Afrique du Sud : un parc animalier high-tech à plus de 5 milliards d’euros
Dans la série des projets délirants puant le greenwashing qui prétendent sauver le monde, voici l’Arche de Noé. L’entrepreneur britannique Richard Prinsloo Curson mène une campagne de levée de fonds pour construire un immense parc d’attraction ultra high-tech d’une surface de 100 km² sur la côte nord-est du KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud. Si ce projet à plus de 5 milliards d’euros aboutissait, il deviendrait le plus grand et le plus avancé des parcs de conservation de la faune sauvage.
Le projet comprendrait la création d’un parc national, le plus grand aquarium du monde, la construction de géodomes reproduisant artificiellement le climat de l’Antarctique et la forêt amazonienne ainsi qu’un dispositif de défense anti-aérienne. Le monde des affaires peut continuer à développer des projets artificialisant les terres et consommant des quantités gargantuesques d’énergie, il suffit de maquiller le tout à l’aide d’un verni vert fluo. Le mieux étant de faire passer cela pour une initiative au service des animaux, en général ça passe tout seul auprès d’un public décérébré.
L’objectif principal avancé sur le site de l’Arche de Noé est de mener des programmes d’élevage pour augmenter la population des espèces en danger afin d’éliminer le risque d’extinction. Cela tombe bien, l’élevage d’animaux sauvages est déjà une industrie lucrative en Afrique du Sud. Et en 2019, les autorités sud-africaines reclassaient plusieurs dizaines d’espèces sauvages (rhinocéros, lion, guépard, zèbre, etc.) dans la même catégorie que le bétail dans le Animal Improvement Act (AIA).
À travers la domestication, la civilisation industrielle a trouvé le moyen de poursuivre sa guerre totale contre la biosphère tout en prétendant la sauver. Un tour de force marketing admirable (Curson a fait carrière dans la publicité), certes, mais il en faut plus pour nous tromper. Préserver la diversité biologique et l’abondance des populations passe par le maintien des processus écologiques dans les milieux naturels ; et pour cela, il faut stopper l’expansion de la civilisation industrielle, la progression de ses routes, de ses centrales énergétiques et de ses usines. Un parc d’attraction et d’élevage ne répond à aucun de ces objectifs. Au contraire, 100 km² de terres seront artificialisés pour l’Arche de Noé avec l’utilisation de béton, de métaux et de verre pour les constructions et infrastructures, ainsi que de multiples autres technologies gourmandes en matériaux et en énergie.
Finalement, l’Arche de Noé s’inscrit dans la vision défendue par le célèbre conservationniste kenyan Richard Leakey, ancien patron du Kenya Wildlife Service et « parrain de la nature » de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) :
« Les humains ont pratiqué l’élevage de volailles, de moutons, de chèvres et de bovins depuis des temps anciens, et il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas considérer la faune sauvage comme quelque chose qui doit être géré de manière intensive. Nous devons contrôler la diversité génétique et la santé des animaux. Nous devons gérer la possible interruption de la relation prédateur-proie. Il y a beaucoup de choses que nous devons faire. Et nous sommes forcés de le faire.
Éthiquement cela ébranle l’histoire de la conservation, mais je crains que si nous voulons garder certains de ces parcs, il va falloir s’occuper des animaux convenablement, et cela veut dire investir de l’argent dans la gestion et réduire les problèmes qu’ils causent. La présence de la faune sauvage en dehors des parcs va devenir très discutable. »