Définition : qu’est-ce que le greenwashing ?

Dans la définition communément admise, l’écoblanchiment ou greenwashing est une technique de communication mensongère utilisée par une entreprise pour tromper délibérément le public en montrant une image d’acteur engagé dans le développement durable. Mais cette définition ancrée dans la pensée collective pose de sérieuses limites et doit par conséquent être corrigée pour mettre fin à la confusion générale. En fin d’article, nous détaillons trois grandes catégories d’actions certifiées sans greenwashing.

« Il n’existe pas de technologies ni d’objets durables en soi : seuls les modes de vie peuvent l’être. »

– Niko Paech, économiste allemand.

La définition officielle du greenwashing

L’association Les Amis de la Terre organise régulièrement les Prix Pinocchio du Climat pour dénoncer le lobbying des multinationales couvrant d’un beau verni de couleur verte leurs exactions envers le climat, la biodiversité et la société. Régulièrement, les médias écologistes comme Reporterre et Bastamag aussi dénoncent le marketing vert des entreprises et des grandes ONG environnementales.

Dans le sens courant, le greenwashing désigne une stratégie marketing trompeuse mise en œuvre par des entreprises afin de capitaliser sur l’engouement du public pour l’écologie. En utilisant des pratiques commerciales douteuses et déloyales, de fausses allégations de nature à induire en erreur, certaines entreprises augmentent leurs ventes même lorsqu’aucun effort concret n’a été réalisé pour diminuer leur impact environnemental.

Mais, nous dit-on, certaines entreprises seraient vraiment « propres » et investiraient pour réduire leur empreinte écologique. A contrario, d’autres se dispenseraient d’efforts et seraient vraiment « sales ». Ainsi, il existerait de l’énergie vraiment « propre » et de l’énergie vraiment « sale » ; même chose pour les voitures, les téléphones ou les emballages. Conformément à la loi du marché, des produits estampillés d’une certification « bio » ou « neutre en carbone » affichent presque toujours un prix supérieur aux produits conventionnels de la même catégorie. Presque par instinct, le consommateur sera prêt à payer plus cher des produits que la publicité pare de toutes les vertus écologiques. Les grandes firmes le savent bien. Des prix supérieurs et des coûts réduits (exemple : la viande végétale) étant une source abondante de profits, la liste des produits et services « propres » s’allonge chaque année.

Quel est le problème avec cette définition de l’écoblanchiment ? D’une part, elle est bien trop restreinte en se limitant aux seules entreprises. D’autre part, en désignant des mauvais élèves, elle suggère implicitement qu’il existe de bons élèves œuvrant à la sauvegarde de la biosphère. C’est ignorer la nature systémique du problème. Personne ne peut subsister de façon écologiquement soutenable au sein du système techno-industriel. Ceci est vrai pour un individu comme pour une organisation, voilà la réalité.

Définition du greenwashing ou écoblanchiment
« Cette tronçonneuse solaire me permet de déforester la conscience tranquille. »

Exemples classiques de greenwashing

Un grand groupe dans le secteur de l’énergie peut par exemple mettre en place une campagne de communication pour expliquer aux parties prenantes (consommateurs, actionnaires, associations, société civile, État, etc.) qu’il investit dans les énergies renouvelables, alors qu’en parallèle, il se lance aussi dans des projets d’extraction de combustibles fossiles (plateforme pétrolière en Arctique, sables bitumineux au Canada ou encore mines de charbon). Il y a dans la notion classique du greenwashing une volonté de détourner l’attention, de verdir son image pour s’inscrire dans la tendance RSE et développement durable.

Le greenwashing des grandes firmes

Un exemple célèbre de greenwashing certainement étudié dans toutes les grandes écoles formant la vermine chargée de faire du lobbying en faveur des pires entreprises de la planète : le cas du Round Up. Malgré les preuves qui s’accumulent sur la dangerosité de ce désherbant à base de glyphosate, son classement par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) comme cancérogène probable, les cas de malformations congénitales un peu partout dans le monde, ce produit est toujours répandu en masse dans les champs par les agriculteurs. Pour le Round Up en vente aux particuliers, la firme a d’ailleurs été condamnée pour publicité mensongère avec cette campagne annonçant que le désherbant était biodégradable.

L’émission Cash Investigation présentée par la journaliste Élise Lucet avait réalisé un reportage sur le marketing vert et les pratiques de greenwashing que vous pouvez visionner ci-dessous. Vous retrouverez dans ce reportage des exemples d’entreprises et même des ONG bien connues qui sont épinglées pour leurs pratiques marketing utilisant abondamment le greenwashing. Parmi les organisations mises en cause : Crédit Agricole, WWF, Danone ou encore Areva (devenue Orano).

Le greenwashing politique

Le chef de l’État français, Emmanuel Macron, s’est également illustré dans le domaine. On se souvient tous du fameux « Make Our Planet Great Again » en réponse au « Make America Great Again » de Donald Trump, une déclaration inepte qui ne s’est finalement jamais traduite dans les actions du gouvernement français. Plutôt l’exact contraire : recul sur la promesse d’interdiction du glyphosate ; soutien au projet Montagne d’Or en Guyane ; recul sur la taxe carbone ; et plus récemment, renoncement à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici 2050. On apprenait également en 2019 que Macron supprimait les financements aux parcs nationaux.

D’autres pays s’illustrent en matière de greenwashing politique, notamment les pays nordiques souvent présentés par les médias de masse comme des modèles progressistes. Par exemple, la Norvège nous est régulièrement décrite comme un paradis écologique, avec ses forêts et ses fjords sauvages, ses voitures électriques – 54,3 % des ventes en 2020 – et son hydroélectricité soi-disant bonne pour l’environnement. Mais la Norvège, c’est surtout 18 % du PIB réalisé par le secteur pétrolier et gazier, un secteur comptant pour 62 % des exportations du pays ; du gaz notamment importé par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Belgique.

Le greenwashing des grandes ONG environnementales

Le greenwashing du WWF est largement dénoncé depuis des années, mais la puissance financière derrière le panda lui permet de faire face aux pires accusations : soutien à la chasse aux trophées en Afrique australe, expulsion des communautés de chasseurs-cueilleurs des forêts du bassin du Congo, financement d’écogardes responsables de tortures, de meurtres et de viols en Afrique et en Asie, et autres joyeusetés. En 2020, l’Union européenne avait suspendu son soutien financier au WWF en raison des persécutions faites aux Pygmées Baka, un peuple des forêts du bassin du Congo.

Le WWF international avait un budget de 767 millions d’euros en 2017, plus de la moitié provenant de donations de particuliers. Mais le panda est financé en grande partie aussi par de grandes multinationales comme on peut le voir dans son rapport d’activités. Le WWF s’apparente à un consultant en greenwashing. Il utilise sa notoriété et son image auprès du public pour redorer le blason d’entreprises accusées de détruire les milieux naturels, par exemple en développant des filières « durables » pour la production de soja et d’huile de palme. Problème, la création du label RSPO pour l’huile de palme ne garantit en rien l’absence de déforestation, au contraire la certification a contribué à accélérer le processus en Asie du Sud-Est.

smart city et greenwashing
La Smart City écobiodurable, un autre exemple courant de greenwashing.

Dans sa « vision pour les mondes de demain », Greenpeace continue de promouvoir inlassablement les technologies prétendument « propres » (éolien, solaire, hydrogène, méthanisation, stockage batterie, etc.) qui sont en train de déclencher un véritable boom de l’extraction minière dans les pays du Sud, et bientôt en Europe pour le lithium. L’industrie minière envisage sérieusement de miner les fonds marins (deep-sea mining) à la recherche des métaux essentiels à la transition technologique et énergétique, ce qui pourrait définitivement achever les océans et, en définitive, la vie sur Terre. Aussi bien sur le plan écologique que social, Greenpeace est complètement à côté de la plaque.

Mais le greenwashing a infecté toute la société

Selon nous, le greenwashing s’étend bien au-delà du monde de l’entreprise. C’est pourquoi nous voulons proposer une autre définition plus large, plus juste et donc plus proche de la vérité :

Toute innovation, action ou initiative privée ou étatique présentée comme durable, décarbonée, soutenable, écologique, verte ou propre, mais dépendante du système techno-industriel pour son déploiement et sa viabilité à long terme.

Pour le dire autrement, les actions reposant sur la viabilité du système techno-industriel encouragent la préservation du système, donc la poursuite sans fin de l’extraction de matières premières, la combustion d’énergies fossiles, la consommation de produits et services pour la plupart inutiles, la construction d’infrastructures, les émissions de gaz à effet de serre et le rejet de polluants divers et variés. Il y a contradiction totale entre l’objectif – sauvegarder la biosphère – et les moyens mis en œuvre – des actions renforçant le système techno-industriel ravageant la nature.

Cette nouvelle forme de greenwashing est pratiquée aussi bien par les entreprises que par les consommateurs, les influenceurs, les ONG et les médias. À la différence du greenwashing classique des grandes firmes multinationales, c’est un greenwashing de bonne foi pourrait-on dire. Ici l’intention délibérée de tromper le public pour servir son intérêt personnel est moins évidente, parfois totalement absente. En raison de la propagande massive en faveur du technosolutionnisme, beaucoup de gens sont persuadés que les technologies dites « propres » – éoliennes, panneaux solaires, nucléaire, voitures et vélos électriques, train, etc. – vont sauver le monde. Or l’ensemble de ces technologies ne peut exister dans un monde sans système techno-industriel. Cette confusion s’explique certainement aussi par le niveau de complexité atteint par la civilisation industrielle, avec ses chaînes de valeur globales divisées en plusieurs milliers d’étapes entre l’extraction du minerai et l’arrivée du produit sur les étalages d’une grande surface.

Face au désastre socioécologique mondialisé, le sentiment d’impuissance et le stress intense ressentis peuvent amener à croire tout et n’importe quoi ou à espérer un miracle. Mais la seule chose en laquelle il faut croire, c’est en nous-mêmes. Car personne dans les hautes sphères du pouvoir ne s’attaquera réellement au problème, ils ont bien trop à perdre. Et même s’ils en avaient l’intention, la nature du système techno-industriel rend absurde l’idée même d’une réforme (lire à ce sujet La Technique ou l’enjeu du siècle de Jacques Ellul). Personne ne prendra les mesures radicales qui s’imposent pour stopper l’inexorable catastrophe, seul le peuple aura le courage de le faire. Le système techno-industriel est depuis longtemps hors de tout contrôle. Pour nous éviter le pire, une stratégie efficace consisterait à perturber le système par une contre-propagande agressive, des blocages d’axes de communication et du sabotage d’infrastructure énergétique, pour à terme procéder à son démantèlement complet. Cette proposition peut vous paraître trop radicale, mais nous vous rappelons que la vie sur Terre et l’avenir de l’espèce humaine sont en jeu. Une biosphère excessivement endommagée rendrait la Terre inhabitable aux formes de vie complexes, espèce humaine incluse. Si nous laissons la société industrielle dégrader continuellement la composition de l’atmosphère, des océans, raser les forêts et stériliser les sols, il se pourrait que l’environnement devienne hostile au point que seules des formes de vie primitives – bactéries, algues – pourraient survivre.

Nous sommes face au plus grand défi de l’histoire humaine, il est temps de se montrer à la hauteur des enjeux.

Trois types d’actions certifiés sans greenwashing

Afin de distinguer aisément les initiatives sans greenwashing, autrement dit les actions vraiment efficaces menaçant la pérennité du système techno-industriel, il existe quelques trucs à garder à l’esprit. Les mouvements radicaux sont rarement promus par les médias de masse, les ONG et les associations de bisounours du Mouvement Climat, mais plutôt ouvertement condamnés à l’image de cet article du journal Les Echos titrant « Les terroristes de l’environnement ». Mais posez-vous la question suivante : qui sont les vrais terroristes ? Les milliardaires comme Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH et des Echos, qui ont fait fortune en ruinant la nature et notre avenir ? Ou les groupes de femmes et d’hommes courageux, déterminés à prendre tous les risques pour sauver la biosphère et assurer un avenir à la race humaine ?

De manière générale, les gens qui défendent activement la démolition du système techno-industriel n’obtiennent pas de reconnaissance ni d’encouragement du public, bien au contraire. Cependant, avec les fléaux climatiques, les inégalités florissantes générées par la fin du travail humain peu à peu remplacé par la machine, la surveillance et l’oppression technologique généralisées, les choses pourraient bientôt évoluer. Nous pourrions sous peu assister à une vague de radicalisations.

Combattre le système sur les fronts idéologiques et physiques

Il existe une multitude d’organisations à travers le monde qui militent ouvertement – et certaines depuis des décennies – pour le renversement de la société industrielle (Earth First !, Deep Green Resistance, Earth Liberation Front, Individualidades Tendiendo a lo Salvaje (« Identités Tendant vers le Sauvage »), etc.). Certaines le font de manière légale et à visage découvert, d’autres optent pour des actions plus musclées et choisissent alors d’opérer dans la clandestinité. La plupart du temps, les gens ignorent leur existence en raison de la censure médiatique.

Combattre sur les deux fronts – idéologique et physique – est d’une importance cruciale pour remporter la victoire. Il existe cependant une croyance limitante nocive qui repose sur l’illusion démocratique et sur une ignorance de l’histoire. Selon cette croyance, il faudrait convaincre la majorité de la population du bien-fondé d’une vision politique afin qu’elle puisse se concrétiser. C’est ignorer bien des choses sur la dynamique des sociétés de masse et sur les mouvements révolutionnaires historiques. S’il fallait convaincre la majorité des habitants d’un pays pour bousculer l’ordre social, aucune révolution ne se serait jamais produite, même chose pour les rébellions d’esclaves.

Construire un mouvement de résistance pour établir un rapport de force devrait aujourd’hui être la priorité absolue. Sans conflit ouvert avec le système techno-industriel, il n’y a aucune chance d’échapper à l’anéantissement de la biosphère. Rappelons ici que les Zones À Défendre (ZAD), notamment à Notre-Dame-des-Landes contre l’aéroport et à Roybon contre le projet de Center Parcs, figurent parmi les rares succès du mouvement écologiste en France.

Rétablir le lien avec la terre nourricière

Une autre manière d’agir certifiée sans lavage de cerveau durable, c’est de se lancer dans la création d’une ferme paysanne à taille humaine pour relocaliser la production alimentaire et amortir l’effondrement du système technologique. L’humain de l’ère industrielle est devenu dépendant de l’eau du robinet et des supermarchés pour assurer sa subsistance. Cette existence hors-sol et inhumaine n’a aucun avenir, il faut donc commencer à préparer le monde post-effondrement industriel.

Bien sûr, les initiateurs de ce type de projets devraient eux aussi soutenir publiquement le démantèlement du système techno-industriel. Pour l’instant, ils sont encore trop nombreux à invoquer le changement individuel, voire pire, à suggérer de suivre leur exemple. Mais chacun devrait choisir le style de résistance qui lui convient en fonction de ses préférences, de ses compétences et qualités individuelles, et aussi de ses moyens financiers. Le nombre d’actions efficaces n’a de limite que votre imagination, nous en brossons ici seulement une vue générale à travers trois grandes catégories qui peuvent se décliner en centaines, voire en milliers d’attaques contre le système. En revanche, vous devriez en permanence vous poser les questions suivantes : mon action est-elle efficace ? Contribue-t-elle à perturber le système techno-industriel ? Mon action militante est-elle populaire ou impopulaire ? Sert-elle avant tout mon ego ou la cause ?

Racheter des terres pour la communauté

Un peu partout sur Terre, des milliardaires rachètent d’immenses espaces sauvages pour en faire des réserves de luxe privatisées. Dernièrement, le milliardaire chinois Jack Ma achetait 28 000 hectares de terres près de New York pour la modique somme de 23 millions de dollars, pour en faire à la fois un  « projet de conservation de la nature » et une « maison de vacances » selon Business Insider. Dans les Highlands d’Écosse, les milliardaires danois Anders et Anne Holch Povlsen sont propriétaires de plus de 80 000 hectares de terres qu’ils désirent réensauvager, soi-disant pour les générations futures. On pourrait multiplier les exemples en Afrique, en Amérique du Nord et du Sud, et probablement sur tous les continents. Les ultrariches imaginent certainement pouvoir échapper au cataclysme planétaire en allant se barricader dans un bunker perdu quelque part sur des terres encore sauvages.

Pour contre-attaquer, des groupes de dizaines, centaines ou milliers de gens pourraient réunir une partie de leurs fonds propres pour racheter des surfaces importantes de terres, par exemple des terres abîmées par l’exploitation agricole ou forestière intensive. On pourrait ensuite y envisager une régénération par la création d’une mosaïque d’espaces sauvages et de petites fermes. Les outils de crowdfunding existent aujourd’hui pour récolter rapidement des fonds provenant d’un nombre important de personnes, et si l’État venait à bloquer le processus sous la pression du secteur privé, il serait possible d’imposer un rapport de force.

Comme pour le projet individuel de création d’une ferme, les initiateurs d’un tel projet collectif devraient impérativement et publiquement soutenir le démantèlement du système techno-industriel. Difficile de savoir s’il est possible de concilier les deux choses étant donné l’aversion du public pour cette cause. Mais comme indiqué plus haut, cela pourrait changer rapidement dans les années à venir. Dans tous les cas, il faut créer un front populaire face au système technologique, une vague qui prendra au fur et à mesure de l’ampleur pour finir par devenir inarrêtable.