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La Résistance Indigène neutralise un quart des émissions de GES du Canada et des États-Unis

« La résistance est une activité qui consiste à détruire les forces de l’ennemi au point qu’il soit contraint à abandonner son dessein. »

– Carl von Clausewitz, De la guerre, 1832.

Traduction d’un article paru à l’origine le 1er septembre 2021 sur le média Common Dreams[i] et repris par le site Deep Green Resistance News Service[ii] dont j’ai traduit la note introductive. On regrettera seulement que les peuples autochtones n’appellent pas à démanteler le système techno-industriel en totalité, sites de production et infrastructures d’énergie renouvelable compris. Il est également très naïf d’insister sur le respect de ce qu’on appelle le « consentement libre, informé et préalable » (CLIP), un processus par lequel doit passer une firme avant le lancement d’un projet d’extraction ou de construction d’infrastructures pouvant impacter des communautés locales. Les instruments juridiques fabriqués par l’État peuvent très facilement être contournés, et ce d’une infinité de manières, par exemple en essayant de corrompre certains groupes dans la communauté en leur offrant de l’argent. Et quand les oligarques perdent patience, ils ordonnent directement à l’État d’envoyer la cavalerie, voire embauchent leurs propres milices pour nettoyer la zone.

Malgré tout, c’est plutôt une bonne nouvelle. Rien n’est perdu, tout est à faire. Pratiquement tout ce qui a été tenté jusqu’à présent, aussi bien au niveau stratégique que tactique, a été inefficace. La guerre ne fait que commencer, et on n’a qu’une envie : combattre.


Note de la rédaction : En ces temps terrifiants et apocalyptiques, il devient de plus en plus évident que nous sommes tous dans le même bateau, que nous appartenions à des cultures indigènes ou à la culture de l’empire. Il est à la fois stupéfiant, triste et embarrassant de constater que ceux qui ont le plus souffert du colonialisme et du génocide soient les mêmes qui essayent de sauver l’humanité tout entière. Notre seule chance de survivre est de décoloniser nos cœurs et nos esprits, puis de rejoindre la résistance contre la culture de l’empire. ( par DGR News Service)


Un rapport révèle que la Résistance Indigène bloque un quart des émissions de CO2 au Canada et aux États-Unis (par Jessica Corbett)

Selon un rapport publié en août dernier, au cours de la dernière décennie la résistance autochtone aux projets de développement des énergies fossiles aux États-Unis et au Canada a permis de stopper ou de retarder près d’un quart les émissions de gaz à effet de serre annuelles de ces pays.

Sur l’île de la Tortue, une terre renommée « Amérique du Nord » par les États-nations colonisateurs, les émissions de gaz à effet de serre (GES) se sont élevées à 6,56 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2019 – 5,83 milliards de tonnes équivalent CO2 pour les États-Unis et 727,43 millions de tonnes équivalent CO2 pour le Canada.

Comme l’explique le rapport intitulé Indigenous Resistance Against Carbon :

« La résistance indigène totale contre ces projets sur l’île de la Tortue – y compris les luttes en cours, les victoires contre les projets jamais achevés, et les infrastructures malheureusement en cours d’exploitation – concerne un total de 1,8 milliard de tonnes équivalent CO2, soit environ 28 % des émissions de GES américaines et canadiennes en 2019. Les victoires dans les luttes contre les projets d’infrastructures représentent à elles seules l’équivalent carbone de 12 % des émissions annuelles des États-Unis et du Canada, soit 779 millions de tonnes d’équivalent CO2. Les combats en cours empêchent 12 % de la pollution annuelle de ces pays, soit 808 millions de tonnes équivalent CO2. Si ces luttes sont couronnées de succès, cela signifierait que la résistance autochtone aura permis de stopper près d’un quart (24 %) des émissions annuelles totales des États-Unis et du Canada[iii]. »

« Ce chiffre de 24 % – soit 1,587 milliard de tonnes équivalent CO2 – représente une pollution comparable à environ 400 nouvelles centrales électriques au charbon – soit plus que celles qui sont encore en service aux États-Unis et au Canada – ou encore à 345 millions de véhicules particuliers – plus que tous les véhicules en circulation dans ces pays. »

Les différents acteurs ne se contentent pas de souligner comment la résistance autochtone aux projets des pollueurs a permis de limiter les émissions de gaz à effet de serre, ils expliquent et soulignent également l’importance de la souveraineté tribale et autochtone, de l’autodétermination et du consentement libre, informé et préalable (CLIP).

Comme le précise Dallas Goldtooth, organisateur de l’initiative Keep It in the Ground (« Laisse ça dans le sol ») de l’IEN :

« Les chiffres ne mentent pas. Les peuples autochtones ont longtemps mené le combat pour protéger la Terre Mère, et la seule façon d’avancer est de s’inspirer du savoir autochtone et de garder les combustibles fossiles dans le sol. »

Le nouveau rapport indique d’emblée que l’objectif est de « chercher à valoriser le travail d’innombrables nations tribales : protecteurs autochtones de l’eau ; défenseurs des terres ; combattants contre les pipelines ; ainsi que de nombreuses autres formations populaires intervenant sur le terrain. Tous ont consacré leur vie à défendre la Terre Mère sacrée, à protéger leurs droits à la souveraineté et à l’autodétermination autochtones. »

Le rapport attire également l’attention sur la criminalisation des défenseurs autochtones de la terre et de l’eau, affirmant que « la lutte contre le Dakota Access Pipeline (DAPL) est un exemple notable de ces menaces – ce qui s’est passé à Standing Rock ne doit pas être considéré comme un incident anormal, mais plutôt comme une réponse courante et banale des États modernes contre la résistance des peuples autochtones dans le monde entier. »

Le Dakota Access Pipeline compte parmi les projets inclus dans le rapport. Les autres combats portent sur le développement des combustibles fossiles dans la réserve faunique nationale de l’Arctique, les gazoducs transportant le gaz issu de la fracturation hydraulique (fracking) comme Coastal GasLink et Mountain Valley, et les projets de sables bitumineux comme Trans Mountain et Line 3. Les résistants demandent au président Joe Biden de les bloquer comme il l’a fait pour le pipeline Keystone XL peu après son entrée en fonction en janvier. [Chose hautement improbable puisque Joe Biden, comme Barack Obama avant lui et comme Emmanuel Macron, est un pantin qui n’a aucun pouvoir (ou si peu), ce que confirmait un article de Bloomberg qui titrait en janvier 2021 « Dès son entrée en fonction, Joe Biden autorise des dizaines de permis pour forer de nouveaux puits de pétrole[iv] », NdT]

« Ce rapport repose sur un fait simple : le monde s’enfonce davantage dans le chaos climatique, et nous devons changer de cap », selon Indigenous Environmental Network et Oil Change International (OCI).

« Parallèlement aux graves menaces auxquelles la Terre Mère est confrontée en raison du changement climatique, les droits, le bien-être et la survie des peuples autochtones du monde entier sont gravement menacés par les mêmes industries extractives qui sont à l’origine de la crise climatique. »

« Les États-Unis et le Canada doivent reconnaître leur obligation de consulter et d’obtenir le consentement des peuples autochtones pour tous les projets proposés sur les terres autochtones », indique le rapport. « En parallèle, ces gouvernements d’États-nations colonisateurs doivent admettre que l’ère des combustibles fossiles touche rapidement à sa fin. »

Faisant écho aux avertissements de plus en plus pressants des scientifiques et des experts de l’industrie énergétique, le rapport reconnaît le « défi monumental » que représente l’élimination progressive des infrastructures de combustibles fossiles existantes. Il ajoute que « notre climat ne peut pas se permettre de nouveaux projets de pétrole, de gaz ou de charbon, quels qu’ils soient. »

Collin Rees, directeur de la campagne américaine de l’OCI, a déclaré mercredi que « les communautés autochtones qui résistent aux projets de pétrole, de gaz et de charbon sur leur territoire font preuve d’un véritable leadership climatique ».

Il a ajouté que « les courageux efforts de résistance des défenseurs autochtones de la terre et de l’eau ont permis de maintenir des milliards de tonnes de carbone dans le sol. Respecter et honorer la sagesse et la souveraineté des peuples autochtones sont des solutions clés à la crise climatique. »

Commentaire et traduction : Philippe Oberlé


[i] https://www.commondreams.org/news/2021/09/01/report-reveals-indigenous-resistance-disrupts-quarter-us-and-canadian-emissions

[ii] https://dgrnewsservice.org/civilization/colonialism/report-reveals-indigenous-resistance-disrupts-quarter-of-us-and-canadian-emissions/

[iii] https://www.ienearth.org/indigenous-resistance-against-carbon/

[iv] https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-01-27/biden-issues-dozens-of-oil-drilling-permits-in-first-few-days

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