Définition : qu’est-ce que l’économie circulaire ?
Selon la définition officielle, l’économie circulaire (circular economy en anglais) s’inspire du fonctionnement de la nature où chaque déchet produit par une espèce animale ou végétale devient une ressource pour une autre espèce. L’économie ciculaire fait partie des concepts théoriques censés mener notre civilisation vers le sacro-saint développement durable. En amont de la chaîne de production, elle encourage l’écoconception et la fin de l’obsolescence programmée ; en aval, elle préconise le réemploi, la réparation, le recyclage et la valorisation des déchets. Les effets combinés provoqueraient à terme une diminution de l’extraction de matières premières et de la production de déchets. Cela reste de la théorie car, comme d’habitude, la réalité est infiniment plus complexe que les beaux discours des bonimenteurs de l’écologie.
Economie circulaire, une autre illusion
La théorie sur laquelle repose l’économie circulaire part du principe qu’il serait possible, via une optimisation de la gestion du cycle de vie des bien matériels, de transformer 100 % des déchets produits par la civilisation industrielle en ressources réutilisables, le fameux from cradle to cradle (« du berceau au berceau ») inspiré de la nature. Etant donné que de nombreuses industries produisent des déchets hautement toxiques (déchets radioactifs enfouis, boues toxiques de l’industrie minière et pétrolière stockées dans d’immenses bassins à ciel ouvert, etc) non recyclables ni réutilisables, l’objectif d’une économie 100 % circulaire repose dès le départ sur un mensonge.
D’autre part, même avec un taux de recyclage élevé, il y aura toujours de la matière qui sera perdue dans le processus. Dans certains domaines, le recyclage s’avère pratiquement impossible. Le secteur de l’électronique en plein boom avec la révolution numérique consomme des matériaux rares utilisés en très faibles quantités. La miniaturisation des cartes électroniques compliquent encore davantage la tâche des recycleurs et rend la production de déchets électronique inévitable.
Dans une économie en croissance, l’économie circulaire est soumise à l’effet rebond. Les gains en performance environnementale peuvent entraîner une intensification des usages. Il en résulte une augmentation de la consommation globale d’énergie et de matières premières.
Certaines études en économie comportementale montrent qu’un individu a tendance à augmenter sa consommation dès lors qu’il sait que le recyclage est possible.
Il est probable que cette intensification des usages a déjà lieu avec les smartphones reconditionnés. Les plateformes en ligne reprennent les anciens téléphones et vendent du reconditionné dans un état proche du neuf. Dans une étude parue en 2018, il apparaît que la motivation principale des consommateurs pour l’achat d’un smartphone reconditionné est le prix (77 %), suivi par la garantie (42 %), puis vient en dernier le recyclage et le réemploi (35 %). Pour revendre son mobile, la motivation d’une plus grande efficacité environnementale fait quasiment jeu égal avec la volonté d’être payé immédiatement. Ce sont principalement des motivations de consommateurs, des motivations utilitaristes, l’écologie sert d’argument marketing. Même les fabricants majeurs de smartphone se sont mis au reconditionné. Ils ont vite compris que le reconditionnement ne menace en rien leur business, bien au contraire.
Recyclage et reconditionnement nécessitent des processus industriels complexes, énergivores, utilisant de grandes quantités d’eau et de produits chimiques. Les usines de reconditionnement emploient une importante main d’oeuvre, certaines entreprises font alors appel à des sous-traitants en Europe de l’Est, d’autres en Asie ou au Moyen-Orient. L’économie circulaire n’a rien d’écologique. Rien de tout cela n’est soutenable et repose, comme l’ensemble des activités économiques au sein de la civilisation industrielle, sur l’extraction et la combustion d’énergies fossiles.
Le modèle circulaire appliqué à la grande distribution contribue à renforcer les acteurs dominants de la filière. Ainsi, les startups expertes dans la réduction du gaspillage via des techno-solutions et autres algorithmes prétendant sauver le monde se retrouvent à renforcer l’hégémonie de l’industrie agroalimentaire en laissant croire au consommateur que le changement est en marche. Pour rappel, l’industrie agroalimentaire est pointée du doigt par l’IPBES – équivalent du GIEC pour la biodiversité – pour avoir imposé un modèle agricole dopé au pétrole éradiquant les écosystèmes partout sur la planète.
La théorie de l’économie circulaire s’inscrit dans la droite lignée de la transition écologique et ne remet pas non plus en question le dogme de la croissance économique. Au contraire, elle le renforce.
L’économie circulaire s’oppose (en apparence) à l’économie linéaire
L’économie circulaire était la norme dans de nombreux secteurs d’activités au début du XXème siècle. Force est de constater que la société industrielle endommageait déjà sérieusement la bioshpère à cette époque. Des penseurs comme Henry David Thoreau aux États-Unis ou les Naturiens en France, critiquent l’essor de la société des machines et son impact environnemental depuis le XIXe siècle.
Ce n’est qu’après la 2nd Guerre Mondiale que les habitudes ont été forcées de changer pour les adapter aux progrès techniques de l’industrie. Le papier a remplacé les chiffons et les plastiques ont peu à peu remplacé nombre d’objets du quotidien initialement fabriqués en matériaux recyclables. Un exemple souvent cité est la bouteille plastique qui a remplacé la bouteille en verre consignée.
Les nombreux verrous technologiques, économiques et politiques rendent quasiment impossible un retour en arrière. Pour le moment, aucun industriel de l’agroalimentaire n’envisage de revenir à la consigne en verre. Si les industriels ont abandonné ce conditionnement, c’est qu’il représentait un coût important (récupération, nettoyage, reconditionnement, etc). La bouteille plastique jetable a permis aux industriels de se débarrasser de ce coût, d’augmenter leurs profits et leur pouvoir au sein d’une économie concurrentielle globalisée.
Le modèle de l’économie linéaire
- Les matières premières sont extraites du sol, souvent avec des conséquences désastreuses pour l’environnement et les populations vivant à proximité des exploitations minières et des puits de pétrole ;
- Elles sont ensuite transformées puis utilisées pour la fabrication d’objets, d’outils et de machines ;
- Ces produits sont acheminés par bateau, avion ou camion sur de longues distances jusqu’au consommateur final ;
- Une fois le cycle de vie des produits terminé, ils sont soit enfouis, envoyés dans les pays pauvres, entassés dans des décharges, incinérés, ou finissent dans la nature.
A l’opposé, l’économie circulaire fonctionnerait (en théorie) en circuit fermé où les déchets de certains agents économiques – entreprises ou consommateurs – se transformeraient en ressouces, en matières premières pour d’autres agents économiques.
Le modèle de l’économie circulaire
- Extraction limitée de matières premières ;
- Eco-conception : utilisation de matières premières secondaires issues du recyclage et de la valorisation de déchets ;
- Fabrication locale pour limiter la distance de transport tout en privilégiant les sources d’énergies renouvelables ;
- Fin de vie : recyclage et valorisation puis réutilisation.
Il faut bien comprendre que tout ceci n’est qu’une théorie et que dans les faits, aucune entreprise n’est capable de faire tendre son impact environnemental vers zéro. Les rapports RSE produits par les experts en greenwashing présentent uniquement la partie émergé de l’iceberg et sont biaisés dès le départ puisqu’ils ne considèrent pas le système dans sa globalité. Les problèmes sont enfouis sous des tas de rapports et de graphiques bien léchés.
Éco-conception et obsolescence programmée
Dans la théorie du modèle économique circulaire, il est nécessaire de revoir le fonctionnement de l’économie :
- Privilégier un approvisionnement durable des matières premières pour limiter – et idéalement supprimer – les externalités négatives au niveau social et environnemental ;
- Encourager l’éco-conception pour fabriquer des produits recyclables et facilement réparables pour une durée de vie allongée ;
- Développer l’économie de la fonctionnalité qui privilégie l’usage d’un bien à la propriété ;
- Consommer de manière responsable en sélectionnant les produits dont l’impact environnemental est limité ;
- Recycler et valoriser les déchets pour en faire des matières premières secondaires ;
- Développer l’écologie industrielle et territoriale pour optimiser l’usage des ressources au niveau d’un écosystème d’entreprises.
Au final, l’économie circulaire nous empêche de considérer le problème dans sa globalité et dans sa complexité. Ni l’éco-conception, ni l’économie de la fonctionnalité et encore moins l’écologie industrielle – un oxymore de plus dans la novlangue de la bêtise durable – ne résoudront quoi que ce soit. Leur dépendance au système globalisé anti-écologique et anti-démocratique en fait des fausses solutions pour sauver la planète, mais de vraies solutions pour trouver de nouvelles sources de croissance bénéficiant au capitalisme industriel qui peut ainsi se perpétuer et continuer à nous emmener droit vers l’abîme.