Nanotechnologies : applications, implications et risques (par Nicholas Winstead)
Traduction d’un article publié par Nicholas Winstead le 15 avril 2020 sur le Center for Security, Innovation and New Technology du site de l’American University of Washington, DC[1]. Étudiant en géopolitique et sécurité intérieure, Nicholas Winstead y fait un compte rendu des applications et des risques liés aux technologies de l’infiniment petit, de l’ordre de 1 à 100 nanomètres, c’est-à-dire dix fois plus petit que la largeur d’un brin d’ADN humain. Alors que le journal britannique The Guardian révélait il y a quelques jours que les xénobots, première forme de vie entièrement artificielle, sont capables de s’autoreproduire[2], il me semblait d’intérêt public de traduire ce texte bien sourcé réalisant un panorama des nanotechnologies. Pour d’autres exemples, citons cet article du média économique CNBC :
« Plusieurs pays développent des nanoarmes. Ces dernières pourraient être utilisées pour lancer des attaques à l’aide de bombes nucléaires miniatures et de robots-insectes mortels.
Bien qu’elles relèvent encore aujourd’hui de la science-fiction, selon un expert les avancées des nanotechnologies dans les années à venir en feront une menace plus importante pour l’humanité que les armes nucléaires conventionnelles. Les États-Unis, la Russie et la Chine investiraient des milliards de dollars dans la recherche sur les nanoarmes. D’après Louis Del Monte, physicien et prospectiviste auteur de Nanoweapons : A Growing Threat To Humanity (« Nanoarmes : une menace croissante pour l’humanité ») :
“Les nanorobots sont la préoccupation principale. Ils ont le potentiel pour devenir des armes de destruction massive et pourraient conduire à l’anéantissement de l’espèce humaine[3].” »
Quelques autres informations glanées dans l’article de CNBC : des robots d’une taille inférieure à un cheveu pourraient être programmés pour injecter des toxines dans le corps de certaines personnes, y déclencher des microcharges explosives, ou pour contaminer le réseau d’eau potable d’une grande ville ; la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), agence de recherche et développement de l’armée états-unienne, travaille à la conception de drones autonomes capables d’entrer dans des immeubles et de drones de la taille d’insectes ; les nanotechnologies offrent la possibilité de fabriquer relativement facilement des mini-bombes nucléaires pesant seulement 2 kg, dissimulables dans une poche ou un sac à main et d’une puissance équivalente à 100 tonnes de TNT (assez pour raser des immeubles) ; la plus grande menace nanotechnologique vient cependant des nanorobots mortels autonomes, c’est-à-dire capables de se reproduire eux-mêmes, et qui, si ingénieurs et scientifiques en perdaient le contrôle, pourraient s’abattre par millions sur des foules tuant des gens au hasard ; la probabilité pour que les nanotechnologies causent l’extinction de l’espèce humaine au cours du XXIe siècle s’élèverait à 5 %.
Les « solutions » avancées par Nicholas Winstead pour contrôler les nanotechnologies sont à peu près aussi risibles que les déclarations habituelles des laudateurs de l’atome sur la sécurité nucléaire, Jean-Marc Jancovici et son fanclub décérébré en tête.
Image d’illustration : « le Robobee X-wing a réalisé un vol libre en utilisant des cellules solaires ultra-légères, alimentant des actionneurs piézoélectriques via un circuit imprimé dépouillé. Cette technologie n’en est qu’à ses débuts, mais elle pourrait ouvrir la voie à une nouvelle génération de drones miniatures. »
Le mois dernier, le FBI a annoncé l’inculpation de deux officiers militaires chinois qui s’étaient infiltrés aux États-Unis sous de fausses identités afin de voler la propriété intellectuelle états-unienne[4]. Dans ce cas précis, il est intéressant de noter que les informations relatives à des brevets ou des plans militaires de l’armée US ne constituaient par leur cible ; les espions espéraient plutôt glaner des informations sur la recherche fondamentale faite à Harvard dans le domaine des nanosciences. Cet incident montre que pour dominer à l’avenir, il ne suffit pas d’utiliser les technologies actuelles comme l’intelligence artificielle et la vitesse hypersonique ; la recherche fondamentale qui sous-tend ces technologies est encore plus précieuse. Malheureusement, les nanotechnologies et autres sciences primordiales sont souvent exclues des discussions traitant des technologies émergentes.
Cet article donne un aperçu des nanotechnologies, de leurs applications et de leurs implications pour la sécurité nationale. Il présente ensuite des recommandations de politique générale visant à atténuer les menaces que représentent les nanotechnologies.
Les nanotechs, des technologies émergentes
Les nanosciences représentent un sous-domaine de la physique qui traite des échelles de 1 à 100 nanomètres. Il s’agit de particules extraordinairement petites : une version imprimée de ce texte aurait une épaisseur d’environ 100 000 nanomètres. Une meilleure compréhension de ce sous-domaine a conduit à l’avènement des nanotechnologies – des processus et des outils d’ingénierie qui permettent la manipulation d’atomes et de molécules au niveau individuel. La nanotechnologie permet aux humains de jouer avec les éléments constitutifs de l’univers, en exploitant les lois de la mécanique quantique pour construire des matériaux avec une précision inimaginable, littéralement molécule par molécule. Les nanotechnologies offrent la possibilité de réaliser des avancées révolutionnaires dans des domaines allant de la métallurgie à la médecine en passant par la puissance militaire[5].
Les progrès des nanotechnologies sont profondément liés à d’autres technologies, dont beaucoup ont reçu une attention bien plus grande. Les nanotechnologies auront des applications pour d’autres technologies telles que l’édition de gènes, la fabrication additive (impression 3D), l’intelligence artificielle, les vaisseaux spatiaux et l’informatique quantique. Toutefois, les propriétés et processus uniques des nanotechnologies méritent une plus grande attention de la part du régulateur. Des politiques limitées qui traitent les nanoapplications de manière ad hoc ne permettront pas de prendre en compte les caractéristiques uniques ni de relever les défis singuliers posés par les nanotechnologies. Comme l’a fait remarquer un expert, « les nanoparticules sont beaucoup plus réactives et imprévisibles que les particules chimiques/biologiques habituelles, mais les gouvernements n’ont pas conscience […] que les réglementations offrant des directives […] ne reconnaissent pas toujours les nanotechnologies comme un nouveau domaine présentant des défis uniques[6]. »
En résumé, les nanotechnologies ne vont pas seulement accélérer la croissance des menaces existantes, elles en créeront de nouvelles encore plus complexes. Une meilleure compréhension des nanotechnologies, tant au sein du gouvernement que dans le grand public, est nécessaire pour stimuler un cadre réglementaire plus proactif.
Applications : Biochem, Bots, Bytes
La plupart des processus biologiques importants se déroulent à l’échelle nanométrique, c’est pourquoi les nanotechnologies amélioreront – voire révolutionneront – les capacités des armes chimiques et biologiques. Les nanotechnologies rendront les armes chimiques et biologiques plus faciles à produire et à transporter. Ainsi, des quantités bien plus faibles d’agents nanotechnologiques pourront être produites, ce qui devrait réduire la taille et la capacité des installations et compliquer la détection[7]. Cela entravera considérablement les opérations de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, car il sera de plus en plus difficile de détecter et d’interrompre la création ou le transfert d’agents nanotechnologiques, que ce soit par des organisations terroristes ou des acteurs étatiques. En outre, l’identification et l’appartenance des nanoparticules posent des difficultés uniques qui entraveraient toute réponse à une attaque[8].
La convergence des nanotechnologies, de la biologie synthétique (c’est-à-dire l’édition de gènes) et de la chimie permettra de créer de nouveaux agents et d’améliorer la résilience et la létalité des agents existants. Il sera possible de modifier l’ADN bactérien pour créer des organismes entièrement nouveaux, ou de fabriquer de nouveaux produits chimiques en partant d’une feuille blanche. Les nanotechnologies pourraient également renforcer la toxicité des produits chimiques inorganiques, car la grande surface des nanoparticules les rend particulièrement toxiques[9]. Enfin, les nanotechnologies permettront de créer de nouveaux systèmes et méthodes d’administration de traitement pour éviter les contre-mesures médicales. Les nanotubes pourraient par exemple être utilisés pour délivrer uniquement les composantes mortelles du virus de l’anthrax, sans la protéine caractéristique reconnaissable par le système immunitaire. Tout aussi inquiétant, les nanotechnologies amélioreront les processus d’encapsulation et d’aérosolisation des organismes mortels[10]. Comme le résume un rapport, les applications de la nanochimie et de la nanobiologie « vont au-delà de la militarisation des agents pathogènes ou des substances toxiques. Elles rendent possible la création de vaccins inefficaces […], le renforcement de la virulence et du pouvoir pathogène des micro-organismes, l’augmentation de la vulnérabilité des macro-organismes aux maladies infectieuses et la création d’obstacles au diagnostic[11]. »
Les applications des nanotechnologies dépasseront le cadre des armes chimiques et biologiques pour inclure les domaines de la cybernétique, de la robotique et de la fabrication additive. Premièrement, les nanotechnologies permettront d’améliorer rapidement l’informatique quantique et l’intelligence artificielle[12]. Ensuite, la capacité de manipuler la matière au niveau quasi atomique permettra d’obtenir des processus de fabrication extrêmement précis et efficaces. Le métal léger, durable et bon marché créé par nanofabrication servira pour de nombreuses applications militaires, notamment pour l’espace. Enfin, les techniques de nanofabrication amélioreront l’impression en trois dimensions, ce qui facilitera la création d’architectures complexes et évolutives. Les scientifiques ont déjà produit des « moteurs moléculaires » primitifs et d’autres nanomachines[13].
Menaces : Terroristes et tyrans
Il existe trois menaces distinctes posées par les nanotechnologies. Premièrement, la diffusion des nanotechnologies peut accroître la probabilité d’actes bioterroristes utilisant des nanotechnologies. Les nanotechnologies deviennent de plus en plus bon marché et faciles à utiliser. Le matériel nanotechnologique DIY (« Do-it-yourself » ou « fais-le toi-même ») et les instructions en open-source sont facilement accessibles en ligne. Par exemple, un site fournit des instructions pour construire un laboratoire nanotechnologique d’ADN pour moins de 500 dollars[14]. Un autre site propose des expériences nanotechnologiques pour toute la famille, à partir de 4 ans[15]. Cette « démocratisation » des nanotechnologies multiplie les possibilités pour les acteurs malveillants de concevoir des armes (depuis « le confort de votre foyer », comme en fait la promotion le site[16]). Deuxièmement, les nanotechnologies permettront aux acteurs étatiques de développer ou d’utiliser plus facilement des armes chimiques et biologiques avancées. La nanotechnologie rendra ces armes moins chères à produire et plus faciles à dissimuler et à transporter, facilitant leur prolifération vers les États voyous[17]. En outre, les lois nationales et internationales existantes, conçues pour empêcher la propagation de produits chimiques dangereux, pourraient ne pas être en mesure de suivre le rythme des changements rapides induits par les nanotechnologies. Troisièmement, les nouvelles capacités potentielles des nanotechnologies peuvent accélérer la course à l’armement et compromettre la stabilité stratégique entre les États-Unis et les grandes puissances autoritaires concurrentes[18]. Les armées du monde entier mettent déjà en place des programmes de recherche et de développement coûteux – et secrets – pour exploiter le potentiel de la technologie. Cela risque d’entraîner des spirales offensives et défensives qui pourraient rendre la guerre plus probable – et plus sanglante si elle venait à se produire[19].
Défis : Des lignes floues
Double usage
Le plus grand défi de la régulation des nanotechnologies concerne peut-être leur potentiel d’arme à double tranchant. De nombreuses nanotechnologies auront des objectifs à la fois civils et militaires. Les mêmes techniques utilisées pour créer des produits pharmaceutiques qui sauvent des vies peuvent aussi servir à créer des poisons mortels. L’élaboration d’une politique visant à empêcher les utilisations abusives sans restreindre l’innovation est un défi majeur pour la gouvernance. Les gouvernements hésitent à promulguer des contrôles stricts de peur de freiner les avantages économiques et sociétaux de la technologie.
Avec des objectifs à la fois offensifs et défensifs, même les applications ouvertement militaires sont à double usage. Cela pose problème, car la plupart des initiatives de contrôle des armements comportent des dispositions autorisant la recherche et le développement de technologies à double usage à des fins pacifiques ou défensives. Ainsi que l’écrit le juriste Robert Pinson, « la liste des objectifs autorisés à titre d’exception […] englobe presque toutes les utilisations prévues des nanotechnologies. » Par exemple, les applications médicales peuvent facilement être adaptées à des fins offensives, et la différence entre une contre-mesure défensive et une contre-contre-mesure est essentiellement une question d’intention.
Incertitude scientifique
Le haut degré d’incertitude scientifique entourant les nanotechnologies rendra difficile leur intégration dans le cadre du contrôle des armes et de leur prolifération. Selon une étude :
« L’absence de définition consensuelle des nanotechnologies, voire même l’échelle nanométrique, et par conséquent l’absence de données, de paramètres comparables et fiables pour les mesurer, fait partie des principaux obstacles à l’évaluation de l’impact potentiel des nanotechnologies sur la sécurité nationale et la compétitivité[20]. »
On manque de données scientifiques et économiques sur les nanotechnologies, notamment sur leur toxicologie, leur impact environnemental, leur valeur économique et la faisabilité des applications[21]. Cette situation aggrave le défi du double usage : la réglementation portant essentiellement sur la gestion des risques, le degré élevé d’incertitude concernant les nanotechnologies rend difficile l’établissement d’un cadre de protection contre les dangers potentiels tout en évitant d’étouffer le progrès économique et scientifique.
En outre, il n’existe pas de définition reconnue des nanotechnologies[22]. L’une des définitions les plus populaires se réfère à la taille (entre 1 et 100 nanomètres). L’Union européenne et l’International Organization for Standardization ont adopté cette approche. Toutefois, cette fourchette est quelque peu arbitraire : plus une substance se rapproche de 1 nm, plus elle présente des propriétés quantiques uniques. Certains pays, comme les États-Unis, ont adopté des définitions fondées sur ces propriétés uniques plutôt que sur la seule taille[23].
La question de l’incertitude scientifique n’est pas seulement théorique. Le manque de données et de définitions vient en réalité de l’absence d’un cadre conceptuel approprié pour les nanotechnologies, chose qui entrave la gouvernance au niveau national et international. L’analyse par Lucas Bradley de plusieurs systèmes de régulation à l’échelle nationale illustre le problème. Pour le système de réglementation des produits chimiques du Royaume-Uni, il écrit :
« [Les réglementations] traitent les produits chimiques du même type d’une façon similaire, même si l’un de ces produits possède une nanostructure unique et pourrait se comporter de manière imprévisible […]. Les lois en Australie, au Japon et aux États-Unis aggravent ces problèmes ; les réglementations sur les produits chimiques se concentrent sur les “nouveaux produits chimiques”. De nombreuses nanoparticules innovantes ne sont pas définies comme de “nouveaux produits chimiques”, de sorte que les réglementations existantes sur les substances chimiques censées les contrôler ne s’appliquent pas et n’ont aucune légitimité concernant leur déploiement[24]. »
Ce même problème se retrouve au niveau international. Il existe un obstacle majeur à la réglementation internationale des nanotechnologies, il s’agit d’un désaccord sur la cible concrète sur laquelle doit porter la réglementation ; les nanotechnologies n’entrent pas dans les « cases » conceptuelles traditionnelles du contrôle de la prolifération des armes (par exemple ce qui définit une arme chimique, ou une arme de destruction massive ; les armes chimiques et les armes de destruction massive en général, etc.).
Émergence et convergence rapides
Enfin, les nanotechnologies émergent et convergent avec d’autres sciences et technologies à une vitesse fulgurante, et les progrès rapides de la technologie pourraient dépasser les réponses juridiques et politiques existantes. À court terme, les interactions entre nanotechnologies et d’autres sciences produiront des améliorations progressives ou exponentielles des armes existantes, brouillant les lignes conceptuelles sur lesquelles reposent traditionnellement les lois de contrôle et de régulation des armes. Il existe une infinité de potentielles combinaisons entre les armes nanotechnologiques, biologiques, chimiques et conventionnelles qui, sans être révolutionnaires, pourraient passer entre les mailles du filet de l’assemblage réglementaire.
Pinson prend pour exemple la Convention sur les armes chimiques (CAC) : de nombreuses nanoarmes répondraient aux critères de la CAC pour être réglementées en tant que « produits chimiques toxiques », écrit-il, indépendamment des techniques de fabrication ou de leurs propriétés physiques spécifiques[25]. Toutefois, la CAC ne s’appliquerait probablement pas aux nanoarmes conçues pour attaquer des machines ou d’autres objets inorganiques, car elles n’entreraient pas dans la case requise, c’est-à-dire provoquer « la mort, une incapacité temporaire ou un dommage permanent aux êtres humains ou aux animaux. » Cela pose problème, car les nanoarmes pourraient tout de même provoquer des destructions massives (ou du moins des perturbations) en s’attaquant aux infrastructures physiques.
Un autre cas exposé par Anne Clunan et Kirsten Rodine-Hardy est celui du de l’Australia Group (AG), un forum international visant à empêcher l’exportation de produits susceptibles d’être utilisés pour fabriquer des armes chimiques[26]. L’annexe technologique de l’AG ne mentionne pas les nanotechnologies et ne contient pas non plus un seul produit nanotechnologique. Le Wassennaar Arrangement, un forum similaire à l’AG, fait à peine mieux avec deux nanoproduits : des bandes d’alliage nanocristallin et des outils de lithographie par nano-impression (dont aucun n’a de rapport avec la production d’armes chimiques ou biologiques).
Ces exemples soulignent le défi que représente l’adaptation des cadres juridiques et politiques à la vitesse du développement technologique. Comme le souligne Pinson, le régime juridique actuel « n’a pas été rédigé en tenant compte des nanotechnologies. Par conséquent, la manipulation du langage pour tenter de l’adapter aux nanotechnologies est inappropriée – et souvent maladroite[27]. »
Solutions
Au sein de la communauté politique, les propositions d’« approches holistiques » et de « partenariats public-privé » sont devenues des lieux communs quelque peu clichés pour des solutions concrètes. Aussi insatisfaisantes soient-elles, ces propositions véhiculent un message important : l’avenir de la réglementation technologique ne sera pas un échange du haut vers le bas, de gouvernement à gouvernement. Les gouvernements devraient certainement prendre l’initiative de prévenir les pires scénarios – terrorisme, course aux armements et guerre – mais une réglementation efficace des technologies émergentes, y compris les nanotechnologies, nécessitera des combinaisons dynamiques de mesures juridiques contraignantes et non contraignantes (c’est-à-dire des lois exécutoires et des normes de comportement non contraignantes). Le rôle principal du gouvernement devrait être celui d’un catalyseur et d’un coordinateur, encourageant et habilitant les réseaux de parties prenantes de la communauté scientifique, de l’industrie privée et du monde universitaire.
La première étape consiste à favoriser la création de communautés épistémiques afin d’établir une base de connaissances partagée autour des nanotechnologies en tant que domaine spécifique. À cette fin, les Nations unies pourraient créer un groupe de travail international sur les nanotechnologies militaires. Grâce à ce forum, la communauté scientifique établirait une définition universelle des nanotechnologies et s’engagerait dans une collecte de données rigoureuse et collaborative afin de mieux comprendre les coûts, les avantages et les risques de cette technologie[28]. L’élaboration d’un concept opérationnel des nanotechnologies jettera les bases d’une meilleure harmonisation réglementaire au niveau international.
Les contrôles à l’exportation permettront d’éviter la prolifération des applications nanotechnologiques les plus dangereuses au profit d’organisations terroristes ou d’États voyous[29]. Grâce à une base de connaissances et de compréhension consensuelle des risques posés par les nanotechnologies, les gouvernements nationaux peuvent commencer à coordonner leurs stratégies réglementaires. Cela peut impliquer d’étendre les annexes de l’Australia Group et d’autres entités similaires pour inclure des catégories plus larges de nanotechnologies. Par ailleurs, étant donné la lenteur des régimes de contrôle des exportations existants, un régime entièrement nouveau pourrait être nécessaire pour faire face aux exigences uniques des technologies émergentes[30].
En outre, les États pourraient actualiser et renforcer le droit international existant pour empêcher la production ou l’utilisation d’agents biologiques ou chimiques nanotechnologiques. Le point de départ le plus important serait la Convention sur les armes biologiques et la Convention sur les armes chimiques. La mise à jour des annexes de la Convention sur les armes biologiques et de la Convention sur les armes chimiques, afin d’y inclure un éventail plus large d’agents nanotechnologiques, garantirait la continuité de l’applicabilité juridique de ces traités. Plus important encore – mais moins probable – serait l’ajout d’un régime de vérification et d’application robuste pour donner aux traités un véritable « pouvoir ».
Certains experts ont proposé que les États-Unis et la Chine atténuent le risque de course aux armements et d’instabilité stratégique en favorisant une plus grande transparence des programmes de recherche et de développement[31]. Bien que l’environnement stratégique actuel ne soit pas favorable à un tel accord, un dialogue international pourrait se révéler utile, ne serait-ce que pour tenter de gérer les plus grands dangers des nanotechnologies, tels que les « nano-robots » militarisés[32] ou les modifications biologiques non consensuelles[33].
Il est certain qu’il n’existe pas de solution miracle aux défis posés par les nanotechnologies et les autres technologies émergentes, et il sera difficile de naviguer dans cet environnement incertain. Toutefois, ces défis ne sont ni insurmontables ni sans précédent. Il convient de rappeler que les régimes de contrôle des armements, aujourd’hui considérés comme lourds et dépassés, incarnaient en fait des solutions innovantes à des technologies qui étaient, à l’époque, révolutionnaires et sans précédent. Il est tout à fait en notre pouvoir d’exploiter les promesses et d’atténuer les dangers des nanotechnologies.
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