Éolien Offshore : la reconversion du port de Bremerhaven
Lors d’une visite organisée par Clean Energy Wire (CLEW) le mois dernier, j’ai eu l’occasion de découvrir une région pionnière de l’éolien offshore en Europe. Situé dans le Nord-Est de l’Allemagne, Bremerhaven est un port marchand de 114 000 habitants qui semble avoir trouvé un nouveau souffle grâce à l’énergie éolienne.
Les activités se sont jusqu’alors concentrées sur la pêche (Captain Iglo se ravitaille en poisson pané là-bas), l’aéronautique et surtout l’import-export pour l’industrie automobile (2 millions de véhicules) qui représente à elle seule 50% de l’activité du port.
Ce fut également une plateforme importante de la logistique de l’armée US après la seconde Guerre Mondiale. Après la réunification, son départ a impacté économiquement la région, de même que la crise des chantiers navals et celle de l’industrie de la pêche dans les années 90. Politiques, acteurs économiques et syndicats se sont alors concertés afin de trouver de nouveaux débouchés pour leur industrie.
Pourquoi mettre des éoliennes en mer ?
Prototype d’une éolienne offshore Areva installée sur la terre ferme pour une phase de tests
Plusieurs raisons à cela :
- Avec 5 millions de conteneurs par an, c’est le 4ème port d’Europe, les infrastructures et la logistique sont donc déjà présentes
- Main d’oeuvre spécialisée disponible (ouvriers soudeurs, dockers etc)
- La région bénéficie d’un savoir-faire industriel (aéronautique et automobile notamment)
- La Mer du Nord est le lieu d’implantation idéal pour l’éolien offshore avec des fonds sableux de 40 à 50 mètres de profondeur
- Au large le vent est plus constant, donc les éoliennes produisent davantage. Autre bénéfice, terminés les accrochages avec les riverains sur la pollution visuelle et sonore, un gros frein au développement de l’éolien terrestre en France par exemple.
Depuis 2002, les investissements publics et privés dans le secteur se sont respectivement élevés à 120 et 800 millions d’euros. Aujourd’hui 60 Mégawatts sont installés en offshore auxquels 400 autres s’ajouteront bientôt avec la ferme éolienne Global Tech 1 au large de Bremerhaven et Emden. En 12 ans, 3000 emplois ont été créés dans l’éolien offshore et le chômage est passé de 25 à 15% grâce, entre autres, à ces nouveaux débouchés.
Ci-dessus le Friedrich Ernestin, ici en action, un navire spécial pour les chantiers offshore (pétrolier, gazier ou éolien). Les piliers s’abaissent pour s’appuyer sur le fond marin et soulever le bateau hors de l’eau, permettant à la grue de manipuler des pièces avec précision sans être perturbée par la houle.
Un hub de l’éolien maritime en formation
La région compte une vingtaine de grands groupes présents sur ce secteur comme Adwen (Areva Wind et Gamesa), Enercon, Powerblades ou Senvion. À côté des fabricants se forme tout un écosystème avec les développeurs de parc, les spécialistes de la maintenance et de la logistique.
L’Institut Fraunhofer (IWES) présent à Bremerhaven, Hanovre et Hambourg regroupe 300 chercheurs et s’occupe quant à lui de la Recherche & Développement à toutes les étapes de la chaîne de valeur, en partenariat avec les universités de la région. Le centre de recherche développe de nouveaux procédés de fabrication en cherchant à automatiser les processus, il teste également la résistance des turbines et des matériaux à l’usure, aux vibrations, à la chaleur ou à la corrosion par exemple. Pour l’impact au niveau naturel sur les espèces marines, l’Institut Wegener se charge d’étudier les répercussions sur ce biotope des vibrations et du bruit.
C’est donc un véritable cluster autour de l’éolien offshore qui se développe en Allemagne du Nord. Les challenges à relever sont certes encore nombreux, comme la maîtrise des coûts de maintenance avec des installations éloignées des côtes. Nos voisins d’outre-rhin ont toutefois le mérite d’explorer de nouvelles pistes en matière d’énergie renouvelable, ce qui pourrait à terme porter ses fruits.
Ces pales d’éolienne gigantesques permettent au rotor des machines d’atteindre des tailles considérables, jusqu’à 180m de diamètre. En augmentant la taille du rotor, la vitesse de vent nécessaire à la rotation diminue et l’éolienne produit plus sur l’année.