Les services écosystémiques, ça ne vaut pas un clou
[Article mis à jour le 22/12/2022]
Traduction d’un article[1] de l’économiste R. David Simpson publié dans la revue du Breakthrough Institute en 2018. Depuis plus de 25 ans, R. David Simpson étudie les liens entre les services écosystémiques et la conservation de la nature. Il a notamment travaillé pour la Banque mondiale et pour l’Agence de protection environnementale des États-Unis (US EPA) en tant que directeur des études économiques sur les écosystèmes.
Ce texte démolit méthodiquement la propagande des scientifiques influents, des grandes ONG environnementales et des médias couvrant les COP biodiversité. Dans son discours, l’industrie de la conservation prétend que la prospérité du système techno-industriel global dépendrait du « capital naturel » et de ses « services écosystémiques ». Cette rhétorique douteuse se base à l’origine sur une estimation de la valeur totale des services écosystémiques publiée en 1997 par Costanza et al. dans la revue Nature. L’équipe de Costanza chiffrait la valeur totale des services écosystémiques entre 16 000 et 54 000 milliards de dollars[2]. En comparaison, le PIB mondial de l’époque était de 18 000 milliards de dollars.
Dans un article paru en 2016 dans la revue ISSUES, Simpson critique vivement cette étude :
« Les environnementalistes et les médias ont célébré les travaux de Costanza et al., mais la critique quasi universelle des économistes qui ont daigné faire un commentaire dessus a reçu moins d’attention. Malheureusement, cette vague de critiques n’a pas dissuadé certains des mêmes auteurs de mettre à jour leurs travaux antérieurs sans améliorer leur méthodologie, pas plus qu’il n’a empêché d’autres personnes d’imiter leur méthode défectueuse[3]. »
En France, l’économiste Hélène Tordjman a elle aussi pointé des défauts méthodologique dans les travaux de Costanza et al., puis dans la mise à jour faite par De Groot et al. en 2012.
Ainsi, quand le journal Les Echos, propriété du milliardaire Bernard Arnault, titre « Biodiversité : le WWF chiffre à 500 milliards de dollars par an le coût de l’inaction[4] » ; et quand le média Novethic, financé par la Caisse des Dépôts, prétend que « la moitié du PIB mondial est menacée en raison du déclin de la biodiversité[5] », mon détecteur de greenwashing commence à s’affoler. Les experts de la conservation savent depuis des années déjà que cette vision économiciste appliquée à la nature est inefficace, voire contre-productive pour la conservation. Que cette approche soit toujours célébrée en 2022 dans les médias témoigne d’une volonté délibérée de tromper le grand public. On peut raisonnablement en conclure que ce discours sert les intérêts de ceux qui bénéficient le plus de la destruction du monde naturel, à commencer par les États et les grandes firmes technologiques et industrielles.
Quelques précisions sur le Breakthrough Institute. C’est « un centre de recherche mondial qui identifie et promeut des solutions technologiques aux défis environnementaux et humains[6]. » Ce think tank promeut l’écomodernisme, une version technophile de l’écologisme qui propose de solutionner la crise environnementale par toujours davantage de conquêtes scientifiques et de progrès technologiques. Chose évidemment absurde puisque science et technologie sont les moteurs du carnage. Ils permettent en effet au système-monde technologique d’accroître continuellement sa puissance, et donc d’augmenter sa capacité à reconfigurer le monde matériel selon ses propres besoins. Ce n’est pas vraiment le sujet ici, mais je préfère préciser que je publie sur ce blog des analyses dignes d’intérêt indépendamment de la vision politique de celles et ceux qui les produisent. Comme vous le verrez, l’expérience de R. David Simpson – le technolâtre – vient appuyer le constat fait il y a près de 70 ans par Jacques Ellul – le technocritique.
« Le monde que constitue progressivement l’accumulation des moyens techniques [crée] un monde artificiel […] radicalement différent du monde naturel. Il détruit, élimine ou subordonne ce monde naturel, mais ne lui permet ni de se reconstituer ni d’entrer en symbiose avec lui. Ils obéissent à des impératifs et à des ordonnancements différents, à des lois sans commune mesure. Ce n’est pas par hasard que l’hydroélectricité capte les cascades, et les mène en conduites forcées : le milieu technique absorbe ainsi de la même façon le milieu naturel. Nous nous acheminons rapidement vers le moment où nous n’aurons bientôt plus de milieu naturel. »
– Jacques Ellul, La Technique ou l’Enjeu du siècle, 1954
Quelques points à retenir de l’article de Simpson, un texte intéressant, mais un peu fastidieux à lire :
- Les services écosystémiques sont souvent très abondants, or les agents économiques sont prêts à payer un prix élevé seulement pour des choses disponibles en quantité limitée (Simpson donne l’exemple des ressources génétiques des forêts tropicales) ;
- Les destinations exotiques sont disponibles en quantité presque illimitée, celles-ci ne peuvent donc pas être valorisées ;
- Les services écosystémiques de haute valeur sont souvent fournis par des surfaces terrestres très limitées, par conséquent il n’est pas nécessaire de conserver de grandes étendues de terres pour assurer le maintien de ces services ;
- Plus la population et l’intensité de ses activités augmentent, plus il devient rentable de remplacer les services naturels par des substituts artificiels ;
- Faire payer la nature pour sa conservation engendre des effets pervers : les activités économiques d’une échelle nécessaire à la viabilité commerciale des projets de conservation et développement entraînent la dégradation des systèmes vivants que le projet était censé protéger (exemple : de nombreux parcs naturels sont submergés par les touristes en France, aux États-Unis, en Afrique ou en Inde) ;
- Autre exemple d’effet contre-productif : Simpson évoque un producteur californien d’amandes qui, faisant appel au concept de service écosystémique, en arrive à artificialiser les terres mises de côté pour la conservation afin de domestiquer et élever un pollinisateur sauvage.
Le problème avec les services écosystémiques : quand tout a un prix, plus rien n’a de valeur (par R. David Simpson)
Au début des années 1990, la « bioprospection » a capté l’attention du public et des décideurs politiques. Merck, la grande entreprise pharmaceutique américaine, concluait à cette époque un accord avec l’Institut national de la biodiversité du Costa Rica (INBio) en vertu duquel Merck recevrait un accès exclusif aux collections de produits naturels de l’INBio. La firme obtenait cet accès en échange d’un paiement initial d’un million de dollars, de contributions en nature à la recherche et d’une promesse de redevances au cas où des produits commercialisables seraient identifiés[7]. Le directeur de l’INBio anticipait que les recettes de bioprospection du Costa Rica dépasseraient bientôt celles des exportations de café qui s’élevaient à 300 millions de dollars par an[8].
D’autres entreprises ont suivi le mouvement en développant leurs activités de recherche sur les produits naturels. Des agences gouvernementales américaines se sont associées pour parrainer le programme International Cooperative Biodiversity Groups [ICBG, NdT] comprenant des chercheurs en pharmacologie américains associés à des pays fournisseurs[9]. La bioprospection a même inspiré un film – dans le film Medicine Man sortie en 1992, trois ans seulement avant d’être nommé « l’homme le plus sexy du monde » par le magazine People[10], Sean Connery jouait un ethnobotaniste en pleine course contre la montre pour trouver un remède au cancer avant que la forêt tropicale ne soit abattue autour de lui. La bioprospection a été présentée comme une proposition « gagnant-gagnant-gagnant » : de nouveaux médicaments seraient trouvés, les pays en développement accéderaient à la prospérité et les forêts tropicales seraient sauvées.
Alors que l’enthousiasme pour la bioprospection grandissait, les universitaires et les défenseurs de cette technique ont formulé des recommandations sur la manière de répartir équitablement les bénéfices entre les parties prenantes – les chercheurs qui développaient de nouveaux produits à partir de sources naturelles et les propriétaires des écosystèmes qui les fournissaient. Google Scholar répertorie plus de 150 ouvrages publiés avant 2000 sur « l’accès et le partage des bénéfices » pour les ressources génétiques[11]. Comment les nations du Sud, historiquement exploitées pour leur travail et leurs matières premières, pouvaient-elles éviter une nouvelle forme d’expropriation ? Comment faire face à la « biopiraterie », le vol de leur précieux patrimoine biologique ?
La bioprospection a été l’un des premiers cas faisant appel au concept de « service écosystémique » dans un souci de conserver la nature. Dans son sillage, la communauté de la conservation s’est tournée vers d’autres services écosystémiques qui mettent l’accent sur les avantages que la préservation d’habitats relativement peu développés apporterait aux communautés qui y vivent ou qui leur sont adjacentes. Il s’agit notamment de services tels que la purification de l’eau, la pollinisation, la lutte contre les parasites et la protection contre les inondations et les tempêtes. Mais les arguments économiques en faveur de cette approche sont peu convaincants également. Lorsque les pressions de développement sont élevées, il est généralement plus rentable de recourir à des substituts artificiels pour remplacer les services écosystémiques que de renoncer à convertir les terres à des utilisations agricoles ou résidentielles. Même si l’on peut argumenter en faveur de la conservation de certaines zones résiduelles d’habitat naturel pour fournir des services écosystémiques, il n’est pas clairement établi que cela produit des résultats significatifs en matière de conservation. Il s’avère que les efforts déployés pour valoriser la nature ont donné des résultats décevants.
1.
Comme beaucoup d’autres jeunes chercheurs, j’ai été motivé par le désir de participer au sauvetage de la nature lorsque j’ai commencé à travailler dans le domaine de l’économie de l’environnement et des ressources, au début des années 1990. Le terme « biodiversité » avait été inventé quelques années auparavant[12] et l’inquiétude grandissait face à ce que l’on craignait être une « sixième crise d’extinction[13] ». Cet événement signifiait que des millions d’espèces risquaient de disparaître en raison de la domination croissante de l’une d’entre elles : Homo sapiens.
Que fallait-il faire ? À l’automne 1991, lorsque j’ai commencé à travailler pour Resources for the Future, une organisation à but non lucratif effectuant des recherches sur l’économie de l’environnement et des ressources, une nouvelle approche de la conservation s’était mise en place depuis une dizaine d’années. En 1980, l’Union internationale pour la conservation de la nature [UICN, NdT] a publié un rapport influent annonçant que la conservation au nom de la conservation était devenue obsolète ; « étudier la contribution de la conservation des ressources vivantes à la survie humaine et au développement durable » était alors à la mode[14]. Le rapport affirmait que les habitats naturels et les organismes en leur sein possèdent une plus grande valeur vivants, en tant que producteurs de biens et de services durables, qu’ils n’en ont morts, dépouillés de leur bois et convertis à d’autres fins. Puisque les appels à l’altruisme n’avaient pas fonctionné, dans les années qui suivirent, conservationnistes et universitaires se sont tournés vers l’idée que mettre en avant de façon concrète l’intérêt individuel rencontrerait davantage de succès.
Au début des années 1990, les « projets intégrés de conservation et de développement », ou ICDP, en sont venus à incarner ces espoirs. Les projets intégrés de conservation et de développement se concentraient souvent sur des programmes visant à commercialiser les produits ou les services des forêts tropicales humides et d’autres points chauds de biodiversité auprès de consommateurs potentiels du monde entier. Les ICDP les plus intéressantes concernaient l’utilisation des ressources génétiques dans la recherche pharmaceutique. La nature est un trésor de ressources génétiques, une bibliothèque de plans biochimiques pour la conception de médicaments miracles. Des médicaments contre le cancer ont été mis au point à partir de la pervenche de Madagascar et de l’if du Pacifique ; des médicaments contre le diabète à partir de la salive du monstre de Gila ; des médicaments pour le cœur à partir de la digitale [plante herbacée, NdT] ; de la quinine à partir de l’écorce du quinquina. Même la bonne vieille aspirine tire ses origines de l’écorce de saule[15]. Selon le discours de la marchandisation des services écosystémiques, si les chercheurs en pharmacologie étaient contraints de payer pour avoir accès aux ressources génétiques, les forêts tropicales seraient sauvées.
Cependant, le problème de la biopiraterie demeure. C’est vers cette question que je me suis tournée au début de ma carrière. J’ai essayé d’aborder la question de manière logique : si la difficulté résidait dans la compensation des fournisseurs pour la valeur des ressources génétiques de leur territoire, la première chose qu’il fallait étudier était la valeur de ces ressources génétiques.
Les économistes soutiennent que la valeur est déterminée par la rareté. Si une chose est rare par rapport à la demande, les gens paieront beaucoup plus cher. Si elle est relativement abondante, ils ne le feront pas. Un argument revenait souvent au début de mon travail. Il fallait sauver les forêts tropicales parce qu’en leur sein vivent potentiellement des millions d’espèces encore inconnues, et que chacune de ces espèces pourrait être à l’origine du prochain médicament miracle[16]. Mais en réfléchissant à cette idée, j’ai remarqué que quelque chose clochait. S’il restait littéralement des millions d’espèces encore à découvrir, les chercheurs en pharmacologie pouvaient chercher leur prochain médicament miracle dans beaucoup d’endroits différents. Certains experts ont écrit que le stock de ressources génétiques à disposition de la recherche pharmaceutique « est si vaste qu’il semble illimité[17] ». Une ressource « illimitée » est nécessairement bon marché. Personne ne serait prêt à payer un prix élevé pour avoir accès à des échantillons du Costa Rica s’il est possible d’explorer des pistes tout aussi prometteuses au Nicaragua ou en Bolivie, au Cameroun ou en Malaisie. Dans la même veine, personne ne serait prêt à payer beaucoup pour préserver un hectare de forêt tropicale au Costa Rica quand il est possible de collecter des échantillons identiques ou similaires dans des milliers d’autres hectares de forêt tropicale. On dispose de la preuve de cette redondance de nombreux échantillons naturels avec la « déréplication », l’une des étapes cruciales de la recherche sur les produits naturels. Lors de cette étape, on détermine si une nouvelle « découverte » prometteuse est – ou n’est pas – une occurrence de plus d’un produit dont les attributs sont déjà bien connus[18].
En 1996, deux collègues et moi-même avons traduit ces intuitions en un modèle mathématique avec des estimations numériques de cette valeur, et publié nos résultats dans une revue économique de premier plan[19] : les gens se sont disputés au sujet de nos travaux. Deux auteurs ont revu nos calculs et ont déclaré qu’ils étaient erronés[20]. Un autre couple de chercheurs a revu les calculs de nos détracteurs, et a affirmé que ces derniers avaient commis une grave erreur. Nos résultats initiaux étaient en fait assez proches de la vérité[21]. Les chercheurs ont continué à citer et à contester ce corpus croissant de travaux scientifiques, et le complexe industrialo-universitaire a continué sur sa lancée en produisant d’autres études sur la bioprospection et les ressources génétiques.
Mais une chose intéressante se passait dans le monde réel pendant que nous autres scribouillards d’université étions en train de nous chamailler : rien.
La bioprospection n’a pas décollé. L’accord entre Merck et INBio a été rompu il y a de nombreuses années[22]. Merck a fait don des collections d’INBio que l’entreprise avait acheté en 2011, 20 ans après s’être engagée par contrat à les acquérir ; « comme si cela marquait l’anniversaire de sa folie costaricienne[23] », remarquait un commentateur. En 2013, INBio était en proie à de graves difficultés financières et sollicitait des dons du public pour payer les salaires de ses employés[24]. Les revenus des ressources génétiques du Costa Rica correspondaient à une infime partie de ce que le pays gagnait en exportant du café. Eli Lilly, Bristol-Myers Squibb et d’autres grandes multinationales ont également abandonné leurs activités de bioprospection à l’international[25]. Les titres des articles parus au fil des ans suivent la progression de cette désillusion : en 1998, un article se demandait ce qui arrive « lorsque la rhétorique se heurte à la réalité dans [le] débat sur la bioprospection[26] » ; en 2003, un autre article posait la question suivante « Bioprospection – Pourquoi est-elle si peu gratifiante[27] ? ». En 2012, cela donnait « Une pilule amère … pourquoi les entreprises pharmaceutiques – ou les conservationnistes – n’ont-ils pas pu tirer profit de la pharmacie de la nature[28] ? ».
Probablement qu’un résumé plus juste de l’histoire récente de la bioprospection serait de dire que rien de bon ne s’est passé. Merck a peut-être eu la chance de ne rien trouver de valeur au Costa Rica. Les groupes de pression leur avaient déjà déclaré une guerre médiatique. Si Merck avait découvert un médicament à succès, il aurait probablement été impossible d’arriver à un compromis satisfaisant pour toutes les parties prenantes – pour les actionnaires de Merck, leurs partenaires costariciens et, peut-être plus important encore, pour les ONG internationales qui restaient convaincues que la bioprospection allait fournir des centaines de millions de dollars aux pays pauvres des tropiques. Le « gagnant-gagnant » de Merck s’était transformé en « perdant-perdant » : ils sont sortis les mains vides, mais se sont quand même retrouvés face à des accusations de biopiraterie[29].
Une fureur médiatique similaire s’est déclenchée sur la question du « consentement préalable et informé » avec l’un des International Cooperative Biodiversity Groups parrainés par le gouvernement américain. Des groupes autochtones de l’État mexicain du Chiapas ont protesté contre le fait qu’ils n’avaient pas donné leur autorisation pour la collecte et l’analyse des échantillons. L’entreprise a été dissoute au bout de trois ans seulement alors que sa mission était planifiée sur cinq ans[30].
Dans ces cas comme dans d’autres, beaucoup de gens étaient contrariés par l’idée que des sociétés pharmaceutiques allaient gagner des milliards avec les produits qu’elles trouveraient dans des pays moins riches, tandis que les fournisseurs d’échantillons se voyaient promettre une maigre rétribution. Ces conflits tournaient souvent autour de l’idée que plusieurs groupes devraient être indemnisés pour la fourniture d’échantillons, en se basant sur l’affirmation que des composés utiles pourraient être identifiés à plusieurs endroits. Mais ce raisonnement ne fait que souligner ce que je disais plus haut : si plusieurs sources potentielles existent pour quelque chose, cette chose-là n’est pas rare et, par conséquent, n’a pas de valeur.
Il n’y a pas si longtemps, j’ai fait un exposé qui insistait sur ces points. Après mon discours, un homme dans le public m’a demandé d’être plus clair et direct. Cette semaine-là, il m’a informé que la mise au point d’un nouveau composé prometteur pourrait répondre à un besoin urgent : trouver des traitements efficaces contre les infections résistantes aux antibiotiques[31]. Qu’avais-je à dire sur le fait qu’un nouveau composé extrêmement précieux venait d’être isolé à partir d’un échantillon de sol ?
J’ai réfléchi un instant avant de répondre. « Connaissez-vous l’expression ‘ça ne vaut pas un clou’ » ?
2.
Au cours des décennies qui ont suivi mes premiers écrits sur la bioprospection, j’ai continué à étudier le domaine plus large et en pleine évolution des services écosystémiques. J’ai été l’un des auteurs du Millenium Ecosystem Assessment [Évaluation des écosystèmes pour le millénaire, NdT], éditeur pour le projet parrainé par les Nations unies sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité, et conseiller pour le programme de la Banque mondiale sur l’évaluation de la richesse et la valorisation des services écosystémiques. J’ai continué à faire des recherches sur des sujets tels que la pollinisation, la protection contre les tempêtes et les services de traitement de la pollution des écosystèmes, et j’ai été pendant plusieurs années directeur des études économiques sur les écosystèmes au Centre national d’économie environnementale de l’Agence américaine de protection de l’environnement.
Au fil des années, j’ai vu beaucoup d’idées émerger puis disparaître. Prenez l’écotourisme. Comme pour la bioprospection, les défenseurs de la conservation ont constaté que les gens dépensaient beaucoup d’argent pour visiter les merveilles naturelles hébergeant des formes de vie uniques. Ils en ont déduit que les territoires à l’origine de ces merveilles naturelles devaient également être extrêmement précieux. Mais où vont réellement tous ces dollars déversés par les touristes ? En général, ils ne servent pas à indemniser les populations locales en vue de maintenir un hectare supplémentaire de territoire pour le rhinocéros ou le quetzal resplendissant [espèce d’oiseau vivant au Guatemala, NdT]. Cet argent rémunère les investissements réalisés par les compagnies aériennes et les hôteliers ; des investissements servant à transporter les touristes dans un endroit isolé, à leur fournir des lits douillets et des douches chaudes à leur arrivée. L’habitat, en soi, est souvent suffisamment abondant pour que des changements marginaux n’affectent pas de manière perceptible l’expérience touristique. J’ai rencontré des personnes bien intentionnées qui s’intéressaient à la création d’entreprises d’écotourisme au Venezuela, au Sri Lanka, en Thaïlande et dans une foule d’autres endroits du globe. La liste des endroits fascinants à visiter est presque illimitée. Par conséquent, comme tout ce qui est disponible en quantité presque illimitée, les destinations exotiques ne peuvent pas avoir une grande valeur intrinsèque.
Une critique similaire pourrait être faite de la commercialisation des produits forestiers non ligneux, un autre cas d’ICDP, de projet intégré de conservation et de développement. L’incitation à acheter des produits comme les boutons de noix de tagua a été fortement limitée par l’abondance et le prix attractif des substituts synthétiques. Les entreprises d’écotourisme et les ventes de produits forestiers ont également suscité des inquiétudes. Ces initiatives peuvent conduire les gens à « aimer à mort la nature » et mener dans une impasse : les activités économiques d’une échelle nécessaire à la viabilité commerciale entraîneraient la dégradation des systèmes vivants que le projet était censé protéger.
[C’est très exactement ce qui est en train de se passer dans les parcs nationaux submergés par les touristes aux États-Unis, même en chose dans certains pays d’Afrique, NdT]
Lorsque les conservationnistes ont commencé à prendre conscience des limites économiques et des potentielles conséquences imprévisibles des ICDP, ils ont concentré leur attention ailleurs. Avec les ICDP, l’idée était d’identifier un produit ou un service fourni aux marchés internationaux par de vastes zones d’habitat existantes. Ces dernières années, les services écosystémiques ont été mis en avant pour les avantages qu’ils apportaient aux personnes vivant au sein de parcelles d’écosystèmes préservées ou à proximité. Selon un papier rédigé par plusieurs écologues de premier plan :
« Conserver la nature par obligation morale est un luxe tout simplement inabordable pour la plupart des gens. […] Face à un océan de pauvreté, mettre en lumière des liens ignorés entre la nature et les éléments conduisant au bien-être – eau potable, nourriture, carburant, contrôle des inondations, et avantages esthétiques et culturels qui contribuent à la dignité et à la satisfaction – est la clé pour rendre la conservation de la nature pertinente aux yeux des gens[32]. »
Une grande partie de ce nouveau discours repose sur les bénéfices tangibles fournis par les écosystèmes aux populations qui vivent au sein desdits écosystèmes. En fait, l’importance et la valeur de ces services écosystémiques augmenteraient en fonction de l’intensité des activités humaines et du nombre de personnes se trouvant à proximité des écosystèmes fournissant ces services. En d’autres termes, quand l’eau potable est-elle importante ? Lorsqu’un grand nombre de personnes en a besoin, et quand un grand nombre de personnes (et/ou de troupeaux d’animaux domestiques) ponctionne cette eau. Quand la lutte contre les inondations est-elle la plus précieuse ? Lorsqu’il y a de grandes concentrations de personnes et/ou des structures de valeur en danger.
Le problème de la bioprospection et de certains autres types d’ICDP était le suivant : la valeur marginale des habitats qu’on espère préserver est négligeable. Ces habitats restaient trop étendus au niveau mondial, et donc trop abondants par rapport à la demande. Le problème inverse peut se poser pour les écosystèmes préservés dans le but de fournir des services au niveau local. Certes, les services écosystémiques peuvent avoir de la valeur. Mais leur valorisation la plus haute pourrait être atteinte quand le coût de la conservation des terres qui fournissent ces services est également le plus haut. Si les services écosystémiques sont suffisamment précieux pour justifier la mise en réserve de certaines terres pour les fournir, c’est peut-être parce qu’il n’est pas nécessaire de mettre en réserve beaucoup de terres pour les fournir.
La pollinisation, un service écosystémique qui a fait l’objet de nombreuses études, illustre bien ce point[33]. Les insectes sauvages pollinisent encore les cultures dans certaines régions. Mais dans une grande partie du monde, les agriculteurs dont les cultures nécessitent une pollinisation (ce qui n’est pas le cas de nombreuses cultures vivrières importantes) louent des abeilles européennes (Apis mellifera) qui sont déplacées d’une ferme à l’autre au fur et à mesure que les plantes entament leur floraison. Par exemple, une grande partie des colonies d’abeilles disponibles dans le commerce aux États-Unis sont transportées par camion jusqu’en Californie. De cette manière, ces abeilles contribuent chaque année au mois de février à la récolte des amandes de l’État[34]. Dans l’espoir d’inciter à la conservation basée sur le concept des services écosystémiques, certains biologistes et défenseurs de l’environnement ont toutefois fait valoir que ces agriculteurs devaient plutôt mettre de côté des terres pour multiplier les insectes indigènes capables de polliniser les amandes[35].
Alors que les abeilles domestiques sont transportées par camion, les pollinisateurs indigènes ont besoin d’un habitat permanent tout au long de l’année. Les terres où sont plantés les amandiers en Californie peuvent se vendre à 25 000 dollars l’acre ou plus [un acre = 0,4 hectare, NdT]. Les producteurs d’amandes paient environ 450 dollars l’acre pour louer des abeilles afin de polliniser leurs arbres[36]. Pour choisir entre maintenir l’habitat des pollinisateurs indigènes ou louer des abeilles, le producteur d’amandes doit alors se demander : « Combien de terres à 25 000 dollars l’acre suis-je prêt à retirer de la production d’amandes pour pouvoir économiser 450 dollars l’acre chaque année ? » La réponse économiquement rationnelle sera probablement : « pas beaucoup »[37]. Intuitivement, les agriculteurs ne seraient pas prêts à retirer beaucoup de terres de la production d’amandes si leur motivation pour cela était l’amélioration de la production d’amandes. Dans de nombreux cas, au lieu de préserver des terrains vastes et coûteux pour maintenir les services écosystémiques, les producteurs trouveront qu’il est plus rentable d’utiliser des substituts tels que des abeilles transportées par camion plutôt que des insectes indigènes pour polliniser les cultures ; des digues plutôt que de la végétation riveraine pour contrôler les inondations ; et des stations d’épuration des eaux usées plutôt que des zones humides pour traiter la pollution. En revanche, lorsque les services naturels sont rentables, c’est probablement parce qu’il ne faut pas beaucoup de terres pour les fournir.
Je viens de montrer que les substituts artificiels peuvent être plus rentables que les écosystèmes naturels lorsque le coût d’opportunité de la conservation des terres dans les écosystèmes naturels est élevé. Qu’en est-il des endroits où les terres restent bon marché ? On peut se demander s’il est nécessaire de concevoir des argumentaires sophistiqués pour « sauver » des endroits probablement peu menacés. Cependant les écosystèmes naturels sont aussi menacés dans certaines régions où les terres restent bon marché. Par exemple, dans certaines régions du monde en développement, les gens coupent les forêts pour y établir des exploitations agricoles de subsistance. Les encourager à compter sur la contribution des écosystèmes naturels permettra-t-il d’enrayer la perte de biodiversité ? Il pourrait en résulter un patchwork de champs, entrecoupés de vestiges d’habitats naturels, dont la superficie augmenterait pour chaque kilogramme ou chaque calorie de nourriture cultivée. Il serait probablement plus sage d’accélérer l’intégration des agriculteurs de subsistance dans l’économie moderne, dans laquelle l’agriculture de haute technologie constitue une menace globale moindre pour la nature.
[L’agriculture industrielle a un impact écologique infiniment plus élevé que l’agriculture paysanne, l’auteur raconte ici n’importe quoi. Il faut garder en tête que cet article a été publié par la revue du Breakthrough Institute qui « promeut les solutions technologiques aux problèmes humains et environnementaux ». L’auteur pointe du doigt des paysans qui coupent certes des arbres pour mettre de nouvelles terres en culture, mais qui n’utilisent bien souvent aucun engrais artificiel ni pesticide ou machine. En revanche, l’empreinte écologique globale de l’agriculture moderne, qui dépend d’un système techno-industriel mondialisé perfusé aux énergies fossiles, dépasse l’entendement. Un partchwork de champs, de haies et de forêts, c’était le paysage qu’on rencontrait en France avant la modernisation de l’agriculture et le remembrement imposés par l’État à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Ce type de paysage est infiniment plus riche en biodiversité que les champs de monoculture de l’agroindustrie qui s’étendent à perte de vue, NdT]
Il est vrai qu’il existe un cas où la fourniture de services écosystémiques a justifié la mise en réserve de portions très importantes et souvent assez coûteuses du paysage. Ces services sont fournis par une poignée d’espèces dans des écosystèmes à la production spécialisée. Ces écosystèmes sont connus sous le nom de « fermes ».
Je fais cette observation sur un ton espiègle. L’expansion des exploitations agricoles n’est généralement pas considérée comme une bénédiction pour la conservation, bien au contraire. S’il existe un continuum entre les paysages « naturels » et « humains », ceux qui sont en faveur de la préservation d’un plus grand nombre de paysages naturels devraient réfléchir aux conséquences potentielles d’un accent mis sur les services écosystémiques.
Permettez-moi d’illustrer ce que je veux dire par un autre exemple tiré de la pollinisation. Un producteur d’amandes californien a récemment expérimenté l’usage de pollinisateurs indigènes comme alternative à la location de colonies d’abeilles européennes déplacées par camion[38]. La Wonderful Company produit des amandes sur près de 20 000 hectares de terres en Californie, et elle a historiquement loué environ 80 000 colonies d’abeilles chaque année, pour un coût annuel de 10 millions de dollars[39]. Compte tenu de ces coûts, la société a cherché une alternative avec l’abeille bleue des vergers (Osmia lignaria). L’abeille bleue des vergers est un pollinisateur prolifique, mais elle présente certains inconvénients. Contrairement aux abeilles domestiques, qui retournent à leurs ruches, les abeilles bleues ont tendance à se disperser. Et contrairement aux abeilles domestiques qui, une fois revenues à leurs ruches, sont transportées par camion dans tout le pays d’une culture à l’autre, les abeilles bleues doivent être pourvues d’autres sources de nourriture lorsque les amandiers ne sont pas en floraison. Les abeilles bleues sont également la proie des souris, des crapauds et d’autres animaux.
C’est pourquoi, afin d’élever des abeilles bleues et maintenir leur service écosystémique de pollinisation, la Wonderful Company a entrepris : de désherber soigneusement une zone de huit hectares pour planter un assemblage des fleurs préférées des abeilles bleues ; d’entourer la zone de filets pour empêcher les abeilles bleues de s’échapper et les autres insectes de pénétrer dans la zone ; de créer des zones de nidification pour les abeilles ; de réguler les populations de souris et de crapauds qui pourraient manger les abeilles ; et de démarrer un programme de reproduction sélective dans l’espoir de créer une lignée d’abeilles bleues domestiquées qui ne s’éloigneront pas de la zone choisie par les agriculteurs.
Qu’en dites-vous ? L’entreprise a-t-elle mis de côté un habitat naturel pour maintenir un service écosystémique ? Ou ce résultat correspond-il mieux à de la domestication et de l’élevage pour la propagation d’une nouvelle race de bétail[40] ?
3.
J’étudie depuis maintenant un quart de siècle la question suivante : pourquoi et comment les services écosystémiques pourraient inciter à la conservation de la nature. Malheureusement, les arguments en faveur des services naturels ne semblent pas avoir accompli grand-chose jusqu’à présent. Les programmes visant à tirer profit des services écosystémiques se sont souvent révélés inefficaces, voire contre-productifs.
En se basant sur cet historique, on peut envisager deux hypothèses. La première est que les conservationnistes n’ont tout simplement pas encore trouvé la bonne idée. Dans cette perspective, les services écosystémiques seraient à chaque fois sous-estimés, mais si nous continuons à chercher, nous identifierons des valeurs qui convaincront les décideurs de sauver une plus grande partie du monde naturel.
Mon expérience me conduit à une autre hypothèse. Les services écosystémiques ne sont généralement pas sous-estimés. Ce qui est mal évalué, ce sont plutôt les bases du fonctionnement de l’économie. C’est le fil conducteur de toutes les expériences décevantes vécues jusqu’à présent pour trouver des moyens de faire payer la nature pour sa préservation.
Les conservationnistes n’ont pas forcément tout compris de travers. Si par « nature » nous entendons la grandeur ineffable et l’exquise merveille de la création, la nature se raréfie dans un monde de plus en plus dominé par l’homme. Parce que la nature se fait plus rare, elle devient plus précieuse. Mais les services fournis par la nature, les avantages démontrables et tangibles que nous tirons de l’exploitation des ressources naturelles à des fins humaines, ne sont pas en train de se raréfier. En fait, c’est généralement le contraire.
La bioprospection n’a pas pu être à la hauteur de sa réputation car la diversité biologique qu’elle cherche à exploiter reste abondante. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire. La chimie de synthèse fournit également de plus en plus d’alternatives aux substances naturelles pour la découverte de médicaments, ce qui rend la nature de moins en moins précieuse. Il en va de même pour toute une série d’autres services écosystémiques. Les écosystèmes naturels peuvent-ils filtrer l’eau, protéger contre les ouragans et polliniser les cultures ? Bien sûr qu’ils le peuvent, mais ce n’est pas un hasard si nous observons autant de stations d’épuration, de digues et de colonies d’abeilles transportées par camion. Ces alternatives construites de toutes pièces ou contrôlées par l’homme fournissent souvent des services équivalents à un coût moindre, en particulier lorsque ce coût inclut la valeur des terres.
Ces faits ont trop souvent été éludés. Les commentateurs abordant le sujet des services écosystémiques ont souvent tendance à dire qu’il s’agit d’« externalités ». En économie, une externalité survient lorsqu’une personne agit et que d’autres ressentent les coûts ou les bénéfices de son action : si un propriétaire foncier coupe les arbres sur son terrain, d’autres souffrent de la perte des services écosystémiques fournis par ces arbres. Ce n’est pas parce qu’il peut y avoir des externalités qu’il y en a, et ce n’est pas parce qu’il y a des externalités qu’elles sont nécessairement assez importantes pour justifier des changements majeurs dans la politique d’utilisation des terres. Malgré l’imposante littérature produite sur les services écosystémiques, il est difficile de trouver des preuves tangibles de leur valeur économique. D’après mes lectures, il existe très, très peu de cas où la valorisation des services écosystémiques aurait l’impact significatif attendu par les environnementalistes.
Il ne faut pas prendre ma vision au pied de la lettre. Les écologues, les économistes et d’autres défenseurs de l’environnement ont raison d’étudier de près les actifs naturels au moment où nous risquons de les perdre à jamais. Il n’y a pas non plus nécessairement de mal à adopter des approches « naturelles » s’il peut être démontré qu’elles rendent l’agriculture et l’industrie plus productives avec moins d’effets secondaires néfastes.
Plus important encore, la nature vaut la peine d’être sauvée. Mais il s’agit d’un défi bien trop important pour ne pas le relever sérieusement. Dans la mesure où préserver la nature signifie plus que d’intégrer ses vestiges dans des paysages contrôlés et gérés, nous trouverons probablement plus efficace de continuer à découpler l’activité humaine de la nature que d’essayer de trouver et d’exploiter des synergies entre les deux. Une mauvaise compréhension des problèmes peut conduire à proposer des solutions qui ne fonctionnent pas. Trop d’approches défendues par le milieu de la conservation se résument à des programmes écologiques pour s’enrichir rapidement, à des vœux pieux sans espoir réaliste de déclencher le type d’effort à grande échelle dont nous avons besoin.
R. David Simpson
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See Elizabeth Kolbert, The Sixth Extinction: An Unnatural History (New York: Henry Holt, 2014). While Kolbert’s work may have popularized the notion of a “sixth extinction,” she certainly did not originate the idea. References to a “sixth extinction” event were already common when I began working on biodiversity. ↑
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It seems that estimates of the numbers of species fluctuate between sources and over time. At the time I was working, taxonomists were excited by the discovery of numerous new species in rainforest canopies, and I would see some estimates in the tens of millions. It appears numbers may have come down somewhat recently. A 2011 paper estimates about 6.5 million on land, with another 2.2 million in the oceans. See Camilo Mora, et al., “How Many Species Are There on Earth and in the Ocean?” PLoS Biology 9, no. 8 (2011), https://doi:10.1371/journal.pbio.1001127.
One thing that doesn’t seem to have changed, though, is the extrapolation from incomplete data. Mora et al. estimate that 86 percent of terrestrial species and 91 percent of marine species have yet to be described. ↑
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Quoted in David G. I. Kingston, “Modern Natural Products Drug Discovery and Its Relevance to Biodiversity Conservation,” Journal of Natural Products 74, no. 3 (2011): 496–511. ↑
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Ibid. “One of the biggest concerns in natural products research is that after so much study many of the compounds in a given extract may well be known compounds, leading to much wasted effort in the search for new bioactive compounds.” ↑
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Edward Hammond writes that “by 2008 Merck walked away from the agreement” (“Amid Controversy and Irony, Costa Rica’s INBio Surrenders Biodiversity Collections and Lands to the State,” Third World Network, April 2, 2015, https://www.twn.my/title2/biotk/2015/btk150401.htm), and Conniff (see note 9) writes, “In 2008, Merck quietly abandoned its search for new drugs from the natural world.” Others report that Merck was no longer contracting for new samples after 1999: “A second two-year contract, with similar terms, was signed in 1994 and a third in 1997. However, in 1999, Merck ended its contract with INBio to focus on the analysis of samples.” In Life as Commerce: Bioprospecting in Costa Rica, Global Forest Coalition (2008), http://globalforestcoalition.org/wp-content/uploads/2010/12/Costa-Rica-summary1.pdf. ↑
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In a recent paper, I find that under what I consider to be very generous assumptions an almond farmer might devote, at most, about one-eighth of her land to native pollinators. R. David Simpson, “Conservation Incentives from an Ecosystem Service: How Much Cropland Should Be Set Aside for Wild Pollinators,” forthcoming in Environmental and Resource Economics. ↑
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Paige Embry, “Building a Backup Bee,” Scientific American, March 2018, 67–71. ↑
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As it turns out, the question is now moot: in February of 2018 — just as a new article was going to press in Scientific American on its efforts — the Wonderful Company announced it was ending its eight-year-long effort to domesticate blue orchard bees. ↑