Jancovici aime le techno-totalitarisme chinois
« La force des Chinois est qu’ils connaissent les limites et qu’ils savent comment les fixer. Si le pouvoir central dit : “Vous allez faire ceci”, tout le monde s’exécute. »
« Le système chinois est mieux adapté que le système américain à un monde contraint. »
– Jean-Marc Jancovici
J’ai traduit une interview de Jean-Marc Jancovici parue dans le magazine Purple en 2019[1]. Si j’ai choisi ce long entretien, c’est parce qu’il contient un certain nombre de fondamentaux rhétoriques du discours de l’ingénieur polytechnicien, homme d’affaires et lobbyiste de l’industrie. Je vais disséquer son argumentaire en détail dans un prochain article. En attendant, voici une mise en bouche :
- Jancovici prétend avoir appris à prendre du recul pour analyser de façon rationnelle le système et prendre des décisions difficiles, le tout en nous expliquant qu’il doit veiller sur ses enfants (ou comment introduire un biais dans toute son analyse qui n’a alors plus rien de scientifique, puisqu’il est incapable de se détacher émotionnellement de l’objet étudié) ;
- Jancovici prétend pouvoir « penser la catastrophe sans hystérie », alors qu’en réalité, son discours apocalyptique montre qu’il est littéralement terrorisé à l’idée que le système industriel s’effondre (un raisonnement scientifique digne de ce nom ne saurait avoir pour postulat de base une peur irrationnelle de sa propre fin) ;
- Jancovici affirme que « le nucléaire est une des solutions immédiates pour réduire la pression sur l’environnement et le climat », alors qu’en réalité, les émissions de CO2 passées n’ont quasiment aucun rapport avec la sixième extinction (dixit Vincent Bretagnolles, directeur de recherche au CNRS[2]).
- N’ayant jamais peur du ridicule, Jancovici se lance dans une belle révision de l’histoire en affirmant que le désir d’illimitation puiserait ses origines dans la culture américaine, et que l’Europe, cette « vieille civilisation », aurait l’habitude des limites (il est vrai que Christophe Colomb, Fernand de Magellan, Amerigo Vespucci, Hernán Cortés, ainsi que les participants à la conférence de Berlin (1884-1885) sur le partage et la division de l’Afrique étaient tous Américains, c’est bien connu) ;
- À l’instar des imposteurs du Club de Rome, Jancovici semble persuadé – et tente de nous convaincre – que l’effondrement du système industriel est imminent, alors qu’en réalité, ce système est extrêmement résilient (l’énorme choc de la crise des subprimes en 2008 puis la mise à l’arrêt de l’économie mondiale durant la pandémie n’ont semble-t-il pas entravé d’un iota le fonctionnement de la mégamachine, peut-être parce que ce système se nourrit des crises et du chaos qu’il génère depuis deux siècles ?) ;
- Jancovici affirme que le franchissement des limites serait inscrit dans la nature humaine, alors qu’en réalité, la notion de limite était universelle dans toutes les cultures humaines avant l’avènement de la science moderne[3] qui a enfanté la civilisation industrielle (ce qui expliquerait par exemple pourquoi il n’y a pas eu de révolution industrielle suite à l’invention de la première machine à vapeur par Héron d’Alexandrie, il y a près de 2 000 ans[4]) ;
- Jancovici affirme que les Chinois savent mieux que les Américains fixer des limites, alors qu’en réalité, les élites chinoises ne pensent qu’à une chose : contrôler leur population par le biais du techno-totalitarisme[5] dans le but de ravir la première place des superpuissances mondiales aux États-Unis (les Chinois veulent coloniser Taïwan et aller dans l’espace[6], ils fabriquent en masse des ogives nucléaires pour rattraper la Russie et les États-Unis, possèdent la plus grande marine du monde et la troisième force aérienne[7]) ;
- Jancovici défend le modèle chinois contre le modèle américain, autrement dit il célèbre les vertus du techno-totalitarisme dans « un monde contraint » (une analyse rigoureuse du discours de Jancovici porte à croire que son objectif prioritaire est d’éviter coûte que coûte l’effondrement du système industriel, peu importe les conséquences humaines et écologiques).
- Comme dans ses cours à Mines Paris Tech[8], Jancovici raconte ici que tout ou presque est aujourd’hui fabriqué par des machines (ce qui est totalement faux mais symptomatique du culte qu’il voue à la machine, à la puissance, une vénération qu’on voit régulièrement transparaître dans ses écrits) ;
- Jancovici affirme que la France de Macron est communiste (je crois que ça se passe de commentaire) ;
- Jancovici réduit l’histoire de l’évolution du vivant sur Terre à une quête mécanique d’efficacité (c’est de l’ethnocentrisme, Jancovici pense le monde à travers un cadre de pensée technicien apparu très récemment, avec la science moderne et la société industrielle) ;
- Jancovici semble persuadé, comme tous les Steven Pinker, les Antoine Bueno, les Bernard Arnault et les Bill Gates de ce monde, que le Moyen-Âge était une époque barbare, et que le capitalisme industriel a apporté la paix et la joie sur Terre (on appelle ça le « déni de réalité[9] », un phénomène qui touche la plupart des élites, à gauche comme à droite) ;
- Jancovici prétend qu’avec une mégacure d’austérité, on va pouvoir abandonner les énergies fossiles et éviter les guerres, alors qu’en réalité, on aura probablement les deux – guerre mondiale et chaos climatique[10] – si le système industriel ne s’effondre pas rapidement ;
- La décroissance planifiée selon Jancovici, c’est envisager d’autoriser à un million de parasites du sommet de la pyramide de continuer à cramer joyeusement des énergies fossiles.
Je pourrais continuer à démolir méthodiquement l’argumentaire fallacieux de Jancovici, mais j’en garde un peu sous la pédale pour une prochaine salve. La guerre contre le techno-totalitarisme ne fait que commencer.
Illustration : en haut à droite, des missiles intercontinenaux chinois DF-5B. D’après Business Insider, « avec le missile balistique intercontinental DF-5B (CSS-4), la Chine a la capacité d’envoyer des ogives nucléaires presque partout dans le monde. »
Au milieu, le barrage des Trois gorges, le plus grand du monde. Un désastre écologique et social avec entre 1 et 2 millions de personnes déplacées.
En bas à droite, des ouvriers chinois bien disciplinés qui « connaissent les limites » dans une usine de transformation de poulet.
En 1972, le Club de Rome a commandé une étude au MIT : une simulation informatique de la croissance économique et démographique mondiale avec des ressources finies. Le rapport « Les limites de la croissance » estime que le système actuel commencera à s’effondrer vers 2050.
OLIVIER ZAHM – « Les groupes alternatifs sont aujourd’hui les enfants de la catastrophe », écrit Peter Sloterdijk. « Ce qui les différencie des générations précédentes et en fait de bons candidats pour une civilisation de la panique, c’est leur regard expert sur les conséquences possibles des catastrophes qui les entourent. » Êtes-vous capable de prendre de la distance par rapport à l’apocalypse que votre expertise vous permet de mesurer ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Oui. J’ai développé une aptitude à penser la catastrophe sans hystérie – c’est-à-dire la penser de manière analytique, objective et détachée. Il est essentiel que je me positionne en dehors du problème que j’étudie. De plus, j’ai des enfants, je dois donc garder la tête froide. C’est peut-être lié à un dédoublement de la personnalité ou à une capacité à faire la part des choses.
OLIVIER ZAHM – Êtes-vous toujours optimiste ? Pensez-vous que nous allons commencer à tirer des leçons des catastrophes qui se produisent déjà ou que nous allons rester dans le déni ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Nous ne pouvons appréhender les menaces qui pèsent sur notre avenir qu’avec notre esprit, pas avec nos sens. C’est ce qui rend ces menaces totalement irréelles. Nous sommes des animaux, guidés par nos sens : nous savons ce que nous touchons, respirons, sentons, voyons, etc., mais nous ne pouvons pas savoir ce que signifient les pénuries d’énergie dans une civilisation technologique – ni la signification du changement climatique ou de la perte de biodiversité, si ce n’est en tant que notions très abstraites. Une partie de nous n’arrive pas à croire qu’ils se produisent réellement, bien que nous soyons la première génération à commencer à voir et à ressentir les effets du désordre climatique.
OLIVIER ZAHM – Pourquoi continuons-nous à vivre comme s’il n’y avait pas de limites à la croissance et aux ressources de la Terre pour soutenir notre mode de vie ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Dans une large mesure, notre monde occidental moderne est encore influencé par la vision américaine des choses. L’identité américaine s’est forgée dans un monde sans limites : l’espace, les minéraux, l’énergie, les ressources, tout ce que l’on veut, à l’infini. Si l’on ne s’entend pas avec son voisin, par exemple, il suffit de déménager un peu plus loin. Les Américains sont individualistes : chacun vit comme il l’entend, avec l’idée que les problèmes doivent être résolus par le progrès scientifique et technologique. Ici, en Europe, dans cette vieille civilisation façonnée par les contraintes depuis des milliers d’années, nous acceptons plus facilement l’idée de limites, l’idée d’une action collective pour faire face aux défis climatiques et environnementaux. L’Europe doit être le moteur de ces changements dans le monde.
OLIVIER ZAHM – Et la Chine ?
JEAN-MARC JANCOVICI – La Chine veut prendre sa place dans le concert des nations pour devenir la première puissance mondiale, mais je pense que les Chinois sont dans une position très ambiguë. Oui, ils sont obsédés par le fait d’être à l’avant-garde des nations, c’est-à-dire au-dessus des États-Unis, mais ils savent aussi que cette course va obliger tout le monde à changer de modèle. La force des Chinois est qu’ils connaissent les limites et qu’ils savent comment les fixer. Si le pouvoir central dit : « Vous allez faire ceci », tout le monde s’exécute – corruption mise à part.
OLIVIER ZAHM – Pouvez-vous me donner un exemple, en dehors du contrôle des naissances ?
JEAN-MARC JANCOVICI – En ce moment, ils sont en train de creuser un gigantesque canal d’irrigation du nord au sud, ce qui veut dire qu’ils sont parfaitement conscients des conséquences du changement climatique, en termes de manque d’eau pour l’irrigation des cultures. Imaginez que nous fassions un énorme canal allant de la Norvège jusqu’à la Méditerranée ! D’une certaine manière, le système chinois est mieux adapté que le système américain à un monde contraint. Le système américain n’est capable que d’une chose : essayer de se débarrasser des limites [il est vrai que lorsque les Chinois creusent un canal de 1 400 km – le plus grand du monde[11] – pour « stimuler la croissance » et continuer à maintenir en état de marche un système industriel qui condamne l’humanité à moyen terme, ça n’a rien à voir avec « essayer de se débarrasser des limites »].
OLIVIER ZAHM – C’est pourquoi les Américains repartent à la conquête de l’espace – avec SpaceX par exemple – pour soulager la population de la Terre en colonisant l’espace.
JEAN-MARC JANCOVICI – C’est ça l’idéologie américaine : s’affranchir des limites, grâce à la technologie et à la foi en l’avenir. Mais ils vont quand même s’ennuyer un peu, seuls dans l’espace.
OLIVIER ZAHM – N’est-ce pas dans la nature humaine de vouloir toujours dépasser les limites, de les transgresser ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Bien sûr.
OLIVIER ZAHM – Comment avez-vous été sensibilisé au problème des ressources, de la croissance et du changement climatique ?
JEAN-MARC JANCOVICI – C’est grâce au livre extraordinaire que je vois sur votre bureau : Les limites à la croissance, écrit par Donella H. Meadows, Dennis L. Meadows, Jørgen Randers et William W. Behrens III en 1972. J’ai eu le grand honneur d’écrire la préface de la version française de l’édition mise à jour qui est parue 30 ans plus tard au début des années 2000.
OLIVIER ZAHM – C’est donc un ouvrage fondateur pour vous ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Oh oui ! C’est une véritable leçon de dynamique des systèmes. Ils ont fait un modèle schématique simulant l’évolution de la population humaine sur Terre dans un environnement naturel aux ressources et à l’énergie finies. Ils ont modélisé un système-Terre limité, contrairement à la modélisation économique classique qui ne reconnaît pas les barrières et rejette l’idée de limites au nom de la croissance perpétuelle. Dans la théorie économique classique, personne ne dit : « Quand le PIB atteindra tel chiffre, il s’arrêtera. » Cela n’existe tout simplement pas.
OLIVIER ZAHM – Ce modèle de croissance illimitée est donc une illusion métaphysique ou religieuse ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Exactement. C’est une fiction, avec l’aspect rassurant, onirique et confortable d’un conte de fées.
OLIVIER ZAHM – Ce livre invalide d’emblée toute la science économique.
JEAN-MARC JANCOVICI – Au-delà du changement climatique, ce livre annonce que la croissance s’effondrera un jour pour des raisons physiques : le manque de ressources et de matières premières. La raison est très simple : notre production d’objets manufacturés ne peut exister sans le monde physique. Tout ce qui nous entoure est fabriqué à partir de ressources naturelles transformées – ce disque vinyle, c’est de la pétrochimie, cette platine des années 70 sur votre bureau, c’est du plastique et du métal, etc. Dennis Meadows souligne un fait simple, que nous refusons d’admettre depuis le début de la révolution industrielle : la diminution des ressources naturelles est synonyme de baisse de la production et donc de baisse des revenus – et donc de baisse de la croissance. Le livre de Meadows est sorti dans les années 1970 et avançait comme conclusion que « la croissance ne peut pas durer ». Cette conclusion a suscité une vive inquiétude à l’époque. Il a été accusé de toutes sortes de choses et traité de toutes sortes de noms. En outre, Meadows a daté sa prédiction : si nous continuons à essayer de maintenir une croissance perpétuelle, le système s’effondrera au cours du XXIe siècle. Je ne sais pas si cela signifie 2050 ou 2080, mais je ne vois pas comment tout cela peut continuer au-delà de 2100.
OLIVIER ZAHM – Meadows était-il le seul à arriver à cette conclusion alarmante à l’époque ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Il n’était pas le seul, il y avait une petite équipe. Il était le disciple d’un professeur du MIT [Massachusetts Institute of Technology] qui s’appelait Jay Forrester. Meadows est devenu célèbre dans le monde entier parce que son livre est sorti juste avant la crise pétrolière, et ce choc soudain a fait prendre conscience aux gens que le monde était fini. C’est à ce moment-là que la renommée de Meadows a atteint son apogée. Puis le contre-choc est arrivé, et le livre est tombé dans l’oubli.
OLIVIER ZAHM – Quelle est la cause du choc pétrolier de 73-74 ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Juste avant la crise, la production mondiale de pétrole augmentait de 8 à 9 % par an. Cela ne pouvait plus durer. La crise pétrolière est survenue à un moment où la production peinait à maintenir ce rythme annuel, mais le monde s’était habitué à une offre de pétrole croissante. D’un point de vue physique, la crise pétrolière s’est produite au moment où l’offre mondiale de pétrole par personne a atteint un niveau record. La consommation de pétrole par personne n’a jamais été aussi élevée qu’en 1980. Par la suite, le système s’est à nouveau stabilisé. L’offre de pétrole par personne a diminué jusqu’en 1985 environ, avant de se stabiliser jusqu’en 2006 environ. Ainsi, les augmentations de l’approvisionnement énergétique individuel de 1985 à 2015 sont principalement dues au développement d’autres sources d’énergie, comme le nucléaire et le gaz.
OLIVIER ZAHM – Vous dites très clairement dans vos livres que toutes ces sources d’énergie s’accumulent, elles ne se remplacent pas.
JEAN-MARC JANCOVICI – Au niveau mondial, elles s’accumulent. Le pétrole est la forme d’énergie la plus avantageuse pour l’homme parce qu’il est très dense – on peut mettre beaucoup d’énergie dans un petit volume. On peut le transporter avec soi et l’utiliser dans de petites machines. Une centrale à vapeur alimentée au charbon est plus grande, et une machine à l’uranium est encore plus grande. Il est possible de réduire la taille d’une machine à gaz, mais elle n’est pas très efficace. Le moteur d’une voiture n’est pas très gros. Parce que le pétrole est transportable et qu’il a une valeur énergétique élevée, il a réellement permis aux populations du monde entier de s’affranchir des conditions locales de disponibilité de l’énergie, de la disponibilité du soleil et du vent, etc. En théorie, les êtres humains ont toujours été en transition en termes d’énergie. Au début, ils n’avaient que leur corps, puis ils sont passés aux énergies renouvelables – le vent, le soleil, le bois, etc. – puis au charbon, plus pratique, plus dense. Ils sont ensuite passés au pétrole, et depuis, on n’a pas trouvé mieux. Le gaz n’est pas aussi bon. L’uranium est moins pratique car, s’il est très dense en termes d’énergie, il est aussi très rigide – on ne peut pas transporter un réacteur comme ça.
OLIVIER ZAHM – Alors, où allons-nous ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Nous sommes en train de revenir au vent et au soleil, mais ces énergies ne sont pas très faciles à utiliser et nous les avons abandonnées il y a deux siècles. Cela signifie que le retour aux énergies renouvelables ne se fera pas dans un contexte de croissance.
OLIVIER ZAHM – Pourquoi sommes-nous si dépendants de l’énergie ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Prenons l’exemple d’un jean en coton que vous avez enfilé ce matin. Pour rendre cela possible, nous avons utilisé toute une armée de machines sans nous en rendre compte. Tout d’abord, dans les champs, des machines ont planté le coton et l’ont récolté. Des machines – que nous appelons des camions – ont transporté le coton jusqu’aux usines. Les machines ont également fabriqué les sacs utilisés pour transporter le coton jusqu’aux filatures. Ensuite, les filatures ont utilisé des machines pour filer le coton. Le fil a ensuite été teint, et pour cela nous utilisons des machines qui fabriquent la teinture, ce qui implique tout un ensemble de machines dans l’industrie chimique. Des machines ont été utilisées pour tisser, couper et coudre, puis pour emballer les jeans qui seront transportés dans leur emballage individuel. Ensuite, le jean propre que vous portez ce matin a été transporté à nouveau par des bateaux et des camions – encore des machines – jusqu’au magasin, qui a été construit ou rénové à l’aide de machines. Les magasins ne sont pas construits uniquement avec de la main-d’œuvre : il faut une pelleteuse mécanique, des grues, des cimenteries, etc. Ensuite, on se rend au magasin en utilisant une machine, qui a été construite par d’autres machines. C’est sans fin. Enfiler un jean prend deux secondes, mais cela implique des milliers de machines, qui consomment toutes de l’énergie. Nous vivons dans un monde de machines et nous en sommes totalement dépendants. Nous sommes devenus de véritables hommes de fer : nous avons un exosquelette composé de multiples machines, tout autour de notre corps. Et je ne parle même pas des machines numériques, qui consomment énormément d’énergie.
OLIVIER ZAHM – Alors, pour en revenir à l’énergie et à l’économie…
JEAN-MARC JANCOVICI – S’il y a de moins en moins de ressources énergétiques, il y aura moins de machines qui travaillent et qui produisent, donc moins d’objets produits et de services fournis, donc une baisse du produit intérieur brut et de la croissance.
OLIVIER ZAHM – C’est là que le système commence à s’effondrer ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Oui. C’est le premier stade, les signes avant-coureurs.
OLIVIER ZAHM – Parlons de l’épuisement des ressources énergétiques. Est-ce un fait ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Elle se fera progressivement. Tous les pays vont connaître un stress énergétique, mais pas au même rythme ni au même moment. Il y aura des pénuries d’énergie dans certaines zones et pas dans d’autres. Quand on a tout le charbon dont on a besoin, même s’il y a un peu moins de pétrole, on peut toujours se rabattre sur le charbon. Les États-Unis, qui ont beaucoup de gaz de schiste, se sont en partie rabattus sur le gaz. Notez d’ailleurs que dans les années 70 et 80, la France a eu recours à l’énergie nucléaire, pour laquelle il faut importer de l’uranium, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux importations de pétrole. Cependant, tous les pays, les uns après les autres, vont finir par manquer d’énergie. Car le pétrole, le gaz et le charbon mettent entre 50 et 300 millions d’années à se former, ce qui est long par rapport à la période qui nous concerne. Donc, c’est en train de s’épuiser.
OLIVIER ZAHM – En ce qui concerne le réchauffement climatique, le risque est-il d’une augmentation de 2 degrés Celsius d’ici 2100 – ou de 5 degrés ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Plus de 5 degrés en 2100, c’est la guerre partout.
OLIVIER ZAHM – Pourquoi ?
JEAN-MARC JANCOVICI – C’est la variation moyenne de température qu’a connue la Terre depuis l’époque des mammouths et la dernière glaciation jusqu’à aujourd’hui. A cette époque, la France ressemblait au nord de la Sibérie, le Canada et une partie du nord des Etats-Unis étaient recouverts d’un glacier de plusieurs kilomètres d’épaisseur. La partie des États-Unis qui n’était pas sous la glace ressemblait au nord de la Sibérie ou à l’Alaska d’aujourd’hui. Le niveau de l’océan était inférieur de 120 mètres à ce qu’il est aujourd’hui. Avec seulement 5 degrés de moins, ce monde était totalement différent de ce que nous connaissons aujourd’hui. Et si nous sommes assis ici, autour de cette table, en train de bavarder cordialement, c’est notamment parce que le climat est stable et chaud depuis 10 000 ans. Parce que le climat est plus chaud de 5 degrés que lors de la dernière période glaciaire, la terre est devenue cultivable et la nature beaucoup plus prolifique. Cette stabilité climatique a permis l’émergence des civilisations sédentaires, des villes, du commerce, de la mode, de tout un tas de choses qui font aujourd’hui partie de notre quotidien. En d’autres termes, nous sommes les enfants de 10 000 ans de stabilité climatique, et nous sommes aussi les enfants de l’énergie abondante qui a permis aux machines de tout nous offrir à profusion.
OLIVIER ZAHM – Mais pourquoi une augmentation de 5 degrés Celsius d’ici 2100 serait-elle synonyme de guerre partout ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Des mouvements de population de grande ampleur se produiront parce que de vastes zones seront devenues incapables de nourrir les sociétés qui y vivent. Ajoutez à cela la pénurie d’énergie et l’effondrement de la croissance, et je n’ai pas besoin de décrire le chaos qui nous attend.
OLIVIER ZAHM – Une augmentation de 2 degrés d’ici 2100 est-elle plus acceptable ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Eh bien, avec 2 degrés Celsius, nous allons quand même prendre une sacrée claque. Mais le fait est que nous n’y arriverons pas. En effet, si nous voulons rester en deçà de cette augmentation de 2 degrés au cours du siècle prochain, l’utilisation des combustibles fossiles – qui alimentent nos voitures, font voler les avions, chauffent nos maisons et font fonctionner nos industries – devra être réduite à zéro au cours des 30 prochaines années environ, d’ici 2050 à 2080. Mais la date prudente est 2050. C’est la durée qui sépare ma génération et celle de mes enfants.
OLIVIER ZAHM – Vous voulez dire qu’il faut remplacer les énergies fossiles par d’autres énergies d’ici là ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Oui ! Cela signifie qu’aux États-Unis, par exemple, il n’y aura plus d’usines à gaz, de centrales à charbon, ni de voitures à essence. En résumé, nous pouvons nous permettre de rejeter dans l’atmosphère un tiers des émissions que nous avons déjà émises depuis 1850, et pas plus ! Si nous en émettons davantage, la conséquence sera un réchauffement de plus de 2 degrés. Et si nous sommes autorisés à rejeter encore un tiers de ce qui a été rejeté au cours du siècle dernier, cela signifie, grosso modo, que nos émissions devront atteindre zéro entre 2050 et 2070.
OLIVIER ZAHM – Zéro pour toutes les énergies fossiles ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Oui, pour toutes les énergies dites carbonées qui émettent du dioxyde de carbone. Il faut arriver à zéro d’ici 30 ans. Quand mes enfants auront mon âge, il ne devra plus y avoir de centrales à charbon dans le monde, plus de voitures à essence, plus d’avions à réaction, plus d’industries fonctionnant au charbon, au gaz ou au pétrole.
OLIVIER ZAHM – Même pas quelques-unes ?
JEAN-MARC JANCOVICI – On peut l’autoriser pour un million de privilégiés sur les sept milliards d’habitants de la planète, si vous voulez, mais globalement on ne pourra pas tenir ces 2 degrés.
OLIVIER ZAHM – Cela signifie qu’au cours des 100 prochaines années, nous devrons abandonner complètement les énergies basées sur le carbone au profit d’énergies non basées sur le carbone, c’est-à-dire au profit d’énergies dites renouvelables.
JEAN-MARC JANCOVICI – Absolument. Cela signifie que nous avons trois domaines d’action. D’abord, consommer moins. La réduction de la consommation est récessionniste. Il faut accepter l’idée que faire un régime est une chose acceptable – les gens ne pensent pas vraiment ainsi. Mais c’est possible.
OLIVIER ZAHM – Quelle est la deuxième possibilité ?
JEAN-MARC JANCOVICI – On peut aussi agir sur la croissance démographique. Il y a deux siècles, la Terre avait un diamètre d’environ 12 800 kilomètres. C’est toujours le cas aujourd’hui, mais avec sept milliards d’humains. Je ne suis pas sûr qu’Elon Musk ait une solution pour transporter deux milliards de personnes sur Mars.
OLIVIER ZAHM – Et puis il y a l’abandon des énergies carbonées au profit des énergies nouvelles ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Il y a deux types d’énergies non carbonées : les énergies renouvelables – le vent et le soleil, pour simplifier – et l’énergie nucléaire. Ou, plus précisément, les énergies nucléaires, car il y a plusieurs façons d’exploiter l’énergie nucléaire.
OLIVIER ZAHM – Aujourd’hui, les énergies nouvelles représentent environ 20 % du total. Il faut donc passer de 20 % à 100 % !
JEAN-MARC JANCOVICI – Oui. Et on n’y arrivera jamais si la consommation d’énergie reste la même. Il faut un énorme effort collectif, un programme sociétal appliqué à l’échelle mondiale. Les Américains sont capables de tels efforts en temps de guerre. C’est pourquoi je disais que les Chinois sont paradoxalement mieux armés pour ce genre de défi.
OLIVIER ZAHM – Dans vos livres, vous dénoncez certaines fictions, comme l’idée d’une économie verte.
JEAN-MARC JANCOVICI – Ce que je dénonce, c’est le slogan facile, qui peut signifier que le problème est résolu, alors qu’il ne l’est pas. Je dénonce le mensonge selon lequel on s’attaque au problème, alors qu’on fait quelque chose de parfaitement négligeable, d’infinitésimal par rapport au problème que l’on croit résoudre. Imaginez quelqu’un qui boit une demi-bouteille de whisky par jour et qui passe à une bouteille de whisky par jour plus un verre de jus d’orange, et qui dit : « Regardez, j’ai augmenté la proportion de boissons saines que je bois. » C’est exactement ce que nous faisons aujourd’hui avec l’économie verte. Presque tous mes clients essaient d’augmenter leur chiffre d’affaires dans l’économie brune, mais ils veulent ajouter un peu d’économie verte pour se sentir bien dans leur peau ou pour donner l’impression qu’ils font quelque chose.
OLIVIER ZAHM – C’est cosmétique.
JEAN-MARC JANCOVICI – Bien sûr que c’est cosmétique. Ce n’est pas grave. Personnellement, je préférerais que les gens disent qu’ils s’en fichent, au moins on saurait à quoi s’en tenir. Mais les acteurs de l’économie verte se voilent la face. Dans cette course contre la montre, je ne crois pas à une transformation écologique de nos systèmes de production. Ce n’est pas ça qui va nous sauver.
OLIVIER ZAHM – Une autre fiction que vous dénoncez est l’idée que nous pourrons à terme remplacer les énergies carbonées par des énergies renouvelables. N’est-ce pas possible dans la course contre la montre ?
JEAN-MARC JANCOVICI – C’est vrai localement dans les pays particulièrement favorisés, avec l’aide indispensable de l’énergie nucléaire. La Suède en est un parfait exemple. Elle a une très faible densité de population sur un vaste territoire, avec 70% de forêts, beaucoup de bois pour se chauffer, beaucoup de montagnes avec de grandes rivières pour les barrages hydroélectriques. De plus, la Suède n’est pas vraiment un pays antinucléaire, si bien que les centrales nucléaires produisent près de la moitié de son électricité. Le ratio réacteurs/population est le plus élevé au monde, devant la France. Le pays est toujours confronté au problème de l’essence pour les déplacements en voiture, mais il est en train de passer aux voitures électriques. Les Suédois sont sur le point de résoudre l’équation d’une économie sans carbone. Mais les Suédois ne sont que neuf millions, répartis sur une superficie d’environ 528 000 km². Je pense que les Canadiens aussi pourraient y arriver pour les mêmes raisons : ils ont beaucoup de barrages, de forêts et de bois, et ils pourraient donc eux aussi devenir très nucléarisés – c’est nécessaire si l’on veut oublier le pétrole et le charbon.
OLIVIER ZAHM – Et les autres pays ?
JEAN-MARC JANCOVICI – L’Europe, d’une manière générale, on oublie. La Chine, oubliez. Ce sont des régions très peuplées… L’Australie pourrait peut-être y arriver parce qu’elle a beaucoup de zones ensoleillées.
OLIVIER ZAHM – Mais qu’en est-il de l’Afrique, où les panneaux solaires sont omniprésents ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Si les Africains veulent vivre comme les Occidentaux, ils n’y arriveront pas non plus. Mais en théorie ils pourraient décarboner. En ce qui concerne les panneaux solaires, beaucoup de gens – dont moi-même, pendant un certain temps – ont eu du mal à comprendre que le soleil est renouvelable, mais que le panneau ne l’est pas. C’est pourquoi une chaîne énergétique est comme une entreprise ou une famille : la résistance de l’ensemble équivaut à celle de son maillon le plus faible. Et le maillon le plus faible, c’est d’être capable de renouveler le panneau et de le fabriquer.
OLIVIER ZAHM – Parce qu’il est fragile ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Il faut du cuivre, de l’acier, de l’électronique, du ciment, rien de tout cela n’est renouvelable. En France, par exemple, on dit : « C’est une énergie locale. » Non, la France n’a ni cuivre, ni acier, ni silicium, les éléments nécessaires à la fabrication du panneau. Aujourd’hui, rien n’est plus mondialisé que le panneau solaire. Les dix premiers fabricants de panneaux solaires sont chinois. Il s’ensuit que le déploiement à grande échelle de ces solutions d’énergie renouvelable va se heurter à d’autres limites, telles que les limites spatiales dans les pays développés et surpeuplés. L’énergie solaire consomme également 200 fois plus de surface terrestre que l’énergie nucléaire pour une production donnée, ce qui est vraiment beaucoup. Nous allons nous heurter au problème de la quantité de matériaux nécessaires. Il ne faut pas oublier qu’une bonne partie de cette transition énergétique vers les énergies renouvelables devra se faire dans une période de décroissance – car quand on a moins d’énergie fossile, la productivité du travail diminue. Aujourd’hui, les énergies renouvelables ne sont pas si chères parce que nous avons autant de gaz, de charbon et de pétrole que nous voulons pour fabriquer des panneaux solaires et des éoliennes, les transporter et les installer, etc. Le jour où il n’y aura plus que des éoliennes et des panneaux solaires pour alimenter toute la chaîne de production de ces énergies renouvelables – les mines, les usines chimiques, les fours à acier, les trains, les bateaux et les camions qui transportent ces pièces partout – je ne suis pas certain que les prix actuels resteront stables.
OLIVIER ZAHM – Sur la question du climat, vous êtes favorable au développement de l’énergie nucléaire.
JEAN-MARC JANCOVICI – C’est vrai que le nucléaire est une des solutions immédiates pour réduire la pression sur l’environnement et le climat.
OLIVIER ZAHM – Les voitures électriques sont-elles une bonne solution pour réduire notre empreinte carbone ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Dans le monde d’aujourd’hui, l’électricité est surtout produite à partir de charbon et de gaz. Cela signifie que le dioxyde de carbone que vous n’émettez pas par le pot d’échappement de votre voiture électrique est émis par la centrale électrique si elle fonctionne au charbon ou au gaz. Vous déplacez simplement les émissions de votre voiture vers la centrale électrique qui alimente vos batteries.
OLIVIER ZAHM – En même temps, vous ne perdez pas espoir et vous avez beaucoup de solutions. Avec le Shift Project, vous avez publié un livre plein de solutions [Décarbonons ! 9 Propositions pour que l’Europe Change, de Zeynep Kahraman, André-Jean Guérin et Jean-Marc Jancovici]. Je suis vraiment surpris par la multiplicité de ces solutions : plus de trains, économiser l’énergie dans la construction et le chauffage, changer notre agriculture. Vous n’êtes pas un marchand de rêves.
JEAN-MARC JANCOVICI – Le tout est de transformer le problème en défi. Il faut susciter l’enthousiasme pour relever un défi collectif. Nous avons besoin d’un esprit collectif, d’être prêts pour l’aventure. L’hédonisme auquel nous devons tous renoncer doit être compensé par l’espoir d’un monde meilleur demain. C’est la direction que je prends.
OLIVIER ZAHM – Mais le monde de demain peut-il être meilleur ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Il peut être meilleur à certains égards. Voici un exemple très concret. Je n’utilise presque jamais de voiture pour me déplacer près de chez moi. Que ce soit pour aller au marché ou ailleurs, je marche ou je fais du vélo. J’en suis très heureux car cela me permet de faire de l’exercice physique et je me sens mieux que si j’étais tout le temps dans ma voiture.
OLIVIER ZAHM – Vous voulez dire que ces petits changements vont changer notre civilisation ?
JEAN-MARC JANCOVICI – C’est une question de partage : partage des appartements, des voitures, des piscines, des transports, etc. Les jeunes sont beaucoup plus à l’aise avec l’idée de partage que ma génération ne l’était, sans parler des baby-boomers ou la génération des Trente Glorieuses qui eux sont totalement individualistes. Cela veut dire qu’il faut adopter une conception positive du partage dans laquelle ce dernier ne serait pas difficile à supporter. Par exemple, utiliser la piscine publique plutôt que d’avoir une piscine chez soi, c’est une réduction considérable de la consommation d’énergie. Le partage était la règle dans les sociétés traditionnelles, car elles devaient faire face à de fortes contraintes physiques [encore du révisionnisme crasseux, le partage était la règle car ces sociétés traditionnelles étaient bien plus égalitaires et démocratiques que les sociétés industrielles, Ndlr]. Ce partage pouvait parfois être un peu forcé. Il me semble qu’aujourd’hui, plus vite on arrivera à une société où le partage est consenti et organisé, plus longtemps on pourra retarder ou diminuer l’impact du moment où l’on sera obligé de partager, qu’on le veuille ou non.
OLIVIER ZAHM – Pensez-vous que cela va passionner les gens ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Eh bien, je pense que beaucoup de jeunes peuvent trouver de quoi s’enthousiasmer dans tout cela. La jeunesse est une période de changement. Le fossé entre les générations est assez important et ce n’est pas une coïncidence si de plus en plus de jeunes se mobilisent aujourd’hui autour de ces questions. C’est le pouvoir des jeunes contre le pouvoir des vieux. Ce n’est pas non plus une coïncidence si les pays les plus réticents en Europe aujourd’hui sont les plus anciens, à commencer par l’Allemagne. L’Allemagne est vraiment le pays le plus conservateur de tous en ce qui concerne ces questions. Elle refuse de s’endetter même pour sauver la planète. Elle refuse d’abandonner le charbon parce que c’est bon pour la compétitivité industrielle.
OLIVIER ZAHM – Des sociétés fondées sur le partage… Nous ne sommes pas si loin du retour des idées communistes ?
JEAN-MARC JANCOVICI – Peut-être. La France est bien armée pour ce combat-là, car elle est le seul pays communiste d’Europe occidentale. Nous aimons l’égalitarisme – pas l’égalité mais l’égalitarisme. Après tout, historiquement les Français ont été les champions du monde de la planification à long terme. Quand vous regardez tous les grands systèmes – les transports, les hôpitaux, le système électrique – qui nécessitent une planification à long terme pour être bien gérés, nous avons souvent créé les meilleurs systèmes au monde.
OLIVIER ZAHM – Je suis très surpris qu’un ingénieur scientifique comme vous n’ait pas peur du terme « communiste ».
JEAN-MARC JANCOVICI – Non, j’ai beaucoup plus peur des mauvaises surprises dans quelques décennies que des contraintes consenties, partagées, acceptées et gérées.
OLIVIER ZAHM – Quelles mauvaises surprises ?
JEAN-MARC JANCOVICI – La guerre, la pauvreté, l’insécurité permanente, revenir au Moyen Âge. Chaque communauté se replie sur elle-même, une hostilité croissante entre les différentes communautés, un monde où tout le monde serait en guerre contre tout le monde.
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https://purple.fr/magazine/the-cosmos-issue-32/an-interview-with-jean-marc-janvovici/ ↑
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« Imaginons que nous parvenions à rendre “propre” notre production d’énergie du point de vue du carbone émis, cela ne réglerait en rien le problème de la biodiversité. Pourquoi ? Parce que l’émission de CO2 dans l’atmosphère et le mode de production d’énergie ne sont pas à l’origine du déclin de la biodiversité. »
https://vivant-le-media.fr/biodiversite-et-changement-climatique/ ↑
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Voir Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse, 2012 ; voir François Jarrige, Technocritiques, 2014 ; voir Guillaume Carnino, L’invention de la science, 2015. ↑
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https://mathantique.hypotheses.org/767 ↑
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Voir cet article de Celia Izoard : https://reporterre.net/Le-totalitarisme-numerique-de-la-Chine-menace-toute-la-planete ↑
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https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/acces-espace-ambitieux-programme-spatial-chinois-2023-102678/ ↑
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Voir le dernier hors-série de Courrier International : https://www.courrierinternational.com/magazine/2023/94-hors-serie ↑
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Voir le cours de Jancovici à Mines Paris Tech : « Les Hommes aujourd’hui pour la production ne sont nécessaires que pour piloter des machines. Pour le reste, ils ne servent à rien. Pour l’essentiel des boulots qu’on fait aujourd’hui dans le monde, je vous coupe vos deux bras, vos deux jambes, et je vous permets de commander un ordinateur avec votre cervelle, ça marche encore. Ça marche encore ! »
https://jancovici.com/publications-et-co/cours-mines-paristech-2019/cours-mines-paris-tech-juin-2019/ ↑
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Voir la critique de Steven Pinker que j’ai traduite pour les Éditions Libre : https://www.editionslibre.org/produit/deni-de-realite-steven-pinker-le-mythe-du-declin-violence-humaine-l-apologie-de-la-violence-imperialiste-occidentale-david-peterson-edward-s-herman/ ↑
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Voir les travaux de prospective des scientifiques et militaires de la Red Team Defense : https://www.defense.gouv.fr/aid/actualites/parution-du-volume-2-louvrage-ces-guerres-qui-nous-attendent-red-team-defense ↑
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« Le ralentissement de l’activité économique dû à la pandémie de coronavirus a incité le gouvernement chinois à investir dans des projets de grande envergure pour stimuler la croissance. Le mois dernier, nous avons rapporté que le pays avait quadruplé ses projets de stockage d’énergie hydraulique après les avoir élaborés il y a seulement trois mois. »
https://interestingengineering.com/innovation/china-to-build-worlds-largest-water-canal ↑