Qu’est-ce que l’hydroélectricité ?
L’hydroélectricité est obtenue à partir de la transformation de l’énergie hydraulique en électricité. C’est l’électricité renouvelable la plus répandue dans le monde et en France, la première énergie renouvelable étant la biomasse. On utilise le plus souvent l’énergie gravitaire des lacs, cours d’eau et marées pour produire de l’électricité, mais l’exploitation du mouvement de l’eau peut prendre d’autres formes.
Bien que l’énergie hydraulique soit considérée comme « verte » ou « propre », car d’origine renouvelable, en réalité c’est un fléau social et écologique. Les grands barrages ont défiguré tant de belles vallées et de gorges enlaidissant parmi les plus belles régions du globe. Pour ne rien arranger, elle peut dans de nombreux cas être très émettrice de gaz à effet de serre (GES), en particulier du méthane. Nous verrons cela en fin d’article.
Plusieurs types de centrales hydroélectriques
Les concessions hydroélectriques se distinguent par la durée de remplissage de leur réservoir. La plupart du temps, le principe repose sur l’exploitation de l’énergie cinétique convertie en électricité par une turbine. Cette énergie peut être naturelle (courant des fleuves et des rivières) ou générée (chutes).
Les centrales au fil de l’eau
Ce sont les centrales installées sur la totalité ou sur une partie d’une rivière. Le courant actionne en continu les turbines. Ces installations ont une capacité de modulation très faible et leur production dépend du débit des cours d’eau.
Les centrales éclusées
Contrairement aux premières, ces centrales hydroélectriques disposent d’une petite capacité de stockage permettant une modulation de la production électrique lors des pics de consommation.
Les centrales de lac
Les barrages hydroélectriques ou hydrauliques sont incontestablement les plus connues des installations hydrauliques. Ils accumulent d’énormes quantités d’eau dans une retenue, inondant parfois des vallées voire des régions entières. Ils fonctionnent sur le principe d’une chute d’eau artificielle dont l’énergie cinétique entraîne des turbines qui, en tournant, génèrent de l’électricité.
En dominant de cette manière la nature, les humains industriels réduisent leur dépendance aux variations de puissance des cours d’eau, mais augmentent leur dépendance à l’électricité.
Les centrales de transfert d’énergie par pompage (STEP)
C’est un dispositif de stockage d’énergie avec deux bassins, un supérieur et un inférieur reliés par une conduite forcée. Lorsque la demande d’électricité est faible, le surplus de production est utilisé pour pomper l’eau dans le bassin supérieur situé en altitude. En cas de pic de demande, on ouvre les vannes du lac supérieur pour turbiner et produire de l’électricité.
Centrales en mer
On distingue trois types de centrales maritimes selon la source d’énergie.
- Centrale marémotrice où le courant électrique est produit grâce à la marée ;
- La centrale houlomotrice exploite la force des vagues ;
- La centrale hydrolienne exploite le courant marin.
Production hydroélectrique en France
La puissance hydroélectrique en France s’élève à 25 GW et représente 20 % de la puissance électrique totale d’électricité installée, ce qui en fait la première électricité renouvelable du pays. Dans le mix électrique, la production d’électricité générée par la force de l’eau se classe seconde derrière le nucléaire, largement en tête. En raison de la variabilité des conditions hydrologiques d’une année à l’autre, la production varie. En moyenne, après ajustement, l’énergie hydroélectrique représente ainsi 12 % de la production électrique.
Barrages hydroélectriques, fléau écologique et social
Les gigantesques ouvrages hydroélectriques, avec leur réservoir pouvant recouvrir des kilomètres de paysage, génèrent une quantité colossale de nuisances, sans oublier les accidents catastrophiques lors d’une rupture.
En France, 44 vallées englouties par des lacs de retenue
Entre 1919 et 1994, des centaines de barrages furent construits en France pour la production électrique dont les êtres humains n’ont jamais eu besoin pour vivre durant plus 99 % de leur histoire. L’électricité, c’est comme l’argent : ça ne se mange pas. L’électricité alimente les machines qui détruisent notre milieu de vie depuis la révolution industrielle. Il nous paraît utile de le rappeler à l’heure où les débats des écologistes se concentrent sur comment produire de l’électricité « propre ».
Le journaliste Gérard Guérit a enquêté sur les villages français disparus et a été interviewé par Le Point. En tout, ce sont 44 vallées habitées qui ont été noyées. Mais le journaliste n’a pas inclus dans son enquête les vallées vierges de toute construction et défigurées, comme il en existe par exemple dans les Pyrénées. Le plus grand lac de retenue de France est celui du barrage Sinnamary en Guyane avec ses 310 kilomètres carrés. En France métropolitaine, c’est le lac du Der-Chantecoq (48 km²).
Maisons et églises dynamitées, déterrage des morts pour déplacer les cimetières, expulsions de force par les CRS, manipulations d’EDF pour détruire le tissu social de communautés séculaires, rien n’est épargné aux montagnards sacrifiés sur l’autel de la production électrique nécessaire à l’industrialisation de la France. Partout autour du globe, on détruit le lien ancestral des humains avec leur terre natale au nom du progrès de la civilisation. Des gens habitant des vallées paisibles, qui vivaient de l’agriculture et de l’élevage, ont soudainement été forcés de quitter leurs terres pour rejoindre la ville. Les villages de montagne comme Tignes sont aujourd’hui devenus des Disneyland touristiques attirant été comme hiver des régiments de crétins urbains. Le tourisme a transformé la montagne en marchandise.
Depuis un siècle, au moins 472 millions de personnes vivant en aval de barrages hydroélectriques ont été affectées négativement. C’est six à douze fois plus que le nombre d’habitants déplacés directement et de force par la construction de ces infrastructures industrielles.
Gaz à effet de serre : des barrages pires que les centrales à charbon
Une étude publiée en 2019 dans la revue Environmental Science Technology révélait que certains barrages émettaient au cours de leur période d’exploitation des quantités considérables de méthane, un GES bien plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). Lorsque la végétation est submergée par le lac de retenue, celle-ci se décompose dans un milieu à faible taux d’oxygène, phénomène dégageant du méthane, du CO2 et du protoxyde d’azote. Les scientifiques, comme souvent, sous-estimaient jusqu’alors ces émissions.
Sur les 1 473 barrages hydroélectriques étudiés dans 104 pays, les émissions de gaz à effet de serre des complexes hydroélectriques sont jusqu’à 30 fois supérieures à l’éolien, et de 15 à 17 % supérieures à une centrale à charbon après 20 ans. Même après 200 ans, ces émissions restent supérieures pour 7 à 12 % des centrales hydroélectriques. Les émissions varient cependant selon les barrages, la configuration du réservoir, sa profondeur, la température de l’eau ou la vitesse d’érosion.
Précisons ici qu’il s’agit d’une infime minorité des usines hydroélectriques dont le nombre s’élève, d’après l’International Hydropower Association, à près de 10 000 dans le monde. Et il ne s’agit que des barrages pour la production électrique, la majorité étant utilisée pour l’irrigation, l’approvisionnement en eau, le contrôle du débit, les activités de loisirs, etc. Comme souvent avec les études scientifiques, elles sont biaisées et ne nous présentent qu’une infime dimension du désastre global qu’est la civilisation industrielle.
Barrages hydrauliques : ce désastre environnemental
La construction de barrages non seulement balafre et enlaidit le monde, mais fragmente aussi les biotopes en empêchant la circulation des créatures vivantes. Dans l’ouest des États-Unis, la suppression des couloirs de migration par ces immondes infrastructures obstruant les rivières provoque la disparition des saumons.
Une étude publiée en 2020 dans la revue PNAS a analysé l’impact de 40 000 barrages existants sur 10 000 espèces de poissons tropicaux. Couler une gigantesque dalle de béton au beau milieu d’un fleuve détruit la connectivité existant entre différentes populations de poissons qui se retrouvent isolées sur le plan génétique. Les lacs artificiels formés sont souvent des lacs morts. Le taux d’oxygène faible en profondeur tue tous les poissons vivant sur le fond ; et comme l’eau turbinée provient en général du fond des lacs, elle est faible en oxygène. En conséquence, les poissons vivant en aval du barrage finissent par mourir aussi.
En rompant les cycles naturels et saisonniers de variation du niveau des eaux, les barrages éliminent un signal déclenchant certaines habitudes déterminantes pour l’écologie riparienne. Les inondations naturelles en Amazonie amènent des nutriments essentiels dans les zones inondables et dans les lacs de la forêt servant de nurserie. Avec la mort des poissons de rivière, les communautés humaines traditionnelles qui en dépendent pour leur subsistance disparaissent elles aussi, et sont condamnées à mendier des aides au gouvernement ou à émigrer vers les bidonvilles urbains.
En stoppant la circulation des sédiments, un barrage exacerbe l’érosion des rives en aval, induit un surcreusement du cours d’eau et/ou modifie sa morphologie. Le manque de sédiments diminue également la fertilité des terres, la nourriture pour les plantes et les poissons en aval du fleuve. Quant au remplissage du réservoir, en plus de déplacer de force des populations humaines, il extermine les communautés de plantes et d’animaux qui évoluent dans la région depuis des millénaires.
Certains métaux lourds comme le mercure – présent naturellement ou introduit par l’orpaillage – peuvent s’accumuler dans les retenues de complexes hydroélectriques ainsi qu’au niveau du culot des barrages. Il peut ensuite contaminer tout le réseau trophique (pyramide alimentaire).
Ajoutons que les barrages consomment des quantités gargantuesques de béton dont la production est extrêmement polluante et consommatrice d’eau. Les barrages situés dans des zones isolées sont parfois construits spécialement pour alimenter le fonctionnement d’un site d’extraction minière à proximité, et non les populations vivant aux alentours comme les industriels et les ONG complices tentent de le faire croire. Il faudrait également prendre en compte l’ensemble des infrastructures (construction de routes, lignes à haute tension, etc.) nécessaires à la construction et à l’exploitation d’une centrale hydroélectrique pour comptabiliser l’ensemble de son impact écologique.
Pour finir, citons ces chiffres : 3 700 barrages hydroélectriques sont en projet ou en construction dans les pays en voie de développement, dont plus de 1 000 pour la seule Amazonie. Le système techno-industriel est un désastre pour la vie sur Terre, c’est pourquoi nous devons le démanteler.