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« Nous rédigeons un business plan pour le monde » (par Christiana Figueres)

Voici un discours prononcé par Christiana Figueres lors de la Cimate Week NYC à New York en septembre 2014. Christiana Figueres était à ce moment-là secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (de 2010 à 2016).

Climate Week NYC est une initiative de The Climate Group organisée conjointement à la marche pour le climat qui s’est tenue le 21 septembre 2014. La Climate Week NYC a été fondée en 2009 en tant que partenariat entre The Climate Group, les Nations Unies, la fondation des Nations Unies, GCCA/TckTckTck, le Carbon Disclosure Project, le gouvernement du Danemark et la ville de New York.

J’ai retranscrit l’essentiel en français :

« Donc la cible à long terme – pas la mienne – celle de la science – signifie qu’il nous faut atteindre le pic global [d’émissions de CO2] dans les dix prochaines années. Cela veut dire, partir de là où nous sommes aujourd’hui, 400 ppm, augmenter chaque année nos émissions, atteindre le pic global dans les dix ans, et après radicalement réduire nos émissions – jusqu’au point où nous allons arriver à zéro émissions nettes ou à la neutralité climatique, peu importe comment vous l’appelez, dans les cinquante prochaines années. C’est le seul moyen de rétablir la situation. […] Nous devons faire cela non seulement de manière équitable mais aussi de manière à ce que cela soit vivifiant au niveau national. […] Il n’est pas question de se partager le poids du fardeau. En réalité, il s’agit de la plus extraordinaire opportunité que nous n’ayons jamais eu pour faire grossir le gâteau et faire croître le nombre d’opportunités [stimuler la croissance économique, donc]. C’est une occasion fantastique qui se présente juste devant nous. La réponse au changement climatique ne supprime pas seulement les dommages environnementaux que nous avons eus durant les cents dernières années en raison de la façon dont nous utilisons l’énergie : elle démocratise l’énergie. Parce que, ce que nous avons fait, franchement, c’est en limiter l’accès. Regardez qui a et qui n’a pas accès à l’énergie. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser un milliard de personnes sans accès à l’énergie, car ils restent en dehors du marché ! En plus des conséquences morales à cela. Donc nous avons à démocratiser l’énergie, il nous faut supprimer les impacts négatifs et assurer la continuité et la croissance du business, c’est le trio gagnant. […] Cela nous permettrait de réaliser ce que nous voulons vraiment en tant qu’êtres humains : réaligner harmonieusement notre boussole morale avec notre boussole pour le business et l’économie. Que pourrait-il y a voir de repoussant dans une telle opportunité ?! Donc, mes amis, collectivement, nous rédigeons un business plan pour le monde. C’est ce que nous faisons ensemble. Hier, 310 000 personnes [marche pour le climat dans les rues], la société civile est au rendez-vous. Le secteur privé est ici [sous-entendu dans la salle], les gouvernements seront avec nous demain, pour collectivement écrire un business plan pour le monde. Le stade de l’étude de faisabilité est terminé. Nous avons écrit l’étude de faisabilité et, franchement, elle est positive quelle que soit votre approche. La période de faisabilité ? Terminée. Fermez ce chapitre, l’heure n’est plus à la discussion, il est grand temps de passer à l’exécution. Nous avons 15 mois, et je compte sur chacun d’entre vous. »

Christiana Figueres fait aussi partie de The B Team, un groupe de lobbying créé par le milliardaire Richard Branson regroupant des membres de la classe dirigeante mondiale engagés « pour un monde meilleur ».

Sur le site de la B Team, on peut lire des inepties de ce genre :

« La société a besoin d’économies durables, fiables et fortes. C’est la volonté du public, les générations futures en dépendent. En tant que leaders et acteurs au sein de l’économie globale, nous devons endosser la responsabilité pour donner naissance à cette vision. »

Comme vous avez pu le constater avec le discours de Christiana Figueres, ces gens sont sévèrement atteints par un syndrome aigu d’hubris. Pour eux, 300 000 imbéciles – majoritairement issus des classes blanches et privilégiées – arpentant les rues pour demander des subventions aux industries du numérique et des énergies renouvelables, cela représente « la société civile » dans son entièreté. En d’autres termes, le monde rampe à leurs pieds pour les supplier d’agir, vite et maintenant.

Pour revenir à la B Team, voici quelques-uns des éléments de la gouvernance :

Emmanuel Faber, PDG de Danone ;
– Le milliardaire Marc Benioff fondateur et PDG de Salesforce ;
– Isabelle Kocher, PDG d’ENGIE ;
– Le milliardaire François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering ;
– Ajay Banga, PDG de Mastercard ;
– Oliver Bäte, PDG du groupe d’assurance Allianz ;
– Kathy Calvin, ancienne présidente et PDG de la fondation des Nations Unies ;
– Yolanda Kakabadse, ancienne présidente du WWF ;
– Indra Nooyi, ancienne PDG de PepsiCo ;
– Ratan Tata, famille Tata aux manettes du conglomérat du même nom ;

– Etc.

Parmi les fondations et les firmes partenaires, on trouve :

  • Chanel
  • La fondation Ford
  • Allianz
  • Fondation IKEA
  • KERING
  • Unilever
  • Open Society Foundation (initiative du milliardaire George Soros)
  • etc.

Dans les causes défendues par The B Team, le climat apparaît en pole position, toujours avec la même instrumentalisation de l’autorité scientifique pour justifier la conservation de leur place dans la hiérarchie des sociétés industrielles :

« La science est claire. Le monde des affaires peut ouvrir la voie. »

Le monde a-t-il besoin d’un business plan pour être sauvé ? N’est-ce pas justement là où se trouve le problème, leur pathologie mentale consistant à tout envisager par le prisme économique et financier ? Avons-nous seulement besoin des millardaires et de leurs empires ? Leur existence même n’est-elle pas déjà un problème en soi ?

Disons les choses clairement : les ultrariches sont cinglés. Ils n’admettront jamais leur responsabilité dans le désastre écologique et social actuel, ni ne remettront en cause les inégalités béantes indispensables à l’obtention et à la conservation de leur pouvoir. Il faudra les combattre, eux et leur cour de laquais.

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