Blog Image

La plus belle ruse du Système (par Theodore Kaczynski)

Traduction d’un article éclairant du mathématicien Theodore Kaczynski que l’on pourra retrouver dans le recueil de textes L’Esclavage Technologique du même auteur traduit aux Éditions Libre. Le texte date probablement du début des années 2000, lors de la présidence de George W. Bush. Le « Système » auquel Theodore Kaczynski fait référence est la société industrielle, ou système technologique né de la première révolution industrielle en Europe, il y a environ deux siècles. Kaczynski dissèque ici cette machine à tuer les révolutionnaires qu’est la culture progressiste occidentale (les théories de la déconstruction portées par la culture « woke » illustrent à merveille ce que le mathématicien décrit dans son texte). La plupart des insatisfaits, frustrés et autres pseudo-rebelles n’étudient pas la technologie moderne, ne cherchent pas à comprendre ses implications, et donc tombent dans les pièges élaborés par le système pour sa propre préservation. Selon Kaczynski, ces ruses sont intrinsèques au système et ne découlent pas d’un processus intentionnel délibérément mis en place par des personnes et/ou des organisations puissantes.

Pour Kaczynski comme pour d’autres penseurs technocritiques, dont l’historien-sociologue Jacques Ellul ou encore le professeur en science politique spécialiste de la haute technologie Langdon Winner, personne ne contrôle le développement du système industriel. Dans La Technique ou l’Enjeu du siècle (1954), le premier parle « d’automatisme du choix technique », c’est-à-dire que « l’orientation et les choix techniques s’effectuent d’eux-mêmes », en fonction de la loi de l’efficacité sanctionnée par les mathématiques. Le second estime dans La Baleine et le Réacteur (1988) que « personne ne tient les rênes. » Les politiciens, les technocrates, les milliardaires, le président des États-Unis, la Russie, la Chine, pas plus que la CIA ni aucune autre agence de renseignement ne contrôlent quoi que ce soit à l’évolution du système technologique. Ils peuvent bien entendu influencer l’évolution du système, mais influencer ne veut pas dire contrôler la trajectoire pour atteindre une destination choisie par avance. Le système est autonome et se développe à l’aveugle, sans considération aucune pour le bien commun, la dignité humaine ou la santé de la biosphère. De leur côté, scientifiques et ingénieurs sont, au même titre que la plupart des humains dépendants de la société industrielle, des esclaves complètement aliénés par leur travail. La majorité des scientifiques et des ingénieurs sont incapables d’expliquer le sens de leur travail ni les fondamentaux idéologiques de leur discipline, ainsi que le remarquaient Alexandre Grothendieck[1] et Langdon Winner[2].

Pour un mouvement révolutionnaire se donnant pour objectifs l’amélioration de la condition humaine et l’arrêt immédiat de la dévastation des écosystèmes, les réflexions stratégiques de Theodore Kaczynski sont d’une aide précieuse.

Ci-dessous, la traduction du texte de Kaczynski.


La plus belle ruse du Système (par Theodore Kaczynski)

« Le suprême luxe de cette civilisation de la nécessité est de m’accorder le superflu d’une révolte stérile et d’un sourire consentant[3]. »

– Jacques Ellul

Le Système a joué un tour de passe-passe aux révolutionnaires et aux rebelles d’aujourd’hui. La ruse est si belle que si elle avait été consciemment planifiée, on devrait l’admirer pour son élégance presque mathématique.

1. CE QUE LE SYSTÈME N’EST PAS

Commençons par préciser ce que le Système n’est pas. Le Système, ce n’est pas George W. Bush, ses conseillers et les personnes qu’il a nommés, ce ne sont pas les flics qui maltraitent les manifestants, ce ne sont pas les PDG des multinationales, et ce ne sont pas non plus les professeurs Frankenstein qui, dans leurs laboratoires, manipulent de manière criminelle les gènes des êtres vivants. Toutes ces personnes sont des serviteurs du Système, mais elles-mêmes ne constituent pas le Système. Plus précisément, les valeurs, les attitudes, les croyances et les comportements personnels et individuels de chacune de ces personnes peuvent être en conflit de manière significative avec les besoins du Système.

Pour illustrer cela par un exemple, le Système exige le respect des droits de la propriété, et pourtant les PDG, les policiers, les scientifiques et les politiciens volent parfois. (En parlant de vol, nous ne devons pas nous limiter au vol réel d’objets physiques. Nous pouvons inclure tous les moyens illégaux d’acquérir des biens, tels que tricher dans la déclaration d’impôts sur le revenu, accepter des pots-de-vin, et toute autre forme de cadeau ou de corruption). Mais le fait que les PDG, les flics, les scientifiques et les politiciens volent parfois ne signifie pas que le vol est intrinsèque au Système. Au contraire, lorsqu’un policier ou un politicien vole quelque chose, il se rebelle contre l’exigence du Système de respecter la loi et la propriété. Pourtant, même lorsqu’ils volent, ces personnes restent des serviteurs du Système tant qu’ils maintiennent publiquement leur soutien à la loi et à la propriété.

Quels que soient les actes illégaux commis par les politiciens, les flics ou les PDG en tant qu’individus, le vol, la corruption et le pot-de-vin ne font pas partie du Système. Ce sont des maladies qui nuisent au Système. Moins il y a de vols, mieux le Système se porte, et c’est pourquoi les serviteurs et les promoteurs du Système prônent toujours l’obéissance à la loi en public, même s’ils peuvent parfois trouver commode d’enfreindre la loi en privé.

Prenons un autre exemple. Bien que la police soit l’agent d’exécution du système, la brutalité policière n’est pas systémique. Lorsque les policiers tabassent un suspect, ils ne font pas le travail du Système, ils ne font qu’exprimer leur propre colère et leur hostilité individuelle. Le but du Système n’est pas la brutalité ou l’expression de la colère. En ce qui concerne le travail de la police, l’objectif du système est d’imposer l’obéissance à ses règles et de le faire avec le moins de perturbations, de violence et de mauvaise publicité possible. Ainsi, du point de vue du Système, le policier idéal est celui qui ne se met jamais en colère, qui n’utilise jamais plus de violence que nécessaire et qui, dans la mesure du possible, s’appuie sur la manipulation plutôt que sur la force pour garder les gens sous contrôle. La brutalité policière n’est qu’une énième maladie du Système, mais elle ne fait pas partie du Système.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’attitude des médias. Les grands médias condamnent presque universellement la brutalité policière. Bien entendu, en règle générale l’attitude des grands médias représente le consensus d’opinion que l’on trouve parmi les classes puissantes de notre société, consensus sur ce qui est bon pour le Système.

Ce qui vient d’être dit sur le vol, la corruption et la brutalité policière s’applique également aux questions de discrimination et de victimisation telles que le racisme, le sexisme, l’homophobie, la pauvreté et les sweatshops [ateliers clandestins de l’industrie textile où des travailleurs pauvres, souvent des femmes et des enfants, sont entassés dans des conditions déplorables pour réaliser un travail à la chaîne d’esclave, NdT]. Tous ces éléments sont mauvais pour le système. Par exemple, plus les personnes noires se sentent méprisées ou exclues, plus elles sont susceptibles de se tourner vers la criminalité et moins elles sont susceptibles de se former à des carrières qui les rendront utiles au Système. Avec ses transports rapides sur de longues distances et son bouleversement des modes de vie traditionnels, la technologie moderne a conduit au mélange des populations, de sorte qu’aujourd’hui des personnes de races, de nationalités, de cultures et de religions différentes doivent vivre et travailler côte à côte. Si les gens se détestent ou se rejettent mutuellement sur la base de leur race, de leur ethnie, de leur religion, de leur préférence sexuelle, etc., les conflits qui en résultent interfèrent avec le fonctionnement du système. À part quelques vieilles reliques fossilisées du passé comme Jesse Helms [ancien homme politique états-unien très conservateur, NdT], les dirigeants du Système le savent très bien, et c’est pourquoi on nous apprend à l’école et par les médias à croire que le racisme, le sexisme, l’homophobie, etc. sont des maux sociaux à éliminer.

Il ne fait aucun doute que certains des dirigeants du Système, certains politiciens, scientifiques et PDG, pensent en privé que la place de la femme est au foyer, ou que l’homosexualité et le mariage interracial sont répugnants. Et même si la majorité d’entre eux étaient de cet avis, cela ne signifierait pas que le racisme, le sexisme et l’homophobie font partie du Système, pas plus que l’existence du larcin parmi les dirigeants ne signifie que le vol fait partie du Système. Le Système doit promouvoir le respect de la loi et de la propriété pour sa propre sécurité, similairement le Système doit aussi décourager le racisme et les autres formes de victimisation, pour la même raison. C’est pourquoi le Système, malgré les déviances individuelles dissimulées publiquement de certains membres de l’élite, est profondément engagé dans la suppression de la discrimination et de la victimisation.

Pour en avoir des preuves, il suffit d’analyser à nouveau l’attitude des grands médias. En dépit de la timide dissidence occasionnelle de quelques commentateurs plus audacieux et réactionnaires, la propagande médiatique favorise massivement l’égalité des races et des sexes et l’acceptation de l’homosexualité et du mariage interracial[4].

Le Système a besoin d’une population tolérante, non violente, domestiquée, docile et obéissante. Il doit éviter tout conflit ou toute perturbation qui pourrait nuire au fonctionnement ordonné de la machine sociale. En plus de supprimer les hostilités raciales, ethniques, religieuses et l’hostilité provenant d’autres groupes, il doit également supprimer ou exploiter à son avantage toutes les autres tendances qui pourraient entraîner des perturbations ou des désordres, comme le machisme, les pulsions agressives et toute inclination à la violence.

Naturellement, les antagonismes raciaux et ethniques traditionnels meurent lentement, le machisme, l’agressivité et les pulsions violentes ne sont pas faciles à supprimer, et les attitudes à l’égard du sexe et de l’identité sexuelle ne changent pas du jour au lendemain. C’est pourquoi de nombreux individus résistent à ces changements, et le Système est ainsi confronté à un problème : vaincre cette résistance[5].

2. COMMENT LE SYSTÈME EXPLOITE LE DÉSIR IMPULSIF DE RÉBELLION

Dans la société moderne, nous sommes tous encerclés par un réseau dense de normes et de règlements. Nous sommes à la merci de grandes organisations telles que les entreprises, les gouvernements, les syndicats, les universités, les églises et les partis politiques, et par conséquent nous sommes impuissants. En raison de la servitude, de l’impuissance et des autres indignités que le Système nous inflige, la frustration est généralisée, ce qui conduit à un désir impulsif pour la rébellion. Et c’est là que le Système sort sa ruse la plus élaborée : par un brillant tour de passe-passe, il tourne la rébellion à son propre avantage.

De nombreuses personnes ne comprennent pas les racines de leur propre frustration, et leur rébellion n’a donc pas de sens. Ils savent qu’ils veulent se rebeller, mais ils ne savent pas contre quoi ils veulent se rebeller. Heureusement, le système peut combler ce besoin en leur fournissant une liste de doléances standardisées et stéréotypées au nom desquelles ils peuvent se rebeller : racisme, homophobie, problèmes des femmes, pauvreté, ateliers clandestins… toute la panoplie des problèmes abordés par les « activistes ».

Un grand nombre de rebelles en puissance mordent à l’hameçon. En luttant contre le racisme, le sexisme, etc., etc., tout ce à quoi ils contribuent, c’est de faire le travail du Système à sa place. Mais ils s’imaginent pourtant en rébellion contre le Système. Comment cela est-il possible ?

Premièrement, il y a 50 ans, le Système n’était pas encore engagé en faveur de l’égalité pour les personnes noires, les femmes et les homosexuels, de sorte que l’action en faveur de ces causes était réellement une forme de rébellion. En conséquence, on a désigné par convention ces causes comme des causes portées par des rebelles. Elles ont conservé ce statut aujourd’hui par simple tradition, c’est-à-dire parce que chaque génération rebelle imite les générations précédentes.

Deuxièmement, comme je l’ai souligné précédemment, il y a toujours un nombre important de personnes qui résistent aux changements sociaux exigés par le Système, et certaines de ces personnes sont même des figures d’autorité telles que des flics, des juges ou des politiciens. Ces résistants fournissent une cible aux rebelles en puissance, quelqu’un contre qui ils peuvent se rebeller. Des commentateurs comme Rush Limbaugh [ancien animateur radio et éditorialiste politique conservateur aux États-Unis, NdT] contribuent au processus en fulminant contre les activistes : le fait de voir qu’ils ont mis quelqu’un en colère renforce l’illusion chez les militants qu’ils mènent une véritable rébellion contre le système.

Troisièmement, afin d’entrer en conflit même avec la majorité des dirigeants du Système qui acceptent pleinement les changements sociaux exigés par le Système, les rebelles en puissance insistent sur des solutions qui vont plus loin que ce que les dirigeants du Système considèrent comme prudent, et ils montrent une colère exagérée pour des questions insignifiantes. Par exemple, ils exigent le paiement de compensations aux personnes de couleur noire, et toute critique d’un groupe minoritaire, aussi prudente et raisonnable soit-elle, les rend fous furieux.

De cette façon, les militants peuvent entretenir l’illusion qu’ils se rebellent contre le système. Mais cette illusion est absurde. L’agitation contre le racisme, le sexisme, l’homophobie et les sujets de ce type ne constitue pas plus une rébellion contre le Système que l’agitation contre la corruption du monde politique. Ceux qui luttent contre la corruption ne se rebellent pas, mais agissent comme des exécutants du système : ils travaillent pour les politiciens se disciplinent et obéissent aux règles du Système. Ceux qui luttent contre le racisme, le sexisme et l’homophobie agissent de la même manière en tant qu’exécutants du Système : ils aident le système à supprimer les attitudes racistes, sexistes et homophobes déviantes qui perturbent le fonctionnement du Système.

Mais les militants n’agissent pas seulement comme des exécutants du Système. Ils servent aussi de paratonnerre qui protège le Système en attirant le ressentiment du public contre le Système et ses institutions. Il existait par exemple plusieurs raisons motivant le Système à faire sortir les femmes du foyer pour les mettre sur le marché du travail. Il y a cinquante ans, si le Système, représenté par le gouvernement ou les médias, avait lancé sans crier gare une campagne de propagande visant à rendre socialement acceptable le fait que les femmes concentrent leur vie sur leur carrière plutôt que sur leur foyer, la résistance humaine naturelle au changement aurait provoqué un ressentiment généralisé. En réalité, les changements ont été déclenchés par des féministes radicales, derrière lesquelles les institutions du système se sont tenues à bonne distance. Le ressentiment des membres les plus conservateurs de la société était dirigé principalement contre les féministes radicales plutôt que contre le Système et ses institutions, car les changements soutenus par le Système semblaient lents et modérés par rapport aux solutions plus radicales préconisées par les féministes, et même ces changements relativement lents étaient considérés comme ayant été imposés au Système par la pression des radicales.

3. LA PLUS BELLE RUSE DU SYSTÈME

En résumé, la plus belle ruse du Système se résume de la façon suivante :

(a) Pour son efficacité et sa sécurité, le Système doit provoquer des changements sociaux profonds et radicaux pour répondre aux nouvelles conditions résultant du progrès technologique.

(b) La frustration de la vie dans les circonstances imposées par le Système conduit à des pulsions rebelles.

(c) Les pulsions rebelles sont cooptées par le Système au service des changements sociaux qu’il exige ; les militants se « rebellent » contre les valeurs anciennes et dépassées qui ne sont plus utiles au Système et en faveur des nouvelles valeurs que le Système veut nous faire adopter.

(d) De cette façon, les pulsions rebelles, qui autrement auraient pu être dangereuses pour le Système, trouvent un exutoire à la fois inoffensif pour le Système mais également utile pour lui.

(e) Une grande partie du ressentiment de l’opinion publique résultant de l’imposition de changements sociaux est détournée du Système et de ses institutions pour être plutôt dirigée vers les radicaux qui sont le fer de lance des changements sociétaux.

Évidemment, ce tour de passe-passe n’a pas été planifié à l’avance par les dirigeants du Système qui n’ont pas du tout conscience d’avoir élaboré une ruse. La façon dont cela fonctionne est à peu près la suivante :

Lorsqu’ils décident de la position à adopter sur une question, les rédacteurs, les éditeurs et les propriétaires des médias doivent, consciemment ou inconsciemment, mettre en balance plusieurs facteurs. Ils doivent tenir compte de la réaction potentielle de leurs lecteurs ou de leurs téléspectateurs aux informations imprimées ou diffusées sur la question, de la réaction de leurs annonceurs, de leurs pairs dans les médias et d’autres personnes influentes, et de l’effet de ces informations sur la sécurité du Système.

Ces considérations pratiques l’emportent généralement sur les sentiments personnels des éditorialistes sur la question. Les sentiments personnels des dirigeants des médias, de leurs annonceurs et d’autres personnes puissantes sont variés. Ils peuvent être libéraux ou conservateurs, religieux ou athées. Le seul point commun universel entre les dirigeants est leur engagement envers le Système, sa sécurité et son pouvoir. Par conséquent, dans les limites imposées par ce que le public est prêt à accepter, le principal facteur déterminant les attitudes propagées par les médias se matérialise par un consensus approximatif d’opinion, parmi les dirigeants ainsi que d’autres personnes puissantes, sur ce qui est bon pour le Système.

Ainsi, lorsqu’un rédacteur en chef ou un autre responsable des médias décide de l’attitude à adopter à l’égard d’un mouvement ou d’une cause, son premier souci consiste à détecter si le mouvement véhicule quelque chose de bon ou mauvais pour le Système. Il se dit peut-être que sa décision est fondée sur des motifs moraux, philosophiques ou religieux, mais c’est un fait observable qu’en pratique, la sécurité du Système prime sur tous les autres facteurs pour déterminer l’attitude des médias.

Par exemple, si le rédacteur en chef d’un magazine d’information s’intéresse au mouvement des miliciens (Militia movement, un mouvement armé d’extrême droite anti-gouvernement aux États-Unis), il peut ou non compatir personnellement à certains de ses griefs et objectifs. Mais il voit aussi qu’il y aura un fort consensus parmi ses annonceurs et ses pairs dans les médias pour dire que le mouvement des miliciens est potentiellement dangereux pour le Système et doit donc être découragé. Dans ces circonstances, il sait que son magazine a intérêt à adopter une attitude négative à l’égard du mouvement des miliciens. L’attitude négative des médias explique sans doute en partie pourquoi le mouvement des miliciens s’est essoufflé.

Lorsque le même rédacteur en chef examine le féminisme radical, il constate que certaines de ses propositions les plus extrêmes seraient dangereuses pour le Système, mais il voit aussi que le féminisme contient beaucoup de choses utiles pour le Système. La participation des femmes au monde des affaires, de l’ingénierie et de la science les intègre mieux, elles et leurs familles, dans le Système. Leurs talents sont utiles au Système dans le domaine des affaires et de la technique. L’accent mis par les féministes sur l’élimination de la violence domestique et du viol répond également aux besoins du Système, car le viol et la violence, comme d’autres formes de violence, sont dangereux pour le Système. Le plus important peut-être, c’est la reconnaissance par le rédacteur en chef que la mesquinerie et l’insignifiance des tâches ménagères modernes et l’isolement social de la femme au foyer moderne peuvent conduire à une grave frustration pour de nombreuses femmes ; une frustration qui causera des problèmes au Système si les femmes ne sont pas autorisées à s’en sortir par des carrières dans le monde des affaires et des technosciences.

Même si ce rédacteur en chef est un macho qui se sent personnellement plus à l’aise avec les femmes dans une position subordonnée, il sait que le féminisme, au moins sous une forme relativement modérée, est bon pour le Système. Il sait que sa position éditoriale doit être favorable au féminisme modéré, sinon il devra faire face à la désapprobation de ses annonceurs et d’autres personnes puissantes. C’est pourquoi l’attitude des médias grands publics a été généralement favorable au féminisme modéré, mitigée à l’égard du féminisme radical, et constamment hostile uniquement aux positions féministes les plus extrêmes.

Grâce à ce type de processus, les mouvements rebelles qui sont dangereux pour le Système sont soumis à une propagande négative, tandis que les mouvements rebelles que l’on croit utiles au Système sont prudemment encouragés par les médias. L’absorption inconsciente de la propagande médiatique influence les rebelles potentiels à se « rebeller » d’une manière qui sert les intérêts du Système. Les intellectuels universitaires jouent également un rôle important dans l’exécution de ce tour de passe-passe du Système. Bien qu’ils aiment se croire penseurs indépendants, les intellectuels sont (à quelques exceptions près) le groupe le plus sursocialisé[6], le plus conformiste, le plus docile et le plus domestiqué, le plus insipide, le plus dépendant et le plus mou des États-Unis contemporains. C’est pourquoi leur tendance à la rébellion est particulièrement marquée. Mais, parce qu’ils sont incapables de produire une pensée indépendante, la vraie rébellion leur est impossible. Par conséquent, ils se laissent prendre au piège du Système, qui leur permet d’irriter les gens et de jouir de l’illusion de se rebeller sans jamais avoir à remettre en question les valeurs fondamentales du Système.

Parce qu’ils enseignent à de jeunes gens, les intellectuels universitaires sont en mesure d’aider le Système à jouer son tour de passe-passe auprès des jeunes. Ils procèdent en orientant les intentions rebelles des jeunes vers les cibles classiques et stéréotypées : racisme, colonialisme, problèmes féminins, etc. Les jeunes qui ne sont pas étudiants apprennent par les médias, ou par contact interpersonnel, les questions de « justice sociale » en faveur desquelles les étudiants se rebellent. Ils imitent alors les étudiants.

C’est ainsi que se développe une culture de la jeunesse dans laquelle il existe un mode de rébellion stéréotypé qui se répand par l’imitation des pairs, tout comme les coiffures, les styles vestimentaires et autres modes se répandent par imitation.

4. LA RUSE N’EST PAS PARFAITE

Naturellement, la ruse du Système ne fonctionne pas parfaitement. Toutes les positions adoptées par la communauté « militante » ne sont pas compatibles avec les besoins du Système. À cet égard, certaines des difficultés les plus importantes auxquelles le Système est confronté sont liées au conflit entre les deux différents types de propagande que le Système doit utiliser, la propagande d’intégration et la propagande d’agitation[7].

La propagande d’intégration est le principal mécanisme de socialisation de la société moderne. Il s’agit d’une propagande conçue pour inculquer aux gens les attitudes, les croyances, les valeurs et les habitudes qu’ils doivent avoir pour devenir des outils sûrs et utiles au Système. Elle enseigne aux gens à réprimer ou à sublimer en permanence les pulsions émotionnelles qui sont dangereuses pour le Système. Elle met l’accent sur les attitudes à long terme et les valeurs profondes aux applications étendues, plutôt que sur les attitudes à l’égard de questions spécifiques et actuelles.

La propagande d’agitation joue sur les émotions des gens afin de faire ressortir certaines attitudes ou certains comportements dans des situations spécifiques et actuelles. Au lieu d’apprendre aux gens à supprimer les pulsions émotionnelles dangereuses, elle cherche à stimuler certaines émotions à des fins bien définies et à des moments précis de l’histoire.

Le Système a besoin d’une population disciplinée, docile, coopérative, passive et dépendante. Il a surtout besoin d’une population non violente, car il a besoin que le gouvernement ait le monopole de l’usage de la force physique. C’est pourquoi la propagande d’intégration doit nous apprendre à être horrifiés, effrayés et consternés par la violence, afin que nous ne soyons pas tentés de l’utiliser même lorsque nous sommes très en colère (par « violence », j’entends les attaques physiques contre des êtres humains).

Plus généralement, la propagande d’intégration doit nous enseigner des valeurs molles et douces mettant l’accent sur la non-agression, l’interdépendance et la coopération.

D’autre part, dans certains contextes, le Système lui-même trouve utile ou nécessaire de recourir à des méthodes brutales et agressives pour atteindre ses propres objectifs. L’exemple le plus évident de ces méthodes est la guerre. En temps de guerre, le Système s’appuie sur la propagande d’agitation : afin de gagner l’approbation du public pour une action militaire, il joue sur les émotions des gens pour qu’ils aient peur et soient en colère contre un ennemi réel ou supposé.

Dans cette situation, il existe un conflit entre la propagande d’intégration et la propagande d’agitation. Les personnes chez qui les valeurs douces et l’aversion pour la violence ont été le plus profondément ancrées ne peuvent pas facilement être persuadées d’approuver une opération militaire sanglante.

Ici, l’astuce du Système se retourne en partie contre lui. Les militants, qui se sont toujours « rebellés » en faveur des valeurs de la propagande d’intégration, continuent à le faire en temps de guerre. Ils s’opposent à l’effort de guerre non seulement parce qu’il est violent mais aussi parce qu’il est « raciste », « colonialiste », « impérialiste », etc., toutes ces choses qui sont contraires aux valeurs de douceur et molles promues par la propagande d’intégration.

L’astuce du Système se retourne également contre lui lorsqu’il s’agit du traitement des animaux. Inévitablement, beaucoup de gens étendent aux animaux les valeurs douces et l’aversion pour la violence qu’on leur enseigne à l’égard des humains. Ils sont horrifiés par l’abattage des animaux pour la viande et par d’autres pratiques préjudiciables aux animaux, telles que la réduction des poulets en machines à pondre des œufs dans des cages minuscules ou l’utilisation d’animaux pour l’expérimentation scientifique. Jusqu’à un certain point, l’opposition aux mauvais traitements infligés aux animaux qui en résulte peut être utile au système : parce qu’un régime végétalien est plus efficace en termes d’utilisation des ressources qu’un régime carnivore, le végétalisme, s’il est largement adopté, contribuera à alléger le fardeau que la croissance de la population humaine fait peser sur les ressources limitées de la Terre. Mais l’insistance des activistes pour mettre fin à l’utilisation d’animaux dans les expériences scientifiques est carrément en contradiction avec les besoins du système, puisque dans un avenir prévisible, il n’y aura probablement aucun substitut viable aux animaux vivants comme sujets de recherche.

Quoi qu’il en soit, le fait que l’astuce du Système se retourne ici et là contre lui n’empêche pas qu’il s’agisse dans l’ensemble d’un dispositif remarquablement efficace pour détourner les pulsions rebelles et les mettre au service du Système.

Il faut admettre que l’astuce décrite ici n’est pas le seul facteur déterminant la direction que prennent les pulsions rebelles dans notre société. De nombreuses personnes se sentent aujourd’hui faibles et impuissantes (pour la très bonne raison que le Système nous rend réellement faibles et impuissants), et s’identifient donc de manière obsessionnelle aux victimes, aux faibles et aux opprimés. C’est en partie la raison pour laquelle les questions de victimisation, telles que le racisme, le sexisme, l’homophobie et le néocolonialisme, sont devenues des thèmes classiques de l’activisme.

5. UN EXEMPLE

J’ai avec moi un manuel d’anthropologie[8] dans lequel j’ai remarqué plusieurs bons exemples de la manière dont les intellectuels universitaires aident le Système dans sa ruse en déguisant le conformisme en critique de la société moderne. Le plus sympathique de ces exemples se trouve aux pages 132-136, où l’auteur cite, sous une forme « adaptée », un article d’une certaine Rhonda Kay Williamson, une personne intersexuée (c’est-à-dire une personne née avec des caractéristiques physiques à la fois masculines et féminines).

Williamson affirme que les Indiens d’Amérique non seulement acceptaient les personnes intersexuées mais les appréciaient tout particulièrement[9]. Elle oppose cette attitude à celle des Euro-Américains, qu’elle assimile à l’attitude que ses propres parents ont adoptée à son égard.

Les parents de Williamson l’ont cruellement maltraitée. Ils la méprisaient pour sa condition d’intersexuée. Ils lui ont dit qu’elle était « maudite et livrée au diable » et l’ont emmenée dans des églises charismatiques pour chasser le « démon » en elle. On lui a même donné des serviettes dans lesquelles elle était censée « cracher le démon ».

Mais il est évidemment ridicule d’assimiler cette attitude à celle des Euro-Américains modernes. Cela peut se rapprocher de l’attitude euro-américaine d’il y a 150 ans, mais de nos jours, presque tous les éducateurs, psychologues ou ecclésiastiques américains seraient horrifiés par ce type de traitement d’une personne intersexuée. Les médias ne songeraient jamais à présenter un tel traitement sous un jour favorable. Les Américains moyens de la classe moyenne d’aujourd’hui n’acceptent peut-être pas la condition d’intersexué comme le faisaient les Indiens, mais rares sont ceux qui ne reconnaîtraient pas la cruauté des traitements infligés à Williamson.

Les parents de Williamson étaient manifestement des personnes déviantes, des fous religieux dont les attitudes et les croyances ne correspondaient pas du tout aux valeurs du Système. Ainsi, tout en faisant semblant de critiquer la société euro-américaine moderne, Williamson ne s’attaque en réalité qu’aux minorités déviantes et culturellement en retard qui ne se sont pas encore adaptées aux valeurs dominantes de l’Amérique moderne.

Haviland, l’auteur du livre, dépeint à la page 12 l’anthropologie culturelle comme iconoclaste ; elle remettrait en question les postulats de la société occidentale moderne. C’est tellement contraire à la vérité qu’on pourrait en rire, mais c’est surtout très pathétique. Le courant dominant de l’anthropologie américaine moderne est abjectement soumis aux valeurs et aux postulats du Système. Lorsque les anthropologues d’aujourd’hui prétendent remettre en question les valeurs de leur société, ils ne remettent généralement en question que les valeurs du passé – des valeurs obsolètes et dépassées qui ne sont plus défendues que par des déviants et des retardataires refusant de se conformer aux changements culturels que le Système exige de nous.

L’utilisation faite par Haviland de l’article de Williamson l’illustre très bien et s’inscrit dans l’orientation générale du livre de Haviland. Haviland joue sur les faits ethnographiques qui enseignent à ses lecteurs des leçons politiquement correctes, mais il minimise ou omet complètement les faits ethnographiques qui sont politiquement incorrects. Ainsi, s’il cite le récit de Williamson pour souligner l’acceptation par les Indiens des personnes intersexuées, il ne mentionne pas, par exemple, que dans de nombreuses tribus indiennes, les femmes qui commettaient l’adultère avaient le nez coupé[10], alors qu’aucune punition de ce genre n’était infligée aux hommes responsables d’adultères ; il ne mentionne pas non plus que chez les Indiens Crow, un guerrier frappé par un étranger devait tuer immédiatement l’agresseur, sous peine d’être irrémédiablement déshonoré aux yeux de sa tribu[11] ; Haviland ne parle pas non plus de l’usage habituel de la torture par les Indiens de l’Est des États-Unis[12]. Bien sûr, des faits de ce genre incarnent la violence, le machisme et la discrimination sexuelle, et sont donc incompatibles avec les valeurs actuelles du Système. Ils tendent donc à être censurés en tant qu’actes et valeurs politiquement incorrects.

Pourtant, je ne doute pas qu’Haviland soit parfaitement sincère dans sa conviction que les anthropologues remettent en question les postulats de la société occidentale. La propension au déni chez nos intellectuels universitaires peut facilement aller aussi loin.

Pour conclure, je tiens à préciser que je ne suis pas en train de suggérer qu’il est bon de couper le nez en cas d’adultère, ou que tout autre abus sur les femmes devrait être toléré, et je ne voudrais pas non plus que quelqu’un soit méprisé ou rejeté parce qu’il est intersexué ou en raison de sa race, de sa religion, de son orientation sexuelle, etc., etc., etc. Mais dans notre société actuelle, ces questions sont, tout au plus, une question de réforme. La plus belle ruse du Système consiste à avoir mis au service de ces modestes réformes de puissantes pulsions rebelles qui, dans une autre situation, auraient pu prendre une direction révolutionnaire.

Theodore Kaczynski


  1. Alexandre Grothendieck, « Allons-nous continuer à la recherche scientifique », conférence donnée au CERN en 1972 : « D’autre part, il n’en reste pas moins que lorsque la science nous permet d’avoir un salaire et de subvenir à nos besoins, les liens entre notre travail et la satisfaction de nos besoins sont pratiquement tranchés, ce sont des liens extrêmement abstraits. Le lien est pratiquement formé par le salaire, mais nos besoins ne sont pas directement reliés à l’activité que nous exerçons. En fait, c’est cela la chose remarquable, quand on pose la question : “à quoi sert socialement la science ?”, pratiquement personne n’est capable de répondre. Les activités scientifiques que nous faisons ne servent à remplir directement aucun de nos besoins, aucun des besoins de nos proches, de gens que nous puissions connaître. Il y a aliénation parfaite entre nous-même et notre travail. » À lire en entier ici : https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/20/grothendieck-recherche/

  2. Langdon Winner, La Baleine et le réacteur, 1988 (réédité en 2020) : « Les ingénieurs ont montré peu d’empressement à remplir ce vide [philosophique par rapport à la technologie]. En dehors des grandes phrases creuses pendant les discours des banquets annuels de telle ou telle association d’ingénieurs, en particulier pour célébrer les contributions de tel ou tel métier technique au bien-être général de l’humanité, les ingénieurs ne semblent pas réaliser que leurs travaux puissent soulever des questions philosophiques. Pour engager la conversation avec mes amis ingénieurs, je leur demande parfois : “Quels sont les principes fondamentaux de votre discipline ? » Cette question produit toujours un effet de surprise. Même lorsque j’explique ce qui m’intéresse, c’est-à-dire avoir une idée cohérente de la nature et de la signification de la branche dans laquelle ils travaillent, la question n’a toujours aucun sens pour eux. Les rarissimes ingénieurs qui se posent des questions de fond sur leur profession technique sont en général considérés par leurs collègues comme des agités ou des extrémistes. Si Socrate eut raison d’affirmer qu’une vie “sans introspection ne vaut pas la peine d’être vécue”, il faudrait en aviser la plupart des ingénieurs. »

  3. Jacques Ellul, La Technique ou l’Enjeu du siècle, 1954.

  4. Même l’examen le plus superficiel des médias de masse dans les pays industrialisés modernes, ou même dans les pays qui aspirent simplement à la modernité, confirmera que le Système s’engage à éliminer la discrimination en ce qui concerne la race, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, etc., etc., etc. Il serait facile de trouver des milliers d’exemples qui illustrent cela, mais nous n’en citons ici que trois, provenant de trois pays disparates.

    États-Unis : « Public Displays of Affection » (« Démonstration publique d’affection »), U.S. News & World Report, 9 septembre 2002, pages 42-43. Cet article fournit un bel exemple du fonctionnement de la propagande. Il adopte une position ostensiblement objective ou neutre sur les couples homosexuels, en accordant une certaine place aux opinions de ceux qui s’opposent à l’acceptation publique de l’homosexualité. Mais quiconque lit l’article, avec son traitement nettement sympathique d’un couple homosexuel, aura l’impression que l’acceptation de l’homosexualité est souhaitable et, à long terme, inévitable. La photographie du couple homosexuel en question est particulièrement importante : un couple physiquement attrayant a été sélectionné et photographié de manière attrayante. Toute personne ayant la moindre connaissance de la propagande ne peut manquer de voir que cet article constitue une propagande en faveur de l’acceptation de l’homosexualité. Et n’oubliez pas que U.S. News & World Report est un magazine de centre-droit.

    Russie : « Putin Denounces Intolerance » (« Poutine dénonce l’intolérance »), The Denver Post, 26 juillet 2002, page 16A. « MOSCOU – Le président Vladimir Poutine a fermement dénoncé jeudi les préjugés raciaux et religieux […]. “Si nous laissons cette bactérie chauviniste intolérante à la nation ou à la religion se développer, nous allons mener le pays à la ruine”, a déclaré Poutine dans des remarques rediffusées en boucle à la télévision russe jeudi soir. » Etc., etc.

    Mexique : « Persiste racismo contra indígenas » (« Le racisme contre les indigènes persiste »), El Sol de México, 11 janvier 2002, page 1/B. Légende de la photo : « Malgré les efforts pour donner de la dignité aux indigènes de notre pays, ils continuent de souffrir de discrimination […]. » L’article rend compte des efforts des évêques du Mexique pour lutter contre la discrimination, mais indique que les évêques veulent « purifier » les coutumes indigènes afin de libérer les femmes de leur statut traditionnellement inférieur. El Sol de México est réputé pour être un journal de centre droit.

    Quiconque veut s’en donner la peine pourrait multiplier ces exemples des milliers de fois. Les preuves de la détermination du Système à éliminer la discrimination et la victimisation sont si évidentes et si massives que l’on s’étonne de voir des radicaux croire que la lutte contre ces maux s’apparente à une forme de rébellion. On ne peut que l’attribuer à un phénomène bien connu des propagandistes professionnels : les gens ont tendance à refouler, à ne pas percevoir ou à ne pas se souvenir des informations qui vont à l’encontre de leur idéologie. Voir l’intéressant article « Propagande » dans The New Encyclopædia Britannica, volume 26, Macropædia, 15e édition, 1997, pages 171-79, en particulier page 176.

  5. Dans cette section, j’ai dit quelque chose sur ce que le Système n’est pas, mais je n’ai pas dit ce qu’il est. Un de mes amis m’a fait remarquer que cela pouvait laisser le lecteur perplexe. Je ferais donc mieux d’expliquer que, pour les besoins de cet article, il n’est pas nécessaire d’avoir une définition précise de ce qu’est le Système. Je ne voyais pas comment définir le Système en une seule phrase complète et je ne voulais pas rompre la continuité de l’article par une digression longue, maladroite et inutile sur la question de savoir ce qu’est le Système, j’ai donc laissé cette question sans réponse. Je ne pense pas que le fait de ne pas y répondre puisse sérieusement nuire à la compréhension par le lecteur du propos dans cet article.

  6. Theodore Kaczynski donne la définition du terme « sursocialisé » dans son manifeste La Société industrielle et son avenir : « Le code moral de notre société est si exigeant que personne ne peut penser, ressentir et agir de manière totalement morale. Par exemple, nous sommes censés ne haïr personne, mais presque tout le monde déteste quelqu’un à un moment ou à un autre, qu’il se l’avoue ou non. Certaines personnes sont si fortement socialisées que la tentative de penser, de ressentir et d’agir moralement leur impose un lourd fardeau. Pour éviter de se sentir coupables, elles doivent continuellement cultiver le déni sur leurs propres aspirations et trouver des explications morales à des sentiments et des actions qui, en réalité, n’ont pas d’origine morale. Nous utilisons le terme “sursocialisé” pour décrire ces personnes. »

  7. Les concepts de « propagande d’intégration » et de « propagande d’agitation » sont discutés par Jacques Ellul dans son livre Propagandes, 1962.

  8. William A. Haviland, Cultural Anthropology, Ninth Edition, Harcourt Brace & Company, 1999.

  9. Je suppose que cette déclaration est exacte. Elle reflète certainement l’attitude des Navahos. Voir Gladys A. Reichard, Navaho Religion : A Study of Symbolism, Princeton University Press, 1990, page 141. Ce livre était à l’origine protégé par des droits d’auteur en 1950, bien avant que l’anthropologie américaine ne soit fortement politisée, je ne vois donc aucune raison de supposer que ses informations soient biaisées.

  10. Ceci est bien connu. Voir par exemple Angie Debo, Geronimo : The Man, His Time, His Place, University of Oklahoma Press, 1976, page 225 ; Thomas B. Marquis (interpreter), Wooden Leg : A Warrior Who Fought Custer, Bison Books, University of Nebraska Press, 1967, page 97 ; Stanley Vestal, Sitting Bull, Champion of the Sioux : A Biography, University of Oklahoma Press, 1989, page 6 ; The New Encyclopædia Britannica, Vol. 13, Macropædia, 15th Edition, 1997, article « American Peoples, Native », page 380.

  11. Osborne Russell, Journal of a Trapper, Bison Books edition, page 147.

  12. L’utilisation de la torture chez les Indiens de l’est des États-Unis est bien documentée. Voir par exemple Clark Wissler, Indians of the United States, Revised Edition, Anchor Books, Random House, New York, 1989, pages 131, 140, 145, 165, 282 ; Joseph Campbell, The Power of Myth, Anchor Books, Random House, New York, 1988, page 135 ; The New Encyclopædia Britannica, Vol. 13, Macropædia, 15th Edition, 1997, article « American Peoples, Native », page 385 ; James Axtell, The Invasion Within : The Contest of Cultures in Colonial North America, Oxford University Press, 1985.

Print Friendly, PDF & Email