plus fondamentale que nous ne le pensons habituellement. Ils possèdent un rôle déterminant pour communiquer, comprendre et répandre la compassion.

Ces dernières années, une vague d’études a mis en évidence les incroyables bienfaits du toucher sur la santé émotionnelle et physique. Ces recherches suggèrent que le toucher est véritablement fondamental pour la communication humaine, la création de liens et la santé.

Dans mon propre laboratoire, dans le cadre d’une étude dirigée par mon ancien étudiant Matt Hertenstein (aujourd’hui professeur à l’université DePauw), nous nous sommes demandé si les humains pouvaient clairement communiquer leur compassion par le toucher.

Voici ce que nous avons fait. Nous avons construit une barrière dans notre laboratoire pour séparer deux inconnus l’un de l’autre. Une personne a passé son bras à travers la barrière et a attendu. L’autre personne recevait une liste d’émotions et devait essayer de transmettre chacune d’entre elles en touchant l’avant-bras de l’inconnu pendant une seconde. La personne dont le bras était touché devait deviner l’émotion.

Compte tenu du nombre d’émotions testées, les chances de deviner la bonne émotion par hasard étaient d’environ 8 %. Mais, fait remarquable, les participants ont deviné correctement la compassion dans près de 60 % des cas. La gratitude, la colère, l’amour, la peur ont été correctement interprétés dans plus de 50 % des cas.

L’étude a porté sur différentes combinaisons de sexe, et je me sens obligé de révéler deux différences constatées entre les sexes : lorsqu’une femme essayait de communiquer de la colère à un homme, celui-ci n’y comprenait rien, il n’avait aucune idée de ce qu’elle faisait. Et lorsqu’un homme a essayé de communiquer de la compassion à une femme, celle-ci n’a pas compris ce qui se passait !

Mais de toute évidence, il y a là un message plus important que « les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus ». Le toucher est le langage de la compassion, un langage essentiel qui nous définit en tant qu’être humain.

En fait, dans d’autres études, j’ai découvert que les humains peuvent non seulement identifier l’amour, la gratitude et la compassion à partir du toucher, mais aussi faire la différence entre ces différents types de contact physique, ce que les gens n’ont pas fait aussi bien dans les études portant sur la communication faciale et vocale.

« Toucher, c’est donner la vie »

Malheureusement, on observe très peu de contacts physiques dans certaines cultures occidentales, en particulier aux États-Unis.

Les éthologues qui vivent dans d’autres parties du monde le remarquent rapidement. Les primates non humains passent environ 10 à 20 % de leur journée éveillée à se toiletter mutuellement. Si vous voyagez dans d’autres pays, vous verrez que les gens passent beaucoup de temps à se toucher mutuellement, bien plus que nous [aux États-Unis].

Tout cela a été rigoureusement documenté. L’un de mes exemples préférés est une étude réalisée dans les années 1960 par le psychologue Sidney Jourard, qui a étudié des conversations entre amis dans différentes régions du monde. Ces conversations prenaient place dans un café et se déroulaient durant le même laps de temps, quel que soit le pays.

Qu’a-t-il constaté ? En Angleterre, les deux amis ne se touchaient pas une seule fois. Aux États-Unis, dans des élans d’enthousiasme, on se touchait deux fois.

Mais en France, ce chiffre est passé à 110 fois par heure. Et à Porto Rico, ces amis se sont touchés 180 fois !

Bien sûr, il existe de nombreuses bonnes raisons expliquant pourquoi les gens sont enclins à garder leurs distances, surtout dans une société aussi litigieuse que la nôtre. Mais d’autres recherches ont révélé ce que nous perdons lorsque nous limitons trop les contacts physiques.

Les avantages commencent dès la naissance. Un examen des recherches menées par Tiffany Field, leader dans le domaine de la science du toucher, a révélé que les nouveau-nés prématurés qui ont bénéficié de trois séances de 15 minutes de thérapie par le toucher chaque jour, pendant 5 à 10 jours, ont pris 47 % de poids en plus que les prématurés ayant reçu un traitement médical standard.

De même, des recherches menées par Darlene Francis et Michael Meaney ont montré que les rats dont la mère les léchait et les toilettait beaucoup lorsqu’ils étaient bébés devenaient plus calmes et plus résistants au stress, avec un système immunitaire plus fort. Ces recherches permettent de comprendre pourquoi, historiquement, un pourcentage très important de bébés humains placés dans des orphelinats, où les soignants s’abstenaient de les toucher, n’ont pas atteint la taille ou le poids attendus et ont présenté des problèmes de comportement.

« Le toucher peut donner la vie », disait Michel-Ange. Il avait parfaitement raison.

Grâce au neuroscientifique Edmund Rolls, nous avons que le toucher active le cortex orbitofrontal du cerveau, une zone liée aux sentiments de récompense et de compassion.

Nous savons également que le toucher permet d’établir des relations basées sur la coopération. Il renforce la réciprocité entre nos parents primates qui utilisent le toilettage pour établir des alliances afin de coopérer.

Des études montrent que le toucher procure confiance et sécurité, il apaise. Un simple contact chaleureux calme le stress cardiovasculaire. Il active le nerf vague du corps, qui est intimement lié à notre sentiment de compassion. Et un simple toucher peut déclencher la libération d’ocytocine, alias « l’hormone de l’amour ».

[Présentée à l’époque comme une hormone miracle pour accéder au bonheur, l’ocytocine a fait les gros titres il y a quelques années, mais des études ont montré que ses effets peuvent être aussi bien positifs que négatifs selon les personnes[i], NdT]

Dans une étude menée par Jim Coan et Richard Davidson, des participants allongés en vue de réaliser un scanner cérébral IRMf, anticipant une détonation douloureuse de bruit blanc, ont montré une activité cérébrale accrue dans les régions associées à la menace et au stress. Mais lorsque leur partenaire amoureux leur caressait le bras pendant l’attente, les sujets de l’étude n’ont pas du tout montré cette réaction. Le toucher avait neutralisé le déclenchement de la menace.

Le toucher peut même avoir des effets au niveau économique, en favorisant la confiance et la générosité. Lorsque le psychologue Robert Kurzban a fait jouer des participants au jeu du « dilemme du prisonnier » dans lequel ces derniers pouvaient choisir de coopérer ou d’entrer en compétition avec un partenaire pour une somme d’argent limitée, un expérimentateur a touché doucement certains des participants au début du jeu – juste une petite tape dans le dos. Mais cela a suffi pour faire une grande différence. Ceux qui ont été touchés étaient beaucoup plus enclins à coopérer et à partager avec leur partenaire.

Ce type de bénéfices peut apparaître dans des situations inattendues. Dans une récente étude réalisée par mon laboratoire et publiée dans la revue Emotion, nous avons constaté qu’en général, les équipes de basket-ball de la NBA où les joueurs entraient plus souvent en contact physique gagnaient plus de matchs.

Les thérapies par le toucher

Compte tenu de toutes ces découvertes, il est logique de penser à des moyens d’intégrer le toucher dans différentes formes de thérapie.

La « thérapie par le toucher » ou la « massothérapie » ressemblent à une idée bizarre provenant de Berkeley, mais elles se basent sur la science dure. Ce n’est pas seulement bon pour nos muscles, mais aussi pour notre santé physique et mentale.

L’utilisation appropriée du toucher peut véritablement transformer la pratique de la médecine, tout en étant rentable. Par exemple, des études montrent que le fait de toucher des patients atteints de la maladie d’Alzheimer peut avoir des effets considérables sur leur capacité à se détendre, à établir des liens émotionnels avec les autres et à réduire leurs symptômes de dépression.

Tiffany Field a découvert que la massothérapie réduit la douleur chez les femmes enceintes et atténue la dépression prénatale, tant chez les femmes que chez leurs conjoints. Des recherches menées ici, à l’école de santé publique de l’UC Berkeley, ont montré que le fait d’avoir un contact visuel et une tape dans le dos de la part d’un médecin peut augmenter le taux de survie des patients atteints de maladies complexes.

Et que les éducateurs en prennent note, une étude menée par le psychologue français Nicolas Gueguen a révélé que lorsque les enseignants donnent une tape amicale à leurs élèves, ces derniers ont trois fois plus de chances de s’exprimer en classe. Une autre étude récente a montré que lorsque les bibliothécaires tapotent la main d’un élève qui emprunte un livre, celui-ci prétend apprécier davantage la bibliothèque. Il est aussi plus susceptible d’y revenir.

Le toucher peut même être un moyen thérapeutique d’atteindre certains des enfants les plus difficiles. Des recherches menées par Tiffany Field suggèrent que les enfants autistes, dont on pense généralement qu’ils détestent être touchés, aiment en fait être massés par un parent ou un thérapeute.

Cela ne signifie pas que vous devez vous retourner et tripoter votre voisin ou envahir la sphère intime de tous les gens qui vous entourent.

Mais pour moi, la science du toucher suggère de manière convaincante que nous sommes câblés pour – nous avons besoin de – nous connecter physiquement avec d’autres personnes, de façon mesurée. Rejeter cette idée, c’est se priver de certaines des plus grandes joies et des plus profonds réconforts de la vie.


Quelques remarques

Les ingénieurs ont enfanté des techniques de communication à longue distance, et le marché les a rendus accessibles au plus grand nombre. Toucher ses semblables devient superflu pour (sur)vivre au sein de la société industrielle, preuve en est la situation actuelle avec la pandémie de Covid-19. En 2021, grâce au divin progrès technique, les habitants des pays industrialisés peuvent mener une existence ultra-sédentaire en confinement permanent, sans entrer en contact physique avec d’autres personnes (avant la pandémie, le temps passé en espace clos dépassait déjà les 80 %, voire les 90 % dans les pays riches[ii]). Depuis son canapé, à travers un écran, il est extrêmement facile de commander une pizza, des vêtements ou de l’alcool, d’échanger avec et de voir ses proches, de rechercher – et non trouver – un conjoint, d’avoir des rapports sexuels virtuels, de voyager en visitant par exemple un parc national[iii], de se relaxer en se shootant aux vidéos ASMR (troisième requête la plus populaire sur Youtube[iv]), de prendre des leçons pour – et non d’apprendre correctement à – jouer d’un instrument, etc.

Non seulement cette existence pathétique est rendue possible par le progrès technique, mais elle devient peu à peu la norme. Pas par choix, mais par adaptation. Car la technologie façonne notre environnement matériel et y influence grandement la diversité des stratégies de survie. De nombreux pays dits « pauvres » se caractérisent par la richesse de leur diversité : diversité culturelle et linguistique, diversité des modes de vie, diversité des croyances religieuses, diversité des régimes fonciers et politiques, diversité biologique, etc. À l’inverse, l’Europe se distingue par un appauvrissement colossal de cette diversité. Le progrès technique homogénéise la planète et isole les humains, avec en conséquence toutes sortes de déséquilibres observables depuis l’échelle globale jusqu’à l’échelle individuelle. La plupart des gens se persuadent qu’Internet compte parmi ces inventions formidables, avec le smartphone, qui nous rapprocheraient les uns des autres. Cependant, tout démontre le contraire, à commencer par les travaux scientifiques sur la psychologie humaine. Les progressistes de gauche comme de droite louant les merveilles technologiques souffrent d’amnésie. Bien avant de brancher les humains en réseau au moyen d’infrastructures mondialisées, de câbles, de circuits électroniques et d’un flux d’électrons, ce même progrès les a en premier lieu éloigné les uns des autres.

Dès le plus jeune âge, les enfants sont arrachés à leur foyer pour être enrégimentés par l’éducation nationale. Plus tard, les jeunes des campagnes migrent en troupeau vers la ville pour suivre des études supérieures, puis dans un autre pays pour un éventuel échange Erasmus ou un stage. Une fois leur diplôme en poche, une nouvelle migration s’impose pour trouver un premier emploi. Et comme seul le travail aliénant paye, guidé par l’espoir d’une herbe plus verte ailleurs, ils changent de boulot ou de carrière tous les trois ans, pour certains tous les six mois. D’incessantes migrations impliquent des éclatements à répétition du cercle social, puis sa reconstruction en d’autres endroits, avec des personnes différentes. Point de progression ici, plutôt un mouvement giratoire incessant, hypnotisant, et en constante accélération. La frustration, voilà le moteur de la société industrielle. Dans un monde libéré des transports à grande vitesse – train, automobile, avion –, vivre éloigné et isolé de ses proches serait difficile, probablement impossible, et par conséquent inconcevable. Mais, après deux siècles de progrès technique en Occident, quitter ses proches pour partir vivre seul apparaît comme un horizon tout à fait normal, désirable même pour les individualistes frustrés que nous sommes devenus. Un sentiment de honte tourmente les jeunes qui restent chez leurs parents, peu importe que la situation soit volontaire ou subie. À cela s’ajoutent les railleries de l’entourage proche ou éloigné. Pour d’autres, quitter le foyer relève d’une question de survie tant la vie familiale finit par ressembler à l’enfer. Le Danemark et la Finlande par exemple, des pays presque toujours érigés en modèles par les médias de masse, sont particulièrement en pointe sur les violences physiques et sexuelles faites aux femmes[v]. Mais les Danois sont « champions du bonheur » nous dit la presse française (Psychologies[vi], FranceTvInfo[vii], L’OBS[viii], etc.). Dans une grande partie du monde considérée comme en retard – car en « en voie de développement » – par des occidentaux à l’arrogance caractéristique, les enfants devenus adultes prennent en charge la gestion du foyer en grandissant et s’occupent de leurs parents vieillissants. On observe un passage de relai similaire chez les mammifères vivant en société. Chez les lycaons, un canidé africain comptant moins de 1 500 représentants[ix], les individus handicapés, blessés ou trop vieux pour chasser ne sont pas écartés du groupe mais sont, comme les plus jeunes individus, nourris par régurgitation[x]. En voie de disparition, la famille devient une exception dans le monde civilisé, alors qu’elle sert de socle fondateur à la société animale. Le progrès disloque le tissu social, cloisonne les individus comme pour éradiquer toute trace de notre condition animale.

Le développement engendre une désintégration complète du tissu social, balayant des réseaux sociaux ancestraux, des langues, des traditions séculaires et des cultures tout entières partout autour du globe. Cette avancée vertigineuse n’aurait pas été possible sans les machines – automobile, train et avion – et les infrastructures gigantesques, extrêmement gourmandes en ressources énergétiques et matérielles, dont elles dépendent pour se répandre tel un virus contaminant notre planète vivante. En France, tenir un tel discours déclenche des réactions hystériques chez la plupart des urbains, éternels zélateurs du progrès formant actuellement l’écrasante majorité de la population[xi]. Mais les communautés rurales encore attachées à leurs terres sont aux premières loges pour constater les désastres dudit progrès. Ainsi, après avoir éradiqué la vie en communauté autonome – et par conséquent la liberté – des pays industrialisés, après avoir perturbé les interactions naturelles, profondes et durables caractérisant toute société humaine équilibrée, obligeant les individus à de continuelles reconfigurations de leur cercle social, les moyens de locomotion de masse avaient créé au XXe siècle un terrain propice à l’essor du téléphone mobile, d’Internet, des emails, de la visioconférence, des réseaux sociaux virtuels et de la messagerie instantanée. Les innovations technologiques en cours et à venir répondent à des besoins eux-mêmes créés par les deux siècles de progrès technique accéléré qui ont précédé. Le moteur du développement, c’est le déséquilibre permanent et brutal induit par l’évolution de la technique.

Sans surprise, la désintégration du tissu social a été suivie d’une raréfaction des contacts physiques entre individus pour arriver à un niveau proche de zéro aujourd’hui en Occident. Paranoïa et méfiance atteignent des sommets depuis le début de la pandémie. Dans l’article qui précède, Dacher Keltner indique que le sens du toucher joue un rôle fondamental dans notre faculté à transmettre et interpréter l’empathie, une émotion sans laquelle il nous est impossible de tisser des liens sociaux sains et stables dans la durée. Au stade actuel du développement de la civilisation industrielle, son cheptel humain interagit probablement moins avec des êtres vivants qu’avec des machines – téléphone, ordinateur, voiture, ascenseur, train, avion, vélo électrique, bouilloire, four, plaques de cuisson, télévision, box internet, écouteurs, enceintes, terminal de paiement, objets connectés de toutes sortes, etc. Quel effet sur notre capacité à se mettre dans la peau d’autrui ? Des études montrent que l’empathie est déjà en chute libre chez les plus jeunes[xii]. Résultat, dans la France de 2019, les camarades d’une jeune fille s’étant immolée par le feu puis jetée par une fenêtre de son lycée n’ont pas cru bon de venir à son secours. Ils ont préféré filmer la scène pour la diffuser sur Snapchat[xiii]. Et aujourd’hui, au royaume du progrès, un homme qui incendie un SUV luxueux stationné dans la rue aura très certainement plus de chances de finir en prison que s’il viole et/ou tabasse sa compagne.

Si, au sein de la société industrielle, le progrès était réellement guidé par la science et le sens moral, le démantèlement du système technologique figurerait parmi les priorités dans l’agenda des gouvernements. Malheureusement pour nous, cultiver le mal-être psychologique et la souffrance physique, répandre la frustration et les addictions alimentent cette vaste entreprise frauduleuse nommée progrès. La frustration crée le besoin ; puis le besoin est rapidement identifié par les professionnels du marketing ; entrepreneurs et ingénieurs s’empressent alors d’innover pour créer une solution comblant efficacement ce besoin ; les industriels travaillent à rendre la solution disponible partout et à moindre coût ; pour finir, cette disponibilité banalise l’usage et crée une forte dépendance au gain de confort supplémentaire. C’est pourquoi personne ou presque ne veut renoncer de son plein gré aux transports modernes (automobile, train et avion), tout au plus est-on prêt à substituer une drogue à une autre présentée par les escrologistes comme moins nocive, non pas pour l’usager, mais pour l’environnement. Les conséquences psychologiques et sociales de l’ultra-mobilité née de la révolution industrielle ne sont jamais discutées. Comment voulez-vous empêcher un toxicomane de se piquer quand sa came est disponible partout à des prix abordables ? Seule l’overdose ou le suicide le stopperont, à moins d’intervenir. La possibilité de mener une vie libre, saine et heureuse en un lieu géographiquement limité par les capacités du corps humain, de tisser des liens sociaux solides et durables avec sa communauté, ou d’entretenir une relation mutuellement bénéfique avec la terre, semble avoir disparu de la mémoire collective occidentale.


[i] https://slate.com/technology/2012/07/oxytocin-is-not-a-love-drug-dont-give-it-to-kids-with-autism.html

[ii] https://medium.com/@greenwashingeconomy/nous-passons-plus-de-80-de-notre-temps-enferm%C3%A9s-71efdbe09471

[iii] https://www.trafalgar.com/real-word/national-parks-online-virtual-tours/

[iv] https://theconversation.com/quest-ce-que-lasmr-et-quen-dit-la-science-146357

[v] https://www.liberation.fr/france/2015/11/24/en-2015-une-femme-sur-cinq-victime-de-violences-physiques-en-europe_1415860/

[vi] https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Bonheur/Articles-et-Dossiers/Les-Danois-champions-du-bonheur

[vii] https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/les-danois-champions-du-bonheur-au-travail_3467487.html

[viii] https://www.nouvelobs.com/societe/20160317.OBS6665/qui-sont-les-champions-du-monde-du-bonheur.html

[ix] https://www.iucnredlist.org/fr/species/12436/166502262

[x] https://www.especes-menacees.fr/lycaon-chien-sauvage-afrique/

[xi] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/27/la-france-est-de-plus-en-plus-urbaine_6057523_3234.html

[xii] https://theconversation.com/students-less-focused-empathetic-and-active-than-before-technology-may-be-to-blame-136249

[xiii] https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/villemomble-une-lyceenne-s-immole-par-le-feu-en-plein-cours-25-11-2019-8201619.php

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