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Après une catastrophe, l’entraide est la réaction naturelle des humains

J’ai reproduit ci-dessous la section intitulée « Le bon côté de l’Armageddon » de Civilisés à en mourir : le prix du progrès (2019), excellent ouvrage de l’écrivain états-unien Christopher Ryan récemment traduit aux Éditions Libre. Contrairement à la propagande des élites sociales, des médias de masse et de l’industrie du divertissement qui entretient l’idée d’une nature humaine intrinsèquement mauvaise, les faits montrent que les humains ont tendance à s’entraider plutôt qu’à s’entretuer en cas de catastrophe (tsunami, ouragan, tremblement de terre, bombardement, etc.).

Malgré les écrits de Charles Darwin dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe (1871) – ouvrage oublié par l’histoire car subversif – dépeignant l’être humain comme un « animal social », malgré les écrits de Pierre Kropotkine dans L’Entraide, Un facteur de l’évolution (1902) qui vont dans le même sens[1], malgré des décennies de recherche en psychologie et sociologie montrant la nature éminemment compassionnelle et coopérative de l’espèce humaine[2], la vision hobbesienne (« l’homme est un loup pour l’homme ») est constamment matraquée par le système et actualisée par divers influenceurs, experts, scientifiques et autres journalistes. Avec la perspective d’un effondrement de la civilisation industrielle, nous avons eu droit ces dernières années à plusieurs mises à jour de cette conception délirante de la nature humaine par les auteurs Vincent Mignerot[3] et Jean-Marc Gancille[4], le journaliste scientifique Laurent Testot[5], le linguiste et psychologue d’Harvard Steven Pinker[6], l’ingénieur polytechnicien Jean-Marc Jancovici[7] ou encore l’économiste et prêtre jésuite Gaël Giraud[8] – tous des hommes d’âge mûr bénéficiant d’un certain statut, d’une reconnaissance et d’une notoriété qui s’expliquent davantage par la nature de leurs idées que par la lucidité et la justesse de leurs analyses. Cette tendance au recyclage des idées poussiéreuses du philosophe Thomas Hobbes provient en partie de l’inertie culturelle inhérente à la civilisation, une dynamique remarquée dans Grammaire des civilisations (1963) par l’historien Fernand Braudel[9], une tendance favorisée depuis l’âge industriel par le développement des technologies de communication (radio, cinéma, télévision, Internet, ordinateur, smartphone, etc.).

Dans Fabriquer un consentement (1988), le linguiste Noam Chomsky et l’économiste Edward S. Herman dissèquent le système médiatique :

« Les mass médias forment un système utilisé pour communiquer messages et symboles à l’ensemble de la population. Leur fonction est de distraire, d’amuser, d’informer, et d’inculquer aux individus les valeurs, croyances et codes comportementaux qui les intègreront dans les structures institutionnelles de la société au sens large du terme. Dans un monde dominé par une forte concentration des richesses et une fracture sociale béante, cette fonction même implique une propagande systématique. »

En raison de sa structure sociale hiérarchisée à l’extrême, la civilisation industrielle reproduit perpétuellement le système de croyances qui bénéficie aux classes dominantes. L’anthropologue Douglas P. Fry parle brièvement de cette reproduction culturelle dans War, Peace and Human Nature : The Convergence of Evolutionary and Cultural Views (2013). « Choqué » par le nombre de publications « truffées de problèmes d’échantillonnage, d’erreurs de comptage, d’omissions d’informations contextuelles pertinentes et de divers types d’hypothèses douteuses » qui « parviennent à être imprimées dans la version papier d’une revue scientifique respectée telle que Science ainsi que dans les principaux médias après avoir été consultées par des pairs, des rédacteurs et des éditeurs », il écrit :

« Les scientifiques et les universitaires, les rédacteurs et les éditeurs, les réviseurs et les lecteurs “savent” déjà tout de la nature humaine guerrière et ont digéré le mythe d’un passé guerrier – en d’autres termes, ces “connaissances” sont un des aspects de leur système de croyances en Occident. Ces “connaissances” ne sont pas issues d’une science objective. Sur la question de la nature humaine, il est temps d’arrêter de présupposer que le monde est plat et de réexaminer soigneusement les données réelles. »

Conclusion, méfiez-vous des membres de l’élite qui affirment avec arrogance que vous êtes une espèce nuisible.

Ci-dessous, le texte de Christopher Ryan.

Image d’illustration : une femme handicapée est secourue à Pascagoula dans le Mississippi après le passage de l’ouragan Katrina en 2005 (source : New York Times).


Le bon côté de l’Armageddon (par Christopher Ryan)

« L’être humain est, au fond, un animal sauvage et effroyable. Nous le connaissons seulement dompté et apprivoisé par ce que nous appelons la civilisation ; voilà pourquoi nous nous effrayons des explosions occasionnelles de sa nature. Mais quand le verrou et la chaîne de l’ordre légal sont tombés et que l’anarchie apparaît, alors il montre ce qu’il est. »

– Arthur Schopenhauer, Éthique, droit et politique (1851)

Lors des effondrements de civilisation, nous pouvons observer la nature humaine à l’état brut. Quand les structures autoritaires censées nous protéger de notre sombre nature hobbesienne s’effondrent dans la poussière et le chaos, le plus souvent, le paradis descend sur Terre. Dans son livre A Paradise Built in Hell : The Extraordinary Communities That Arise in Disaster (« Un paradis construit en enfer : les extraordinaires communautés qui fleurissent dans le désastre »), l’autrice états-unienne Rebecca Solnit documente la façon dont les êtres humains de diverses sociétés se comportent dans la catastrophe : ils n’en profitent pas pour tout piller, ils s’entraident. Ayant passé en revue la littérature sociologique ainsi que des centaines de récits personnels de survivants de catastrophes, elle conclut que « l’image de l’être humain égoïste, paniqué ou retournant à la sauvagerie en temps de catastrophe est plutôt fausse ». Les recherches accumulées au cours de décennies d’étude du comportement des populations lors de tremblement de terre, d’inondations et de bombardements montrent que notre comportement est à l’opposé de ce contre quoi le Narratif du progrès perpétuel nous met en garde. « La catastrophe s’avère parfois un moyen de retourner au paradis, explique Solnit, du moins dans le genre de paradis où nous sommes qui nous espérons être, faisons le travail que nous désirons, et sommes chacun le gardien de notre sœur et de notre frère. » Les conclusions de Solnit semblent évoquer des clichés, mais elles s’avèrent dangereusement subversives. Elles contredisent le récit néo-hobbesien dominant concernant la nature humaine, récusent les institutions paternalistes qui nous sont proposées pour nous protéger les uns des autres et nous tous collectivement de nos propres impulsions inciviles. « Souvenez-vous », répète le Narratif du progrès perpétuel depuis des milliers d’années, « Homo homini lupus est – l’homme est un loup pour l’homme ». C’est doublement faux. Les canidés figurent parmi les animaux les plus socialement complexes et coopératifs. Et l’histoire du comportement humain en termes de temps de catastrophe prouve que nous sommes loin d’être des créatures brutalement égoïstes et avides de s’entredévorer dès que l’occasion se présente.

Tout au contraire, Solnit contraste que « le quotidien, dans la plupart des endroits, est un désastre que des bouleversements nous donnent parfois une chance de changer ». Vous comprenez ? Le haut est en bas, le noir est le blanc et les tremblements de terre, les tsunamis et les glissements de terrain ne sont pas des catastrophes ; plutôt des éléments perturbateurs du désastre quotidien, ordinaire, souvent appelé « la vie normale ».

Cette vision radicale s’enracine dans le travail d’un des fondateurs de l’étude des catastrophes, un sociologue états-unien du nom de Charles E. Fritz. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Fritz étudia l’efficacité des bombardements alliés sur le peuple allemand. Il s’inscrivit ensuite à l’université de Chicago et devint directeur du Disaster Research Project (Projet de recherche sur les catastrophes) en 1950. Loin d’être une sorte de penseur marginal, Fritz est une figure centrale de l’étude des catastrophes – ses vues représentent les conceptions habituelles des sociologues des catastrophes.

Fritz constata que les catastrophes naturelles (ainsi que celles provoquées par l’être humain) libèrent leurs survivants d’une normalité oppressante :

« L’opposition traditionnelle entre “normal” et “catastrophe” ignore ou minimise presque toujours [les] stress récurrents de la vie quotidienne et leurs effets personnels et sociaux, note-t-il. Elle ne tient pas non plus compte d’un corpus d’analyses politiques et sociales historiquement cohérent et en constante augmentation qui met en évidence l’incapacité des sociétés modernes à répondre aux besoins humains fondamentaux de l’individu en matière de communauté. »

La description que donne Fritz des interactions humaines spontanées en temps de catastrophe présente des similitudes frappantes avec la vie normale des chasseurs-cueilleurs, dans la mesure où « le partage généralisé du danger, des pertes et des privations produit une solidarité intime, essentiellement de groupe ». Ce sentiment de communauté réunit les besoins individuels et collectifs, procurant « un sentiment d’appartenance et d’unité rarement atteint dans des circonstances normales ». Les catastrophes, conclut Fritz, « peuvent être un enfer physique, mais elles ont pour effet d’engendrer, de manière plus ou moins longue, une sorte d’utopie sociale ».

Après le passage de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005, le bénévole Paul Mire (au centre) pilote un bateau de réfugiés pour les mettre à l’abri du danger.

Notre besoin élémentaire de nous sentir faire partie d’une communauté est entravé et exploité par les institutions de la vie civilisée. De Rat Park à Monkey Hill en passant par l’île de Rikers, les conditions sociales peuvent soit favoriser la nature coopérative d’une créature sociale, soit la contrarier et ainsi générer confusion, colère et violence. Fritz insiste sur les éléments de l’ « utopie sociale » dont font état les survivants de catastrophes : sentiments de solidarité de groupe, de relations et d’échanges intimes, soutien physique et émotionnel. N’est-il pas évident que ces éléments font défaut dans nos vies normales et que nous les recherchons avec tant de désespoir que cela déforme notre pensée et notre comportement ? Nous prêtons une allégeance fanatique à des équipes sportives arbitrairement choisies ou à des gangs de rue qui vivent et meurent pour la couleur sacrée de leurs foulards. Nous nous ruons vers tout ce qui évoque une sorte de tribalisme : tout ce qui promet une identité de groupe, une protection mutuelle et même un faible écho d’appartenance. Nous sommes en manque de ce que nos ancêtres connaissaient chaque jour de leur vie.

Si les scientifiques qui étudient le comportement humain en temps de catastrophe estiment que les gens ne paniquent généralement pas et ne deviennent pas mauvais durant les crises réelles, pourquoi les médias continuent-ils encore et encore d’affirmer le contraire ? La sociologue spécialiste des catastrophes Kathleen Tierney, qui dirige le Natural Hazards Center (« Centre sur les risques naturels ») de l’université du Colorado, incrimine la « panique des élites » en soulignant la fonction politique du Narratif du progrès perpétuel. « Les élites craignent une perturbation de l’ordre social, une remise en cause de leur légitimité », explique-t-elle. Cette panique des élites se caractérise par « la peur du désordre social : la peur des pauvres, des minorités et des immigrants ; une obsession pour le pillage et les atteintes à la propriété ; la volonté de recourir à la force meurtrière ; et les actions entreprises sur la base de rumeurs. »

L’endoctrinement commence tôt. En 2005, le magazine Time classait le livre Sa Majesté des mouches de William Golding, qui constitue une lecture obligatoire dans de nombreuses écoles états-uniennes depuis les années 1960, parmi les cent meilleurs romans en anglais publiés depuis 1923. Même si vous ne l’avez jamais lu, il y a de fortes chances pour que vous connaissiez l’histoire de ce qui arrive au pauvre PIggy aux mains de quelques garçons devenus sauvages sur une île déserte. Sa majesté des mouches est souvent cité comme une preuve anthropologique de l’idée selon laquelle les enfants deviendraient de petits monstres vicieux si des adultes n’étaient pas là pour les surveiller. Hobbes, version pour enfants.

Pourtant, l’histoire fictionnelle de Sa Majesté des mouches est formellement contredite par ce qui est arrivé à un groupe de garçons emporté par une tempête et naufragé sur une île déserte en 1977. Ils ne se sont pas divisés en factions, ne se sont pas peinturlurés le visage avec des peintures de guerre et n’ont pas tué le petit gros, contrairement à ce qu’imagineraient les lecteurs du roman de Golding. Au lieu de cela, ils ont accepté de se serrer les coudes et de ne se déplacer sur l’île que par deux, afin de s’assurer que personne ne se perde ou n’ait un accident seul. Ils ont organisé un système de roulement afin qu’il y ait toujours au moins une personne éveillée, en mesure de surveiller la mer au cas où un bateau passerait. Quinze moins plus tard, durant leur tour de veille, deux garçons ont repéré un bateau qui passait et ils furent tous sauvés.


  1. https://www.partage-le.com/2022/01/09/sommes-nous-plus-libres-que-nos-ancetres-moyenageux-par-romuald-fadeau/

  2. https://greatergood.berkeley.edu/article/item/the_compassionate_species

  3. Donnons quelques exemples de la pensée nihiliste toxique de Vincent Mignerot qui ne connaît de toute évidence rien à la diversité culturelle humaine passée et présente sur Terre pour écrire de telles imbécilités :

    « Condamné à transformer et détériorer le monde malgré tout, l’humain avance vers son autodestruction. »

    « Toute pensée, même une pensée optimiste sur l’avenir, ne peut que participer à la destruction de l’équilibre écologique vital et à la disparition de l’humain à terme. »

    « Un objet “écologique” fabriqué par l’humain ou une action humaine respectueuse de l’équilibre écologique vital, ça n’existe pas et ça n’est pas possible. »

    « La protection de l’environnement étant par définition impossible pour l’humain, sa promotion, loin de ralentir notre développement participe à notre aveuglement. »

    https://www.partage-le.com/2018/09/08/a-propos-du-discours-delirant-de-vincent-mignerot-suite-et-fin-par-nicolas-casaux/

  4. Les absurdités de Jean-Marc Gancille sont à déguster dans son livre Carnage : « L’extermination des animaux n’est pas un phénomène récent qui se serait juste accéléré par l’expansion de la civilisation humaine. C’est une constante intangible qui dure depuis plus de 125 000 ans. »

    Critique à lire ici : https://greenwashingeconomy.com/carnage-repeindre-lantispecisme-en-vert/

  5. Voir le livre de Laurent Testot Cataclysmes : une histoire environnementale de l’humanité où il consacre la (stupide) vision mécaniste de l’évolution infirmée aussi bien par les recherches sur la culture animale (voir le dernier ouvrage de l’écologue Carl Safina) que par les moyens de contraception qui existent dans nombre de sociétés traditionnelles :

    « Avant d’aller plus loin, soulignons une évidence. Comme tout individu du règne animal, un organisme humain a trois obsessions : se nourrir, obsession n°1. Elle conditionne la survie à court terme ; dormir, obsession n°2. Elle conditionne la survie à moyen terme ; se reproduire, obsession n°3. Elle conditionne la survie à long terme.

    Je vais vendre la mèche tout de suite et exposer la thèse qui sous-tend cet ouvrage. Comme pour toute espèce animale, notre évolution vise à nous pousser à avoir le plus de descendants possible. Peu importe le confort dont ils disposeront. Nous ne sommes pas programmés pour faire des choix rationnels en matière de nourriture, ni pour nous obliger à faire de l’exercice physique alors que nous vivons dans une société à l’abondance et au confort inégalés. Si tel était le cas, l’obésité progresserait moins vite. La nature, examinée sous la loupe de l’évolutionnisme, se moque de l’individu. Ce qui lui importe, c’est la perpétuation de l’espèce, son expansion. Les individus ne valent que par leur multiplication, pas par leurs qualités. »

    Il consacre également le mythe de la suprématie humaine et montre qu’il ne comprend pas ce qu’est une civilisation en tant que structure sociale quand il suggère que ce type de culture se base sur l’empathie et la coopération :

    « Nous allons voir que [l’humain] est un hyperprédateur devenu par effraction roi de la Terre. Et, en même temps, qu’il doit son statut si particulier à un sens exacerbé de l’empathie, optimisant la coopération entre humains. Singe est un animal à la vitalité dopée par la culture. C’est en collaborant que l’humanité déplace les montagnes, change le couvert végétal des continents, bondit en un instant de Londres au Japon par voie aérienne.

    En utilisant la métaphore de Singe, nous pouvons garder à l’esprit un postulat fondamental : l’humain est un animal. Un animal qui se voit comme exceptionnel. Pourtant, nous peinons aujourd’hui à dire en quoi il se distingue. Il a une culture. D’autres animaux ont fait preuve de culture. Des outils ? Une cognition ? Il n’est pas le seul. Ce qui caractérise l’homme, c’est la dimension qu’il atteint dans la mise en œuvre de ces traits : aucune autre espèce ne peut altérer à ce point la nature. »

    Signe de la médiocrité de l’époque, rappelons que ce livre a reçu le prix de l’Académie française Léon de Rosen. Quelques autres exemples de la pensée cataclysmique de Laurent Testot dans une interview sur la chaîne Youtube Collapso :

    « Il faut comprendre que Singe – l’humanité – a besoin de se nourrir, comme tout être. Et donc, il mène comme tout animal une guerre à son milieu dans la mesure où il prend à son milieu, et que généralement le milieu trouve moyen de coexister avec le flux que cela génère. »

    On comprend mieux pourquoi Laurent Testot affiche un tel mépris de la vie incivilisée lorsqu’il chante les louanges des Progrès obtenus grâce au capitalisme, cette idéologie « géniale » :

    « Le capitalisme est à la base une idéologie qui est ‘géniale’, la dernière grande partie de la révolution morale, c’est-à-dire que c’est la première religion à accomplir ses promesses d’un meilleur temps. De facto, le capitalisme dit ‘tout le monde peut être riche, tout le monde peut vivre dans l’opulence, avoir un smartphone, une voiture, un appartement’, et ça devient vrai. Il y a quarante ans, il y avait un peu moins d’un demi-milliard de personnes sur Terre qui vivaient dans l’opulence, aujourd’hui nous sommes deux milliards. Nous sommes toujours plus nombreux à sortir de la pauvreté, à devenir riches. »

    Manifestement, Laurent Testot porte un regard qui est tout sauf objectif et scientifique sur l’histoire humaine :

    « Nous sommes dans une partie du monde qui est privilégiée, avouons-le. Dans l’histoire humaine, il n’y a quasiment aucun moment où l’on n’a vécu aussi bien, et en plus nous avons la chance de faire partie des deux milliards d’élus sur sept milliards et demi d’humains qui vivent très bien, dans des appartements chauffés, avec des infrastructures à notre disposition, une espérance de vie pour l’instant longue. Et, quelque part, il faut aussi comprendre les gens qui sont en marge et qui sont sur le point de rentrer dans ce système. »

    https://youtu.be/RfhIw8p11GE

  6. Voir David Peterson et Edward S. Herman, Déni de réalité : Steven Pinker et le mythe du déclin de la violence (2012), livre que j’ai traduit pour les Éditions Libre :

    https://www.editionslibre.org/produit/deni-de-realite-steven-pinker-le-mythe-du-declin-violence-humaine-l-apologie-de-la-violence-imperialiste-occidentale-david-peterson-edward-s-herman/

  7. Dans sa BD Le monde sans fin largement saluée par l’establishement, l’ingénieur polytechnicien Jean-Marc Jancovici prétend que « Sans machine, sans énergie, tu meurs de froid, de faim, tu t’entretues avec tes semblables. »

    https://www.partage-le.com/2022/01/11/jancovici-en-bd-mensonges-pre-historiques-et-negation-de-la-domination-par-nicolas-casaux/

    Dans une interview diffusée en 2020 par Arte, l’ingénieur affirme que « la décroissance subie et rapide, ça se termine en barbarie ».

    https://www.facebook.com/artetv/videos/654513372140653/

  8. Dans une interview parue dans le média Reporterre, Gaël Giraud rapporte que l’effondrement de l’État serait une catastrophe :

    « Or, il faut tout faire pour échapper à l’effondrement. Regardez la situation du Vénézuela. Avez-vous envie de connaître cela ? Ou encore ce qui se passe au Mali, en Libye, ou en Afghanistan : la faillite de l’État, c’est le retour tribal au Moyen-Âge avec des seigneurs de guerre locaux qui terrorisent des populations civiles prises en otage.

    La tentation est de se représenter l’effondrement comme une bonne nouvelle. Certains cèdent à une sorte de romantisme anarchiste, jubilant inconsciemment de l’abolition de l’État à la perspective de l’effondrement. Or, je suis convaincu que nous avons besoin d’un État pour faire respecter le droit et la justice, pour assurer des services publics et sociaux. »

    https://reporterre.net/Gael-Giraud-Si-l-Inde-et-l-Asie-du-Sud-Est-deviennent-invivables-trois-milliards-de

    N’importe qui s’est un peu intéressé au Moyen-Âge sait que Gaël Giraud raconte n’importe quoi sur cette période de l’histoire, voir par exemple ce que dit l’enseignant-chercheur Francis Dupuis-Déri dans Démocratie : histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France (2013) :

    « Au Moyen-Âge et pendant la Renaissance européenne, des milliers de villages disposaient d’une assemblée d’habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les “communautés d’habitants”, qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d’administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées. Les autorités monarchiques ou aristocratiques ne s’intégraient pas dans les affaires de la communauté, qui se réunissait en assemblée pour délibérer au sujet d’enjeux politiques, communaux, financiers, judiciaires ou paroissiaux. On discutait aussi des moissons, du partage de la récolte commune ou de la réfection des ponts, puits et moulins, de l’embauche de l’instituteur, des bergers, de l’horloger, des gardes forestiers, parfois même du curé, des gardiens lorsque sévissaient les brigands, les loups ou les épidémies. On y désignait ceux qui serviraient dans la milice, on débattait de l’obligation d’héberger la troupe royale ou de l’utilité de dépêcher un notable pour aller soumettre à la cour les doléances au nom de la communauté. »

    De plus, l’historien de Stanford Walter Scheidel raconte une autre version au sujet des prétendus bienfaits de la civilisation, de l’État, et de l’horreur que pourrait être leur effondrement :

    « L’inégalité est inscrite dans l’ADN de la civilisation depuis que l’homme s’est installé pour cultiver la terre. Tout au long de l’histoire, seuls les chocs massifs et violents qui ont bouleversé l’ordre établi se sont avérés suffisamment puissants pour aplanir les disparités de revenus et de richesses. Ils sont apparus sous quatre formes différentes : guerre de mobilisation de masse, révolutions violentes et transformatrices, effondrement de l’État et épidémies catastrophiques. »

    « Historiquement, seules les catastrophes ont réduit les inégalités » (par Walter Scheidel)

    Tout comme l’économiste Thomas Piketty :

    « C’est important de comprendre que beaucoup des réductions des inégalités au cours du XXe siècle ont été causées soit par les guerres, soit par des réactions politiques à la suite des guerres qui se sont faites un peu dans l’urgence. La réduction des inégalités n’est pas la conséquence tranquille du processus démocratique parlementaire. »

    https://www.arte.tv/fr/videos/044979-001-A/capitalisme-1-6/

  9. Voir Fernand Braudel, Grammaire des civilisations (1963) :

    « Les civilisations sont des mentalités collectives

    […]

    À chaque époque, une certaine représentation du monde et des choses, une mentalité collective dominante anime, pénètre la masse entière de la société. Cette mentalité qui dicte les attitudes, oriente les choix, enracine les préjugés, incline les mouvements d’une société est éminemment un fait de civilisation. Beaucoup plus encore que des accidents ou des circonstances historiques et sociales d’une époque, elle est le fruit d’héritages lointains, de croyances, de peurs, d’inquiétudes anciennes souvent presque inconscientes, au vrai le fruit d’une immense contamination dont les germes sont perdus dans le passé et transmis à travers des générations et des générations d’hommes. Les réactions d’une société aux événements de l’heure, aux pressions qu’ils exercent sur elle, aux décisions qu’ils exigent d’elle obéissent moins à la logique, ou même à l’intérêt égoïste, qu’à ce commandement informulé, informulable souvent et qui jaillit de l’inconscient collectif.

    Ces valeurs fondamentales, ces structures psychologiques sont assurément ce que les civilisations ont de moins communicable les unes à l’égard des autres, ce qui les isole et les distingue le mieux. Et ces mentalités sont également peu sensibles aux atteintes du temps. Elles varient lentement, ne se transforment qu’après de longues incubations, peu conscientes elles aussi. »

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