Gaz de schiste, investissement d’avenir ?
Nicolas Sarkozy laissait entendre fin 2014 dans un de ses discours de campagne pour la présidence de l’UMP que se détourner du gaz de schiste était une erreur stratégique. D’autres hommes politiques français, à droite avec François Fillon et Alain Juppé, comme à gauche avec l’ancien ministre Arnaud Montebourg se prononçaient en faveur d’un assouplissement de la législation sur la question.
Beaucoup a été dit sur l’impact environnemental de ces techniques d’extraction, entrainant notamment une pollution des nappes phréatiques. Les débats ont moins porté sur l’aspect purement économique et la viabilité sur le long terme de la fracturation hydraulique.
Débats autour de la taille des gisements de schiste
Avec la révolution du « fracking », les Etats Unis se sont hissés au 1er rang des pays producteurs de pétrole, devant la Russie et l’Arabie Saoudite. Naturellement, les chefs d’Etats européens convoitent cette manne financière mais sont tiraillés entre le lobbying des industriels et l’hostilité des populations. Selon les géologues, le sous-sol français regorge de gaz. Difficile pourtant de déterminer avec précision la taille de ces gisements. Celui de Monterey en Californie représentait un potentiel de 15 milliards de barils de brut en 2011 mais les dernières estimations tournent plutôt autour des 600 millions.
Sur la carte ci-dessous, les trois plus grands gisements exploités : Bakken dans le Dakota du Nord, Eagle Ford et Permian basin au Texas.
En Europe, la Pologne était un pays prometteur mais Total, Exxon Mobil, Marathon Oil et maintenant Chevron ont abandonné leurs campagnes d’exploration. Les réserves ont été revues à la baisse, le sous-sol polonais semble plus compliqué à forer qu’aux USA et des incertitudes planent sur la politique de régulation du gouvernement. Tous ces éléments renchérissent les coûts d’extraction et pèsent sur la rentabilité de l’exploitation dans un contexte où le baril de pétrole fluctue aux alentours de 50$. Cette diminution des cours du brut est provoquée par une offre excessive, alimentée par les hydrocarbures de schiste américains, et une demande mondiale atone.
Bulle spéculative en formation aux USA ?
La productivité d’un puits de pétrole de schiste est limitée car elle décline fortement dès les premières années d’exploitation. Il faut constamment faire de nouveaux forages pour maintenir le niveau de production. Aux USA, d’énormes sommes ont été investies pour multiplier les forages et accroître la production, provoquant une baisse artificielle du prix du gaz et du pétrole. Certains parlent de pic de production voire même de bulle spéculative, et la chute pourrait être brutale pour les investisseurs exposés.
Autre conséquence à court terme du choix pour le gaz de schiste ; le transfert des investissements destinés à l’origine aux énergies renouvelables. C’est déjà ce qui est en train de se passer aux USA avec un ralentissement de 92% dans la construction de parcs éoliens, chiffre aggravé par la réduction des subventions accordées au secteur. L’investissement dans les infrastructures et les bâtiments pour en optimiser l’efficacité énergétique pourrait également pâtir de cette situation.
En résumé, le boom énergétique américain a peu de chances de se répéter en Europe en raison d’une régulation plus stricte et de la défiance d’une majeure partie de la population. Même avec des techniques moins polluantes et une meilleure rentabilité, la densité de population sur le Vieux Continent poserait des problèmes en cas de multiplication des forages. Le Dakota du Nord quant à lui connaît une ruée vers le pétrole de schiste mais compte seulement 3,4 habitants au km2 (contre 98,8 en France), ce qui limite considérablement les problèmes de voisinage.