[Compte rendu] Viva Technology 2018 : IA, machine learning, énergie & positive impact
Cette 3ème édition de Viva Technology qui s’est tenu du 24 au 26 mai 2018 à la Porte de Versaille à Paris était clairement destinée à envoyer un signal fort au reste du monde : France is back in the game !
Emmanuel Macron a fait le discours d’ouverture, les dirigeants de plusieurs des GAFAM étaient invités pour des conférences dont Eric Schmidt de Alphabet, maison mère de Google, Mark Zuckerberg de Facebook et Satya Nadella de Microsoft. De grandes entreprises françaises étaient présentes avec entre autres LVMH, BNP Paribas, Engie, Orange, Airbus ou Total.
Avec plus de 100 000 participants, 9000 startups et près de 2000 investisseurs, le salon VivaTech se positionne comme le concurrent européen du CES de Las Vegas.
Je dois dire que j’ai été impressionné par l’ampleur de l’événement et le niveau des intervenants durant les (très) nombreuses conférences. En parcourant les allées du salon, au milieu de dirigeants de groupes dont la capitalisation boursière atteint des sommets, on a vraiment le sentiment d’être au coeur de la matrice. Pourtant, au milieu de toute cette agitation, je me suis parfois demandé si toute cette énergie était investie à bon escient.
Heureusement, il y avait l’Impact Summit. Une série de conférences pour montrer que la technologie peut aussi servir de nobles causes. Vous retrouverez également plus loin dans l’article une sélection d’acteurs à impact positif présents sur le salon.
Intelligence artificielle et médias
Sur le STAGE X, nous avons eu droit à plusieurs conférences posant la question de l’avenir des médias et des agences dans un monde sous perfusion algorithmique.
Une des interventions les plus marquantes pour moi était celle de Shailesh Prakash, CTO du Washington Post. Il expliquait comment l’IA est utilisée pour automatiser la création de contenu sur les événements sportifs locaux et pour les bulletins météo. Ces pages génèrent chacune peu de trafic, mais comme l’automatisation permet de couvrir quasiment tous les événements, le nombre de pages est conséquent. Résultat, ces pages créées par l’IA attirent environ 50 % du trafic sur le site du journal.
Une stratégie similaire au travail de la “longue traîne” en SEO.
Selon Prakash, le modèle économique des médias évolue vers un système d’abonnement. Après 3 pages vues, le site affiche une landing page vous proposant de souscrire à une offre.
L’abonnement dope les revenus publicitaires en augmentant le nombre de pages vues. Un abonné consulte davantage de pages et souvent possède des thématiques de prédilections offrant la possibilité aux annonceurs de mieux cibler leurs campagnes. Pas sûr que les internautes apprécient de payer un abonnement pour ensuite continuer à voir des pubs dans les colonnes de leur journal favori.
Le digital révolutionne le marché de l’énergie
Isabelle Kocher, CEO d’Engie était invitée pour parler de la transformation digitale des acteurs de l’énergie.
Elle a insisté sur plusieurs apports des nouvelles technologies :
- les pays pauvres peuvent réduire leur dépendance aux pays riches avec une baisse des coûts de production de l’énergie
- l’accès à l’énergie est simplifié ce qui a un impact sur de nombreux secteurs économiques et sur la société en général (productivité dans les entreprises, plus de croissance, meilleure éducation, meilleure flexibilité avec l’énergie solaire)
- Les micro-grids se développent en Afrique, Engie développe aussi des systèmes solaires pour les habitations
- L’IA permet d’optimiser la consommation d’énergie et apporte par conséquent des gains en efficience
« Les acteurs de l’énergie se transforment et deviennent des entreprises de la Tech. Engie fabrique maintenant des micro-grids et ses propres logiciels. »
Côté transition énergétique, Engie a pris il y a 3 ans une décision “disruptive” en choisissant de réduire ses parts dans les énergies les plus polluantes. Le groupe a ainsi réduit de 20 % son activité, même cure d’amaigrissement pour les dividendes avec une diminution de 30 %. Un mal nécessaire pour investir massivement dans les nouvelles technologies.
“Cette évolution a suscité un engouement important et inattendu chez toutes nos équipes et depuis la croissance organique du groupe s’élève à 5% par an.
Impact Summit : startups et entreprises à impact positif
Voici une sélection d’acteurs de l’agtech, de l’edtech ou encore des énergies renouvelables présents à Viva Technology 2018 (pour le coup je suis un peu chauvin, il y a presque exclusivement des français) :
- Aéromate : Une startup parisienne spécialisée dans l’agriculture urbaine à l’aide de systèmes hydroponiques.
- Beebryte : une solution utilisant l’intelligence artificielle et l’analyse prédictive pour optimiser la consommation d’énergie des bâtiments ou des flottes de véhicules électriques.
- Zephyr Solar : un ballon solaire gonflé à l’hélium et équipé de panneaux solaires déployable rapidement sur des interventions courtes.
- Goodeed : facilite le fundraising pour les ONG et associations en utilisant la publicité en ligne
- Qwant : le moteur de recherche français veut redonner aux citoyens le pouvoir sur leurs données en les stockant dans un cloud personnel
- Infarm : startup spécialisée dans les fermes verticales en indoor
- Sparknews : média/agence amplificateur d’initiative à impact positif
- Isahit : plateforme d’externalisation à impact positif permettant aux entreprises de donner du travail à des travailleurs dans les pays en voie de développement
- Ticket for change : programmes dédiés aux entrepreneurs désirant lancer leur start-up à impact positif
- Simplon : un réseau d’antennes en France et dans le monde qui forment gratuitement des profils atypiques aux métiers du numérique
Yann LeCun, patron de l’IA chez Facebook
A l’instar d’autres firmes du High Tech, Facebook se tourne vers le hardware et va créer ses propres processeurs. Plus efficients en énergie, ceux-ci fourniront la puissance de calcul nécessaire à la modération du contenu vidéo publiée en live sur la plateforme. Selon Yann LeCun, cela permettrait de détecter et retirer des séquences de suicide en direct partagées sur le réseau social.
Comme pour Mark Zuckerberg et Eric Schmidt, il a eu droit à la question récurrente sur les dangers de l’intelligence artificielle. Selon Yann LeCun, il n’y a pas de corrélation entre intelligence et désir de nuire à autrui, donc Terminator et Matrix resteront une fiction.
« Les personnes très intelligentes sont dans la plupart des cas des gens humbles et n’ont pas une soif de pouvoir démesurée, contrairement à certains politiques… »
Au même moment dans la salle :
Tout le monde dans la salle a compris que Trump était visé. Il est toujours de bon ton de taper sur l’occupant de la Maison Blanche, surtout quand cela permet de détourner l’attention du sujet principal.
Pour résumer, il faut comprendre par là qu’un “geek” surdoué ne ferait pas de mal à une mouche, donc une intelligence artificielle très développée ne représenterait aucun danger. Après avoir vu le film The Social Network retraçant l’ascension de Mark Zuckerberg, je ne suis pas vraiment du même avis. Mais cette tentative d’explication a le mérite d’être plus originale que le discours convenu d’Eric Schmidt sur le sujet.
L’intervention d’Eric Schmidt sur l’IA et le machine learning
Comme pour Zuckerberg, Maurice Levy lui a demandé son avis au sujet d’Elon Musk et de ses charges à répétition contre l’IA.
Dans son discours, il a mis en avant les nombreux avantages pour nous autres humains de l’assistance des machines.
“Elon se soucie des éventuelles utilisations de l’IA par des personnes malintentionnées mais aujourd’hui les principales applications de cette technologie sont largement positives.”
Il a notamment fait le parallèle avec l’invention du téléphone par Graham Bell :
“Vous n’allez pas abandonner votre invention (i.e. le téléphone) à cause d’un possible mauvais usage de votre technologie par des personnes malveillantes. Vous construirez votre téléphone en gardant la perspective des applications positives. Dans un second temps, vous mettrez en place des règles pour réguler son utilisation”.
Selon Eric Schmidt, l’IA :
– nous rend plus intelligent
– nous fait vivre plus longtemps en meilleure santé
– nous permet de vivre plus en sécurité
– nous permet de conduire en sécurité
– créer des emplois en augmentant notre productivité
En fait, l’IA c’est que du bonheur nous dit Eric ! Don’t worry, be happy !
Malheureusement, j’ai beau être un utilisateur intensif des services de Google et de Tech en général, j’ai quelques réserves sur les premier et dernier points de cette liste.
Avoir un smartphone en permanence dans ma poche pouvant répondre à la moindre de mes sollicitations ne me donne pas la sensation d’être plus intelligent. C’est même tout à fait le contraire. Je me limite volontairement dans l’usage de certains services pour continuer à faire fonctionner mes neurones.
Je vois mal comment ne plus avoir besoin d’écrire, de trouver son chemin dans la rue, de faire du calcul mental ou de stocker de l’information dans sa mémoire – en gros ne plus utiliser son cerveau – peut nous rendre plus intelligent… Un professeur à la fac nous répétait que le cerveau est un muscle. Sans stimulations régulières, il se ramollit. A force de se reposer sur l’IA au quotidien, notre cerveau pourrait-il finir par ressembler à ça ?
Je vous renvoie à un article de Maddyness sur un autre effet collatéral de l’intelligence artificielle : l’ennui.
Concernant le sujet de la création d’emploi, là encore on peut douter des annonces faites par Eric Schmidt. Sur le sujet de la destruction d’emplois à court terme, les avis convergent. En revanche, à moyen et long terme, l’IA devrait créer de l’emploi grâce aux gains de productivité réalisé par les entreprises. Problème, personne n’est aujourd’hui capable de dire quel type d’emploi et en quelle quantité.