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Fikile Ntshangase, victime de l’industrie minière

Fikile Ntshangase, une activiste sud-africaine de 65 ans appartenant à la communauté Zoulou, a été abattue de plusieurs balles le 22 octobre 2020 dans sa maison du KwaZulu-Natal par quatre hommes. Elle vivait en compagnie de son petit-fils de 11 ans. En raison de son combat contre l’expansion d’une mine de charbon à ciel ouvert devenue un cauchemar pour sa communauté subsistant grâce à l’élevage et au maraîchage, Fikile a rejoint la longue liste des martyrs de la guerre écologique.

Fikile était l’une des leaders de la Mfolozi Community Environmental Justice Organisation (MCEJO) qui a tenté plusieurs actions en justice contre Tendele Coal Mining, l’entreprise exploitant la mine de charbon de Somkhele. Les pollutions sonores, visuelles, aériennes et fluviales résultant des activités minières menacent la plus ancienne réserve de faune d’Afrique, Hluhluwe-iMfolozi, ainsi qu’un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et situé 15 kilomètres en aval,  iSimangaliso Wetland Park. Infrastructures industrielles et routes construites aux abords des aires protégées s’accompagnent systématiquement d’une explosion du braconnege, Hluhluwe-iMfolozi n’y échappe pas. La gestion du parc parle d’un « hotspot » pour les braconniers de rhinocéros blancs dans la section la plus proche de la mine.

La mine a considérablement affecté la zone tribale de Mpunkyoni où les gens dépendaient de l’élevage de chèvre et de vaches, et faisaient pousser leur nourriture eux-mêmes. Utilisant une stratégie éculée chez les crevures de l’industrie extractive, Tendele s’est employée à diviser les communautés locales vivant aux abords de la mine. Les communautés rurales du Zululand possèdent des droits coutumiers mais pas de droits de propriété sur la terre enregistrée comme propriété du roi Zulu et gérée par des chefs traditionnels via l’Ingonyama Trust. La mine paye un bail annuel à l’Ingonyama Trust (montant non divulgué publiquement) pour exploiter la mine. Pour compenser les villageois déplacés, l’entreprise se contente de laisser une compensation équivalente à la valeur de leurs maisons, sans prendre en compte la perte des terres.

Selon l’avocate de MCEJO :

« Les stratégies utilisées par Tendele sont malheureusement typiques de nombreuses entreprises opérant dans des communautés rurales pauvres. Les mines font miroiter des avantages aux membres des communautés appauvries, avec des conséquences inévitables. De profondes divisions et des conflits apparaissent au sein des communautés, ce qui engendre presque toujours de la violence et des morts. »

Les tensions sont montées d’un cran les derniers mois. En faisant du chantage à l’emploi, Tendele avait poussé plusieurs responsables de MCEJO – dont Fikile Ntshangase – à signer un accord pour que l’ONG cesse ses poursuites judiciaires menaçant le futur de la mine. Plusieurs membres de MCEJO ont accepté, Fikile a refusé malgré l’argent proposé en échange.

D’après Sheila Berry, une porte-parole de l’ONG Global Environmental Trust :

« Nsthangase a refusé de signer l’accord et, quelques jours avant son assassinat, a déclaré son intention d’écrire une déclaration sous serment concernant un pot-de-vin supposé de 350 000 rands [19 000 euros] en échange de sa signature. »

Fikile aurait déclaré :

« J’ai refusé de signer. Je ne peux pas trahir ma communauté. Et s’il le faut, je mourrai pour mon peuple. »

Intégre, prête à aller jusqu’au sacrifice ultime, Fikile était une vraie guerrière.

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