Définition : qu’est-ce qu’une externalité en économie ?
La notion d’externalité est liée au concept hautement douteux de développement durable. Dans le vocabulaire des économistes et des experts en croissance verte, le terme « externalité » est employé la plupart du temps pour désigner une nuisance pour la collectivité résultant de l’activité productrice d’une entreprise. Mais l’impact d’une externalité peut être positif ou négatif.
En économie, on parle d’externalité ou d’effet externe lorsque la production ou la consommation d’un agent économique – une entreprise ou un individu – génère un impact positif ou négatif sur le bien-être d’autres agents économiques sans qu’il y ait transaction ou contrepartie financière. En d’autres termes, un agent A dont la production augmente le bien-être d’un agent B, sans indemnisation de l’agent A, est une externalité positive. Inversement, un agent A dont la production diminue le bien-être d’un agent B, sans indemnisation de l’agent B, est une externalité négative.
Les externalités constituent l’ensemble des effets positifs ou négatifs induits par l’économie non pris en compte par celle-ci. On dit parfois que l’économie est aveugle. Elle fixe le cadre normatif, c’est-à-dire les conditions de survie pour entreprises et consommateurs, mais ignore l’intérêt collectif de la société. Les consommateurs sont forcés de travailler pour obtenir un salaire, assurant ainsi leur subsistance – payer le loyer chaque mois et faire les courses au supermarché chaque semaine. Les entreprises sont contraintes de produire à moindre coût pour dégager des bénéfices et survivre dans un environnement concurrentiel globalisé.
Mais les externalités ne concernent que les acteurs identifiés et identifiables par l’économie (consommateurs, entreprises, États, organisations à but non lucratif, etc.), et ignorent par conséquent les millions d’autres espèces avec qui nous partageons la Terre, ainsi que les peuples vivant à l’écart des échanges marchands et monétaires. Cela pousse par exemple certains écologistes à défendre l’idée d’installer d’immenses centrales solaires dans les déserts pour produire de l’électricité, sans se soucier le moins du monde des créatures qui ont évolué depuis des millions d’années pour s’adapter à ce type d’environnement. Les zones arides sont en effet bien souvent très riches en biodiversité. La Namibie, pays aride d’Afrique australe, est un bon exemple sur ce point. Cela fournit également une incitation à l’intégration des peuples autochtones par la civilisation industrielle. Comment ? En les rendant visibles dans l’économie. Pour cela, ils doivent dépendre d’un revenu et non plus de prélèvements directs dans leur environnement, ce qui les transforme en agents économiquement productifs. Ce processus contribue dans la plupart des cas à détruire leurs communautés, leurs traditions, leurs moyens de subsistance et leur culture, les plongeant dans la misère, l’alcoolisme et la prostitution.
Au sein de l’économie, il semblerait que les entreprises soient incitées à produire des externalités négatives pour réduire leurs coûts et augmenter leurs revenus. Il suffit pour s’en convaincre de voir la formidable ascension de la Chine qui, en seulement quelques décennies, grâce à un dumping social et environnemental extrêmement agressif, a rattrapé son retard pour aujourd’hui talonner la première puissance économique mondiale – les États-Unis.
Exemples d’externalités positives
Lorsqu’un agriculteur se convertit au bio, il génère des externalités positives pour d’autres agents économiques. Les habitants de la région bénéficient d’une réduction de la pollution de la nappe phréatique et peuvent profiter d’une biodiversité locale mieux préservée.
Un apiculteur peut également s’installer aux abords de l’exploitation pour permettre à ses abeilles de bénéficier de la floraison des cultures. L’agriculteur bénéficie aussi d’un service gratuit – la pollinisation de ses cultures – rendu par les abeilles de l’apiculteur.
Exemples d’externalités négatives
Une usine rejetant ses déchets dans une rivière voisine crée des externalités négatives pour les agriculteurs et les habitants de la région. La production des cultures chute en raison de la mauvaise qualité de l’eau et les habitants contractent des maladies. Cela représente au final un coût pour la société dans son ensemble, un coût qui n’est pas assumé par le ou les responsable(s).
On distingue le coût privé – le coût assumé par l’agent privé pour sa production – et le coût social – le coût assumé par la collectivité. Dans le cas d’une externalité négative, le coût social est supérieur au coût privé, d’où l’idée de compenser cet écart par le prélèvement d’une taxe.
Pigou et le principe du pollueur-payeur
Arthur Cecil Pigou est un économiste célèbre du XXème siècle qui a théorisé le principe de pollueur-payeur (sans être l’auteur du terme). Il a jeté les bases de l’économie de l’environnement en proposant d’introduire une taxe pour que l’État puisse corriger les défaillances du marché.
Les externalités et le mythe du développement durable
Dans la mythologie d’un développement écologiquement soutenable, d’une civilisation éco-industrielle, il serait possible de faire une chasse méthodique aux externalités dans le but de trouver des solutions – souvent technologiques – afin de les éliminer. Il s’agit bien entendu d’un doux rêve. Puisque d’une part personne ne connaît, encore aujourd’hui, l’étendue des impacts environnementaux, sociologiques et psychologiques de la plupart des technologies et industries présentes en Occident depuis les débuts de la révolution industrielle. Qui connaît l’impact des infrastructures modernes de transport (routes et voies ferrées) sur la psychologie humaine ? Cet aspect de la mobilité moderne est-il seulement étudié ? On pourrait aussi argumenter que le phénomène urbain à lui seul – l’avènement de la civilisation – produit des externalités négatives pour la société. En effet, il est aujourd’hui largement admis par la communauté scientifique qu’il existe un lien de cause à effet entre l’apparition des villes et la multiplication des pandémies. Cela s’explique par la promiscuité entre animaux et humains favorisant la transmission interespèce, la promiscuité entre humains, et par les moyens de communication transportant rapidement les pathogènes sur de longues distances.
D’autre part, comme nous l’avons déjà précisé plus haut, les externalités se cantonnent aux agents économiques. Une nuisance ou une pollution touchant une forêt, un désert, un peuple autochtone, ne peut être prise en compte comme externalité négative qu’à partir du moment où ces différentes entités deviennent des agents économiquement productifs. Il faut pouvoir chiffrer cette perte de bien-être, autrement elle restera invisible. Cette logique comptable implique de lourdes conséquences dont il est difficile de percevoir l’ampleur. Nous assistons par exemple aujourd’hui à une privatisation du « capital naturel » ainsi qu’à une marchandisation des « services écosystémiques » présentées au public comme le remède miracle pour s’attaquer aux externalités négatives. Mais il s’agit avant tout d’ouvrir de nouveaux marchés à fort potentiel de croissance.
Dans tous les cas, cette comptabilité appliquée à la nature provient certainement d’une mécompréhension – voire d’un déni – du fonctionnement du vivant et de la mécanique évolutive des civilisations. Elle est symptomatique de l’illusion du contrôle, or maîtriser l’évolution d’une société complexe est impossible. Personne ne contrôle l’innovation technologique, ni sa diffusion, encore moins ses impacts environnementaux et sociétaux.
« L’histoire montre que toute application technique, depuis ses débuts, présente certains effets secondaires imprévisibles qui sont plus désastreux que ne l’aurait été l’absence de cette technique. »
– Jacque Ellul