Des camions miniers électriques pour un carnage neutre en carbone
La décarbonation de l’industrie minière est en marche, chose qui devrait ravir les apôtres de la croissance verte. Depuis plusieurs années, les équipementiers dévoilent de nouveaux modèles de camions miniers (ou tombereaux) carburant à l’électricité ou à l’aide d’une motorisation hybride électricité-hydrogène. Pour l’industrie minière, l’objectif est moins de diminuer son impact écologique désastreux que d’optimiser les coûts, augmenter la productivité et la « résilience » face aux pénuries de pétrole à venir. Pour preuve, des centaines de camions autonomes sans chauffeur circulent déjà dans les mines d’Australie et du Canada. Dans le même esprit, les centrales photovoltaïques permettent de construire des installations minières hors réseau, dans des régions isolées[1].
Une infographie de la Banque mondiale mentionne que la « transition vers une énergie propre » va conduire à « intensifier » l’extraction de minerais métalliques. En effet, les technologies dites « vertes » telles que les batteries équipant les véhicules électriques et les habitations, les éoliennes ou encore les panneaux solaires engloutissent des quantités astronomiques de métaux. Ainsi, la demande devrait d’ici 2050 augmenter de 965 % pour le lithium, de 585 % pour le cobalt et de 383 % pour le graphite[2]. L’industrie minière se frotte les mains, d’autant que les besoins en métaux industriels classiques (acier, cuivre, aluminium, etc.) vont eux aussi continuer à croître.
Selon la banque mondiale :
« Le cuivre est stratégique pour la transition énergétique. Lors des 5 000 ans passés, environ 550 millions de tonnes de cuivre ont été produites. Le monde aura besoin de la même quantité dans les 25 prochaines années pour répondre à la demande. »
En 2019, le site Mining.com qualifiait Greta Thunberg et Alexandria Ocasio-Cortez d’« héroïnes improbables de l’industrie minière », ajoutant que « l’expansion exponentielle de l’exploitation minière mondiale est le sale petit secret – et l’angle mort flagrant – des évangélistes du Green New Deal, des guerriers du climat et de la neutralité carbone. » L’article donne un chiffre proprement hallucinant de 130 milliards de tonnes de roches à extraire pour répondre à la seule demande de cuivre vu la teneur actuelle des gisements. À titre de comparaison, selon le Circularity Gap Report publié chaque année depuis 2018, l’extraction globale de minerais métalliques et non métalliques s’élevait à « seulement » 61 milliards de tonnes en 2019[3].
Pour accélérer l’extraction et répondre à la demande, mais aussi pour remédier aux pénuries à venir de diesel, les fabricants de camions miniers se lancent depuis quelques années dans une course à l’innovation et au gigantisme. Petit florilège des modèles en développement.
Elektro Dumper ou eDumper
Fabriqué par l’entreprise suisse eMining AG, ce camion électrique de 45 tonnes peut transporter 65 tonnes de minerais et n’a jamais besoin d’être rechargé, ce grâce à un système de freinage récupérateur d’énergie[4]. Il ne manque plus qu’une intelligence artificielle à la place du pilote pour automatiser en grande partie l’extraction minière. En Australie, des centaines de camions miniers autonomes sont déjà en service. Le Canada suit[5].
L’écologie selon Anglo American
Collaborant avec la firme Williams Advanced Engineering, le géant minier anglais Anglo American a développé un énorme engin de 290 tonnes hybride électrique-hydrogène. Le Fuel Cell Electric Vehicle (FCEV) possède une capacité de stockage de 1 000 kWh, soit treize fois la capacité d’une Tesla Model 3[6].
Deutsche qualität
L’entreprise allemande ETF Equipment développe les plus grands camions miniers du monde, avec une capacité de 200 jusqu’à 800 tonnes pour les plus imposants modèles[7]. Tous sont électriques, avec essieux multiples, roues directrices et récupérateur d’énergie au freinage. La nouveauté ici réside dans la possibilité de connecter les camions pour former un convoi qui fait monter la capacité de chargement total à 4 500 tonnes en un seul voyage[8]. Merveilleuse ingénierie allemande, n’est-ce pas ?
Électrifier les anciens camions diesel
L’entreprise états-unienne Carterpillar propose à ses clients l’installation de caténaires pour réduire la consommation du moteur diesel de certains de ces modèles de camions miniers. Les coûts liés au carburant et au moteur sont réduits de plus de 90 % lorsque le camion fonctionne sur caténaire[9].
Les Chinois dans la course pour tout détruire
L’entreprise Xiangtan Electric Manufacturing Co. a récemment dévoilé un camion minier électrique de 120 tonnes qui permet de réduire les coûts énergétiques de 50 % et les coûts de maintenance de 20 %[10].
Des camions miniers souterrains électriques
La firme suédoise Epiroc a développé un tombereau électrique d’une capacité de chargement de 42 tonnes spécialement conçu pour l’extraction minière souterraine qui diffère de l’extraction à ciel ouvert ou open pit[11].
Une surface dévastée plus grande que l’Autriche
Un récent article de la BBC Future révèle que « le monde moderne carbure à l’extraction minière ». La surface terrestre occupée par l’industrie minière n’a jamais été étudiée par satellite jusqu’à récemment. Lors d’une première analyse de ce type, des chercheurs ont découvert que les sites miniers actifs couvrent une surface de 100 000 kilomètres carrés, soit des dimensions supérieures au territoire de l’Autriche. L’auteur de l’étude souligne en outre que de nombreuses mines n’ont pas pu être prises en compte[12].
L’industrie minière ne ruine pas seulement des paysages vivants en creusant d’immenses fosses et en employant des substances chimiques polluantes pour traiter le minerai. Le simple fait de mettre au contact de l’eau et de l’oxygène des roches enfermées dans le sol entraîne des réactions chimiques produisant de l’acide. Résultat, « une mine abandonnée peut générer une pollution chronique pendant des centaines, voire des milliers d’années. » En France, les chercheurs estiment que 3 500 sites miniers, parfois fermés depuis le XVIIe siècle, continuent de déverser leurs toxines dans l’environnement et d’empoisonner les populations rurales. Chose habituelle avec les industriels qui détruisent des vies, l’État les protège et ne fait strictement rien pour venir en aide aux victimes[13].
D’après l’ONU, dans les pays à revenu moyen, un habitant consomme en raison de son mode de vie 17 tonnes de matières par an. Dans les pays à revenu élevé, l’empreinte matérielle dépasse annuellement les 26 tonnes par habitant. L’extraction de ressources accélère depuis 2000, et l’empreinte matérielle globale de la civilisation industrielle s’accroît plus rapidement que le PIB et la population. On voit assez mal comment stopper ce délire extractiviste proprement suicidaire sans mettre à l’arrêt complet le système technologique pour ensuite le démanteler entièrement.
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https://www.partage-le.com/2021/01/20/un-monde-de-plus-en-plus-vert-par-nicolas-casaux/ ↑
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https://www.worldbank.org/en/news/infographic/2019/02/26/climate-smart-mining ↑
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https://www.circularity-gap.world/2022 ↑
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https://www.popularmechanics.com/technology/infrastructure/a28748306/worlds-largest-electric-vehicle-dump-truck/ ↑
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https://www.mining-technology.com/analysis/australia-leads-the-way-in-autonomous-truck-use/ ↑
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https://www.partage-le.com/2021/01/20/un-monde-de-plus-en-plus-vert-par-nicolas-casaux/ ↑
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http://www.etfholding.eu/ ↑
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https://interestingengineering.com/electric-mining-trucks-form-haul-train ↑
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https://www.cat.com/en_IN/news/machine-press-releases/caterpillar-introduces-trolley-assist-system-for-cat-electric-drive-mining-trucks.html ↑
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https://www.catl.com/en/news/658.html ↑
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https://www.epiroc.com/fr-ma/products/loaders-and-trucks/electric-trucks/minetruck-mt42-battery ↑
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https://www.bbc.com/future/article/20220413-how-ending-mining-would-change-the-world ↑
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https://www.franceinter.fr/info/pollution-miniere-un-scandale-persistant ↑