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Pour industrialiser, l’État détruit la diversité humaine

« Dans la période d’évolution du tribut à la taxe, du gouvernement indirect au gouvernement direct, de la subordination à l’assimilation, les États travaillèrent généralement à homogénéiser leurs populations et mirent fin à leur fragmentation en imposant la communauté de langue, de religion, de monnaie et de système légal, aussi bien qu’en promouvant des systèmes d’échange, de transports et de communication reliés entre eux. »

– Charles Tilly, Contrainte et capital dans la formation de l’Europe, 1992.

On voit régulièrement des écologistes, et en général la plupart des progressistes, appeler à l’intensification de la coopération internationale pour sortir des multiples crises (climat, social, écologie, conflits, etc.) qui accablent l’humanité. C’est aussi le cas du média Usbek & Rica qui se réclame de l’héritage des Lumières : « […] en tant qu’humanistes, nous pensons que le Progrès n’a pas encore épuisé toutes ses promesses[1]. » Citant à plusieurs reprises l’économiste, écrivain et haut fonctionnaire français Jacques Attali, Usbek & Rica faisait en 2016 l’éloge d’une « identité terrienne », d’un « métissage culturel, identitaire, économique et politique » rendu possible par le progrès technologique, et « qu’il faut accélérer par la mise en place du gouvernement mondial. » Le temps serait venu de « s’attaquer aux esprits pour faire sauter les derniers verrous identitaires[2]. » Partagé par une poignée de dangereux utopistes occidentaux, ce rêve mondialiste ressemble, probablement pour la majorité de l’humanité, à un cauchemar sans fin[3]. Atteindre un tel objectif implique obligatoirement l’ablation de la diversité humaine sur Terre (le métissage culturel n’existe que dans la tête d’un progressiste[4]), ainsi qu’une soumission totale aux directives autoritaires de la « machine à gouverner » de l’État mondial. Un gouvernement mondial est inimaginable sans déployer à grande échelle l’intelligence artificielle permettant l’automatisation de la prise de décisions. Pour reprendre les mots des Grenoblois de Pièces et Main d’Œuvre (PMO), « le 4e Reich sera cybernétique » :

« En effet, une machine capable de collecter et de traiter toutes les données, ou peu s’en faut, réduit toute question politique à une question technique. Or techniquement, et suivant les données disponibles, il n’y a jamais qu’une seule meilleure solution à la fois[5]. »

Fidèles à eux-mêmes dans leur négation de la réalité écologique et biologique, les progressistes balayeront certainement ces critiques d’un revers de la main. L’anthropologue Robin Dunbar estime pourtant que les capacités cognitives du cerveau humain ne sont pas infinies, ce qui restreint le nombre de (vraies) relations qu’un individu peut entretenir[6] ; les recherches du psychologue Paul Slovic montrent que la compassion se heurte elle aussi à de sérieuses limites[7]. Dans son dernier ouvrage, Guillaume Pitron rappelle à juste titre qu’Internet, les smartphones, les ordinateurs et les objets connectés reposent sur une gigantesque infrastructure mondiale (câbles, routeurs, bornes WiFi, datacenters, etc.) qui siphonne une part croissante des ressources terrestres[8]. L’utopie technologique d’une humanité homogène et connectée nous mène droit vers l’apocalypse. Les raisons du désastre en cours ne sont pas à chercher dans la bonne ou la mauvaise gestion des affaires humaines, mais dans la nature même du système techo-industriel, notamment le fonctionnement de l’État. Plus généralement, quand les progressistes cesseront enfin de renier la condition animale du primate humain, ils auront véritablement fait un pas en direction de la Lumière.


Une crapule d’État a un jour prononcé ces mots : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes. » Mais peut-on réellement aimer la France quand on connaît sa véritable histoire ? Et puis, concrètement, qu’est-ce que la France ? Elle se résume à un ensemble d’artifices, fruits de la pensée technocratique ruisselant depuis le sommet de la pyramide, censés incarner l’identité d’un peuple : un drapeau, un hymne, un État, une république, un président, un gouvernement, un parlement, un sénat, sans oublier un principe constitutif mensonger (le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ») et une devise républicaine mensongère (« Liberté, Égalité, Fraternité »). En réalité, les institutions et les parasites surpayés qui y siègent n’ont jamais été voulus par le peuple, quand bien même la propagande du système martèle le contraire. Les pères fondateurs des prétendues « démocraties » modernes méprisaient le peuple ; ils étaient tous, sans exception, ouvertement antidémocrates. Sur ce point, on peut lire Démocratie, histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France (2013) de Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Ce que l’on nomme couramment « France » est une identité artificielle construite de toutes pièces par le pouvoir et imposée d’en haut dans un seul et unique but : optimiser le fonctionnement de l’État. Pour illustrer le propos, j’ai reproduit ci-dessous quelques extraits du très bon ouvrage L’œil de l’État – Moderniser, uniformiser, détruire (1998) de James C. Scott, professeur émérite de science politique et d’anthropologie à l’université Yale aux États-Unis. Il est l’auteur de plusieurs autres livres dont Homo Domesticus (2017) et Zomia ou l’art de ne pas être gouverné (2013). Pour abonder dans le sens de Scott, il est accompagné de quelques écrits de Jacques Ellul tirés de son ouvrage visionnaire La Technique ou l’Enjeu du siècle (1954).

Dans L’œil de l’État, traduction parue l’année dernière aux éditions La Découverte, James C. Scott dissèque soigneusement son cobaye pour réaliser une description scientifique de l’anatomie du Léviathan. Scott lui ouvre les entrailles au scalpel, en extirpe les viscères, puis découpe de fines lamelles à partir de chaque organe. Il les place ensuite sous la lentille de son microscope pour en faire une analyse méticuleuse. Le résultat est une cartographie détaillée, d’une qualité rare, de la machine bureaucratique, de ses rouages internes et des lois guidant son développement. Parmi ces lois, citons la simplification et l’uniformisation des peuples et de la nature pour les rendre « lisibles », donc plus facilement contrôlables. Ce processus étatique de domination-domestication du vivant est fondé sur la création d’abstractions – cartes, statistiques, cadastre, etc. – qui finissent par se substituer à l’expérience réelle, c’est-à-dire ce que l’animal humain perçoit du monde qui l’entoure à l’aide de ses cinq sens – la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. L’État appréhende son environnement différemment d’un individu humain, ce qui en fait une entité intrinsèquement nuisible.

« Les agents de l’État moderne sont nécessairement en retrait d’un pas – et souvent de plusieurs – vis-à-vis de la société qu’ils ont la charge de gouverner. Ils jaugent la vie sociale grâce à une série de typologies toujours plus ou moins éloignées de la pleine réalité que les abstractions sont censées capturer. Ainsi, les tableaux et les tables des forestiers, en dépit de leur pouvoir synoptique de distiller un grand nombre de faits individuels en un modèle plus vaste, sont loin de reproduire la véritable forêt dans toute sa diversité (et ils ne sont pas faits pour cela). De même, le recensement cadastral et le titre de propriété sont des représentations approximatives, souvent trompeuses, des droits véritables et effectifs à utiliser la terre et à s’en servir. Le bureaucrate de toute grande organisation “voit” l’activité humaine qui l’intéresse à travers les approximations simplifiées de documents et de statistiques : recettes fiscales, listes de contribuables, registres fonciers, revenus moyens, taux de chômage et de mortalité, chiffres du commerce et de la productivité ou nombre total de cas de choléra dans une région donnée. 

Ces typologies sont indispensables à la gestion des affaires publiques. Les simplifications étatiques telles que les cartes, les recensements, les cadastres et les unités de mesure standards sont autant de techniques permettant de saisir une réalité à la fois large et complexe. Afin que les agents de l’État puissent comprendre les différents aspects de l’ensemble, il faut que cette réalité complexe soit réduite à des catégories schématiques. La seule manière d’accomplir cela est de ramener un ensemble infini de détails à un ensemble de catégories qui faciliteront les descriptions, les comparaisons et les agrégations sommaires. »

La naissance de l’État moderne résulte du perfectionnement de techniques employées par d’anciens Empires et cités-États depuis l’avènement de la civilisation il y a de cela plusieurs millénaires. La mécanique sous-jacente n’a pas changé d’un iota : il s’agit d’accroître, par tous les moyens possibles et imaginables, l’emprise de la civilisation sur la nature, populations humaines incluses.

« Les techniques imaginées en vue d’augmenter la lisibilité d’une société au profit de ses dirigeants sont devenues bien plus sophistiquées, mais les motivations politiques qui les sous-tendent n’ont guère changé. Appropriation, contrôle et manipulation – dans un sens non péjoratif – en demeurent les principales. Imaginons un État qui ne disposerait d’aucun moyen fiable de compter ni de localiser sa population, d’évaluer ses richesses ni de représenter son territoire, ses ressources et l’implantation de ses habitants ; il s’agirait d’un État dont les interventions sur cette société seraient nécessairement approximatives. Une société relativement opaque au regard de l’État est de ce fait protégée de certaines formes d’interventions ciblées, qu’elles soient favorablement accueillies (campagnes de vaccination universelle) ou douloureusement vécues (impôt sur le revenu). Les interventions qu’elle subit passent traditionnellement par des relais locaux qui connaissent la société de l’intérieur et se montrent souvent prompts à servir également leurs propres intérêts au passage. Sans cette médiation – et souvent même avec elle –, l’action de l’État a de grandes chances de se révéler inepte et de passer largement au-dessus ou en dessous de ses objectifs.

Dès lors, une société illisible constitue un frein à l’intervention efficace de l’État, que le but de cette intervention consiste à piller ou à assurer le bien-être public. »

L’État intervient parfois pour « assurer le bien-être public », mais il le fait avant tout pour assurer sa survie. Donnons un rapide exemple pour illustrer. La réduction du temps de travail est le produit d’une convergence fortuite entre les intérêts de la machine étatique et ceux de l’animal humain. En 2019, un article du Wall Street Journal louait les bienfaits de la journée de cinq heures : « la recherche scientifique a montré que les gens sont productifs seulement quatre à cinq heures par jour, donc réduire le temps de travail n’handicape pas forcément la productivité[9]. » Dans l’article « Travailler moins pour travailler mieux » paru dans le journal Les Échos, propriété du milliardaire Bernard Arnault, un consultant en neurosciences révèle que Microsoft a augmenté la productivité d’un de ses sites japonais de 40 % en réduisant de cinq à quatre jours la semaine de travail. Ce n’est pas une découverte récente. L’ingénieur Frederick Taylor (1856-1915), « inventeur de l’organisation scientifique du travail », avait déjà compris que les temps de repos dopaient la productivité[10]. Selon le journal progressiste britannique The Guardian, le surmenage et l’épuisement professionnels coûteraient 300 milliards de dollars par an à l’économie mondiale. Avec la technologie permettant d’automatiser certaines tâches, « plusieurs centaines d’entreprises de secteurs d’activités variés […] ont ces dernières années pu raccourcir leurs semaines de travail sans réduire les salaires, sans réduire la productivité, sans sacrifier la qualité et faire fuir les clients[11]. » La Banque centrale européenne affirme sur son site que « l’un des principaux bienfaits de l’innovation est sa contribution à la croissance économique[12]. » L’augmentation des salaires qui s’ensuit (en théorie) stimule l’achat de biens et services ; les entreprises accroissent leurs bénéfices et peuvent investir et embaucher. La croissance économique fournit ainsi des rentrées fiscales supplémentaires à l’État, par exemple via la TVA. L’État a donc tout intérêt à encourager la réduction du temps de travail quand le progrès technique permet d’accroître la productivité de ce travail ; plus de temps libre pour les salariés, c’est davantage de temps passé à consommer. On voit grâce à ce simple exemple à quel point la binarité politique (gauche/droite) empêche de comprendre les lois fondamentales du système technologique au sein duquel l’État, en tant que machine bureaucratique composée de rouages humains, joue un rôle prépondérant.

Selon James C. Scott, l’État doit refaçonner entièrement la société pour l’adapter à ses propres besoins :

« […] l’État moderne, à travers ses agents, tente avec plus ou moins de succès de façonner un terrain et une population qui présenteront précisément les caractères standardisés qui seront les plus faciles à surveiller, à compter, à évaluer et à gérer. 

[…]

L’aspiration à une telle uniformité et à un tel ordre nous alerte en tout cas sur le fait que la gouvernance moderne est largement assimilable à un projet de colonisation interne, souvent présenté, comme il l’est dans la rhétorique impérialiste, comme une “mission civilisatrice”. Les bâtisseurs de l’État-nation moderne ne se contentent pas d’observer, de décrire et de cartographier, ils veulent donner une forme à un peuple et à un paysage correspondant à leurs techniques d’observation. »

Basques, Bretons, Alsaciens, Corses et de nombreux autres groupes de « sauvages » ont vu leurs terres ancestrales accaparées, standardisées et rebaptisées « France » par le pouvoir central ; la diversité des cultures et des paysages, cette beauté d’une valeur inestimable fut anéantie par le « processus de civilisation ». Indispensable à l’expansion du pouvoir de l’État et au maintien de sa stabilité dans le temps, cette dynamique n’a rien à voir avec l’obédience politique d’un gouvernement. À gauche comme à droite, les diagnostics avancés des problèmes actuels montrent une constance remarquable à la fois dans leur médiocrité et leur superficialité. La binarité politique crée en plus l’illusion de la diversité, du pluralisme, d’un ersatz de démocratie ; quant à l’identité nationale, elle est venue se superposer à la multitude des identités traditionnelles locales, pour finir par l’éradiquer purement et simplement. C’est un génocide culturel qui a permis la construction de l’identité nationale française. Loin d’être une particularité de l’hexagone, ce fait s’observe partout où se développent des États-nations (Afrique, Asie, Amériques). L’Encyclopédie canadienne définit le génocide culturel ainsi :

« Un génocide culturel est la destruction intentionnelle d’une culture. Toutefois, cela n’implique pas nécessairement des tueries ou des violences à l’égard du groupe en question. Par exemple, un génocide culturel peut inclure l’éradication des pratiques culturelles, des artéfacts, de la langue et des traditions[13]. »

Synonyme de génocide culturel, le terme ethnocide est une combinaison du mot grec ethnos qui signifie « nation » et du mot latin cide qui signifie « tuer ». On doit ce concept au juriste polonais Raphaël Lemkin, conseiller du procureur américain au procès des grands criminels de guerre de Nuremberg[14]. Mais à l’époque, les États-Unis craignaient une avalanche de revendications de la part des peuples indigènes qui font face depuis plusieurs siècles aux persécutions des colons européens et de leurs descendants. C’est pourquoi le pays fit pression pour que le terme « génocide culturel » ne soit pas inclus dans la Convention sur le Génocide des Nations unies[15]. On imagine mal aujourd’hui un État fonctionnel sans un peuple homogène aux aspérités culturelles lissées. Dans ce domaine, l’optimum sera atteint pour l’État lorsqu’il pourra produire des clones humains à la pensée unique, ou mieux, une armée de machines. Heureux hasard, le progrès technique devrait bientôt permettre d’atteindre cet objectif[16].

Dans la première partie de son livre nommée « Les projets étatiques de lisibilité et de simplification », James C. Scott décrit le développement de la sylviculture scientifique instaurée par l’État, une « grande simplification de la forêt en une machine à marchandise unique ». Il détaille ensuite longuement l’imposition par l’État d’un système universel de mesures où les « mesures étatiques » remplacent les « mesures populaires ». Même chose pour les régimes fonciers communautaires locaux peu à peu démantelés par des bataillons d’administrateurs pour imposer cadastre et propriété privée, un « régime foncier largement simplifié et uniformisé qui soit lisible et dès lors manipulable par et depuis le centre. » Sur la modernisation de Paris au XIXe siècle, Scott expose la motivation première du pouvoir : 

« Au cœur des projets parisiens de Napoléon III et [du baron] Haussmann se trouvait la sécurité militaire de l’État. »

Il s’agissait en premier lieu de mettre fin aux insurrections populaires récurrentes à l’époque :

« Si, comme beaucoup l’ont écrit, la Commune de Paris de 1871 fut en partie une tentative de “reconquête de la Ville par la Ville”, par ceux qu’Haussmann avait repoussés vers les quartiers extérieurs, Belleville abritait alors le centre de gravité de cette entreprise. Les Communards, défaits militairement à la fin du mois de mai 1871, battirent en retraite vers le nord-est de Paris et vers Belleville, où tombèrent les dernières barricades. Décrite comme un foyer révolutionnaire, Belleville fut soumise à une occupation militaire particulièrement brutale.

La répression de la Commune entraîna aussi deux conséquences notables. En premier lieu, le projet stratégique d’Haussmann connut un véritable triomphe. Les boulevards et les voies ferrées construits par le Second Empire afin de contenir de possibles insurrections populaires prouvèrent leur valeur. Grâce à Haussmann, l’armée versaillaise put fondre d’un seul mouvement de la place du Château-d’eau à Belleville. Deuxièmement, tout comme le faubourg Saint-Antoine avait été effacé par les démolitions haussmanniennes, une grande partie d’un autre quartier contestataire aux côtés de Belleville, Montmartre, fut effacée par la construction de l’église du Sacré-Cœur, construite “dans la ville coupable […] comme une amende honorable faite sur le lieu du crime”. »

Parmi les autres projets étatiques de lisibilité, on trouve la création des patronymes :

« L’invention de patronymes permanents et transmis des parents aux enfants a constitué le dernier épisode, après la simplification administrative de la nature (avec, par exemple, la forêt) et de l’espace (avec, par exemple, la propriété foncière), de la mise en place des conditions nécessaires au gouvernement moderne. »

Ou encore, la modernisation et la centralisation des transports :

« La centralisation linguistique provoquée par l’imposition du français parisien comme standard officiel fut répliquée dans la centralisation des transports. Comme les nouvelles règles en matière linguistique firent de Paris le centre des communications, les nouveaux réseaux routiers et ferroviaires favorisèrent de plus en plus les mouvements de et vers Paris au détriment du trafic local ou interrégional. Cette politique s’apparentait, pour employer le langage informatique, à une forme de “connectique” qui rendit les provinces bien plus accessibles et bien plus lisibles aux autorités centrales que tout ce que les rois absolutistes avaient pu imaginer. »

La lecture de La Technique ou l’Enjeu du siècle de Jacques Ellul, et plus particulièrement la section intitulée « La révolution industrielle », permet d’établir un lien entre progrès technique et projets de simplification lancés par l’État. Pour Jacques Ellul, la conjonction de cinq phénomènes forme le moteur de la transformation industrielle des XVIIIe et XIXe siècles : 

« [L]’aboutissement d’une longue expérience technique, l’accroissement démographique, l’aptitude du milieu économique, la plasticité du milieu social intérieur, l’apparition d’une intention technique claire. »

La « plus décisive » des conditions nécessaires à l’essor industriel était peut-être la « plasticité du milieu social ». Il a fallu que l’État détruise les « tabous sociaux » et les « groupes sociaux naturels » pour obtenir une « société atomisée », de la matière brute humaine en somme. Le réassemblage de la ressource humaine fut entrepris par l’État, avec l’aide de l’école publique[17], et guidé par les besoins du système technologique. Jacques Ellul cite deux types de limites qui empêchaient l’essor des machines : « les tabous issus du Christianisme et les tabous sociologiques. » Les premiers se rattachaient à « toutes les idées religieuses et morales, les jugements sur l’activité, la conception de l’homme, les buts proposés à la vie humaine. » Les seconds concernaient « la conviction qu’il existe une hiérarchie naturelle [Noblesse, Clergé], que rien ne peut modifier. »

« L’important ici n’est pas la réalité des faits : ce n’est pas l’existence de cette hiérarchie, mais la croyance à son caractère naturel et sacré, croyance qui est obstacle à la technique. »

Plus loin dans le livre, Ellul remarque que l’humain de l’ère industrielle n’a jamais cessé de croire en Dieu, il s’est juste converti à une autre divinité : il vénère désormais la technique.

« Plus rien n’est le domaine des dieux, des puissances non naturelles. L’homme qui vit dans le milieu technique sait bien qu’il n’y a plus de spirituel nulle part. Et cependant nous assistons à un étrange renversement ; l’homme ne peut vivre sans sacré ; il reporte son sens du sacré sur cela même qui a détruit tout ce qui en était l’objet : sur la technique. – Dans le monde où nous sommes c’est la technique qui est devenue le mystère essentiel. »

Concernant la disparition des groupes sociaux naturels et le sacre de l’individu sous couvert de liberté, Jacques Ellul écrit que « cela provoque le pire des esclavages » :

« La structure même de la société par groupes naturels est aussi un obstacle : les familles sont fortement organisées, les corporations et les groupes d’intérêt collectif, comme Université, Parlement, Confréries et Hôpitaux, sont très individualisés et autonomes. Cela veut dire que l’individu trouve son moyen de vivre, sa protection, sa sécurité, et ses satisfactions intellectuelles ou morales dans des collectivités suffisamment fortes pour répondre à tous ses besoins et suffisamment étroites pour qu’il ne s’y sente pas noyé et perdu. Or ceci suffit à satisfaire l’homme moyen qui n’ira pas chercher la satisfaction de besoins imaginaires alors qu’il a une situation assez stable. Il est réfractaire aux innovations dans la mesure où il vit dans un milieu équilibré, même s’il est matériellement pauvre. Ce fait, qui éclate dans les trente siècles d’histoire que nous connaissons, est méconnu de l’homme moderne qui ignore ce qu’est un milieu social équilibré et le bien que l’on peut en recevoir.

L’homme ressent moins la nécessité de changer sa condition, mais, en outre, l’existence de ces groupes naturels est aussi un obstacle à la propagation de l’invention technique. Il est bien connu, pour les peuples primitifs, que l’invention technique se répand dans certaines aires géographiques selon les liens sociaux à l’intérieur des groupes, mais la diffusion extérieure, le passage d’une frontière sociologique est extrêmement difficile. Ce phénomène subsiste dans toute la société : le fractionnement en groupes fortement constitués est un obstacle à la propagation des inventions. Il en est ainsi dans les corporations. D’ailleurs celles-ci agissaient non seulement spontanément et comme groupe sociologique, mais encore de façon tout à fait volontaire et par leur réglementation. Mais c’est aussi vrai des groupes religieux : par exemple les secrets de fabrication jalousement gardés par les protestants en France au XVIIe siècle. Toute la technique est freinée par ces fractionnements sociaux. Or, on constate la disparition de tous ces obstacles de façon très brutale et simultanée au moment de la Révolution de 1789.

La disparition des tabous religieux et sociologiques correspond à des faits : création de nouvelles religions, affirmation du matérialisme philosophique, suppression des hiérarchies, régicides, lutte contre le clergé. Ces faits agissent puissamment sur la conscience populaire et contribuent à faire effondrer en elle la croyance en ces tabous. Or, au même moment, – c’est le second événement indiqué plus haut, – nous assistons à la lutte systématique contre tous les groupes naturels sous le couvert de la défense de l’individu ; lutte contre les corporations, contre les communes et le fédéralisme (les Girondins), lutte contre les ordres religieux, lutte contre les libertés parlementaires, universitaires, hospitalières : il n’y a pas de liberté des groupes, mais seulement de l’individu isolé. Mais lutte aussi contre la famille : il est certain que la législation révolutionnaire a provoqué la destruction de la famille, déjà fortement ébranlée par la philosophie et les ardeurs du XVIIIe siècle. Les lois sur le divorce, sur les successions, sur l’autorité paternelle sont ruineuses pour le groupe au profit de l’individu. Malgré tous les retours en arrière, le travail fait ne pourra être réparé. En réalité, nous avons une société atomisée et qui s’atomisera de plus en plus : l’individu reste la seule grandeur sociologique, mais on s’aperçoit que bien loin de lui assurer sa liberté, cela provoque le pire des esclavages.

Cette atomisation confère à la société la plus grande plasticité possible. Et ceci est aussi, du point de vue positif, une condition décisive de la technique : c’est en effet la rupture des groupes sociaux qui permettra les énormes déplacements d’hommes au début du XIXe siècle qui assurent la concentration humaine qu’exige la technique moderne. Arracher l’homme à son milieu, à la campagne, à ses relations, à sa famille, pour l’entasser dans les cités qui n’ont pas encore grandi à la mesure nécessaire, accumuler des milliers d’hommes dans des logements impossibles, dans des lieux de travail insalubres, créer de toutes pièces dans une condition humaine nouvelle un milieu nouveau (on oublie trop souvent que la condition prolétarienne est une création du machinisme industriel), tout cela n’est possible que lorsque l’homme n’est plus qu’un élément rigoureusement isolé ; lorsqu’il n’y a littéralement plus de milieu, de famille ni de groupe qui puisse résister à la pression du pouvoir économique, avec sa séduction et sa contrainte ; lorsqu’il n’y a déjà presque plus de style de vie propre : le paysan est contraint de quitter sa campagne parce que sa vie y a été détruite. 

Voilà l’influence de la plasticité sociale. Sans elle, pas d’évolution technique possible. Dans cette société atomisée, en face de l’individu, il n y a plus que l’État, qui est fatalement l’autorité suprême, et qui se change aussi bien en autorité toute puissante. Ceci nous donne une société parfaitement malléable et d’une ductilité remarquable au point de vue intellectuel comme au point de vue matériel. Le phénomène technique y a son milieu le plus favorable depuis le début de l’histoire humaine. »

L’objet ici n’est pas tant de juger si oui ou non « c’était mieux avant », dans le cas des femmes par exemple. Il s’agit plutôt de mettre en évidence le mécanisme par lequel l’État écrase de façon systématique les communautés traditionnelles entravant son développement. Cet automatisme étatique est aveugle, il se moque de la nature plus ou moins égalitaire des communautés préexistantes. En Afrique précoloniale, dans de nombreuses sociétés traditionnelles, et contrairement aux clichés suprémacistes/racistes européo-centrés qui perdurent chez les progressistes (féministes incluses), les femmes avaient probablement bien plus de pouvoir et d’autorité que dans une grande partie de l’Europe préindustrielle[18]. Pour nombre d’entre elles, ces sociétés ont d’abord été balayées par les administrateurs coloniaux, puis achevées par les États après les indépendances. Dans un récent reportage, le journal Le Monde décrivait la rapide agonie d’une des dernières sociétés traditionnelles d’Afrique où les femmes occupaient encore une place centrale, les Bijagos de Guinée-Bissau[19].

Cette atomisation de la société réalisée à marche forcée et accélérée n’ayant évidemment rien de naturel, les résistances populaires au divin Progrès sont la norme en Europe depuis la première révolution industrielle. Jacques Ellul dénonce l’importance démesurée accordée à la philosophie des Lumières qui aurait, selon certains commentateurs, imprégné par ruissellement toute la société et joué un rôle déterminant dans le développement industriel.

« Pour ces admirables philosophes, la technique a l’énorme supériorité de se manifester matériellement et de laisser des traces. Voltaire et Diderot en seront les principaux auteurs. J’avoue ne pas pouvoir accorder une place royale à cette philosophie dans l’histoire du développement des techniques. Qu’elle ait eu son rôle, il ne saurait être question de le nier, mais que ce soit elle l’initiatrice du mouvement technique, évidemment pas.

Tout d’abord, ce serait exagérer la force des idées philosophiques et des systèmes que de leur attribuer une telle influence. Ils n’ont atteint qu’une petite minorité de Français et une infime “élite” étrangère ; or le mouvement technique est un mouvement européen. Leurs idées n’ont pas véritablement pénétré de façon à rendre évidente pour tous l’excellence de ce progrès. Il suffit de se rappeler que les réactions populaires sont contre la machine : aussi bien contre le métier à tisser de Vaucanson que contre le premier bateau à vapeur et les premiers hauts fourneaux. Ce ne sont pas les idées qui suffisent à expliquer l’extraordinaire mobilisation de toutes les forces humaines au XIXe siècle. Elles ont eu leur rôle, mais pas le premier. »

De la même manière, on a souvent tendance à oublier que « la population ne s’est pas ruée spontanément sur les techniques électriques[20] », rappelle Yves-Marie Abraham, professeur de sociologie de l’économie à HEC Montréal, dans un article appelant à « la désélectrification de nos sociétés. » On ne change pas radicalement une société avec une poignée d’idées nouvelles, et même la plus sophistiquée des propagandes se heurterait à la résistance du peuple sans le concours d’autres forces sous-jacentes (interventionnisme croissant de l’État dans la vie quotidienne, progrès technique, développement de l’entreprise privée, du salariat, du marché, des échanges à longue distance, etc.). Ces forces sont d’une puissance irrésistible dans le cadre de règles et de normes fixées par la civilisation industrielle, qui selon Jacques Ellul, est un « phénomène aveugle vers l’avenir, dans un domaine de la causalité intégrale. » Il ajoute :

« Il est vain de déblatérer contre le capitalisme : ce n’est pas lui qui crée ce monde, c’est la machine. »

L’Europe a enfanté un monstre aux mâchoires d’acier qui broient la nature, humanité incluse. Comble de l’irrationalité, nous le servons docilement en croyant en cet idéal absurde d’un progrès mécanique et infini, constituant idéologique primordial de la croissance matérielle infinie, ou encore en glissant un bulletin dans l’urne à chaque fois que la racaille politicienne nous somme de le faire. En définitive, l’enseignement principal qu’on peut retirer des travaux de Jacques Ellul et James C. Scott, respectivement sur le progrès technique et sur l’État, c’est l’obsolescence du politique. Nous sommes prisonniers d’une « mégamachine » (Lewis Mumford) qui suit sa propre trajectoire évolutive indépendamment des volontés humaines. Dans ce milieu technique, l’humain est élevé à la manière du bétail. Il fait office d’engrenage là où les machines ne peuvent encore l’égaler. C’est aussi l’humain qui se charge docilement de la reproduction des machines incapables de se reproduire par elles-mêmes (pour combien de temps encore ?). Seul le démantèlement de cette mégamachine est à même d’empêcher l’inéluctable extinction de l’espèce humaine et l’anéantissement de la biosphère.

Pour terminer, un dernier extrait de L’œil de l’État où James C. Scott aborde la simplification étatique « la plus puissante ». Les notes de Scott ont été reproduites.

« Le décret instituant une langue officielle standardisée

La grande barrière culturelle imposée par une langue distincte constitue peut-être la meilleure garantie pour un monde social aisément accessible à ses membres de demeurer opaque aux non-membres[21]. Tout comme un étranger ou un agent de l’État pouvait avoir besoin d’un guide afin de trouver son chemin dans la Bruges du XVIe siècle, il pouvait aussi avoir besoin d’un interprète s’il voulait comprendre et être compris dans un environnement dont il n’était pas linguistiquement familier. Une langue distincte constitue d’ailleurs une base bien plus forte sur laquelle asseoir l’indépendance qu’un schéma complexe d’occupation résidentielle. Une langue est aussi porteuse d’une histoire, d’une sensibilité culturelle, d’une littérature, d’une mythologie, d’un passé musical qui lui sont propres[22]. En ce sens, une langue distincte représente un redoutable obstacle au regard de l’État, sans parler de colonisation, de contrôle, de manipulation, d’instruction ou de propagande.

Dès lors, de toutes les simplifications étatiques, l’imposition d’une langue officielle et unique fut peut-être la plus puissante, et elle constitua une condition préalable à de nombreuses autres simplifications. Comme le suggère Eugen Weber dans le cas de la France, ce processus devrait probablement être perçu comme un phénomène de colonisation intérieure, par lequel différentes provinces extérieures (comme la Bretagne ou l’Occitanie) furent soumises linguistiquement et culturellement incorporées[23]. Lors des premières campagnes de promotion de l’usage du français, l’objectif de l’État était très manifestement de rendre lisibles les pratiques locales. Les agents de l’État insistaient pour que tout document légal – que ce soit un testament, un titre de vente, un instrument de prêt, un contrat, un titre de rente ou un titre de propriété – soit rédigé en français. Tant que ces documents étaient écrits en langue vernaculaire, ils restaient particulièrement difficiles d’accès pour les agents envoyés de Paris et quasiment impossibles à harmoniser avec les projets centralisateurs de standardisation administrative et juridique. La campagne d’unification linguistique était promise à un certain succès car elle accompagnait l’expansion du pouvoir de l’État. À la fin du XIXe siècle, il était devenu impossible d’éviter l’État pour l’écrasante majorité de la population. Les requêtes, les procès, les documents scolaires, les candidatures et toute la correspondance avec l’administration devaient nécessairement être rédigés en français. Il est difficile d’imaginer formule plus efficace afin de dévaluer instantanément les savoirs locaux et de privilégier dans le même temps tous ceux qui maîtrisent le code linguistique officiel. C’est un immense transfert de pouvoir qui fut ainsi rendu possible. Ceux qui à la périphérie ne connaissaient pas le français furent réduits au silence et marginalisés. Ils avaient désormais besoin de guides s’ils voulaient saisir la nouvelle culture étatique, guides qui prirent la forme d’avocats, de notaires, d’instituteurs, de greffiers et de soldats[24].

On s’en doute, c’est tout un projet culturel qui était tapi derrière cette centralisation linguistique. Le français était perçu comme porteur d’une civilisation nationale : l’imposer n’avait pas simplement comme but de faire digérer le code Napoléon aux provinciaux ; il s’agissait aussi de leur apporter Voltaire, Racine, les journaux parisiens et l’éducation nationale. Comme l’a écrit Weber de manière volontairement provocatrice : “On ne saurait exprimer plus clairement ce sentiment impérialiste : la francophonie fit ses premières conquêtes sur le sol national[25].” Là où la connaissance du latin avait précédemment défini la participation d’une petite élite à une culture plus vaste, la connaissance du français définissait désormais la pleine participation à la culture française. La logique implicite de la transformation consistait à imposer une hiérarchie entre les cultures, reléguant les langues régionales et leurs cultures afférentes à, tout au mieux, une forme de provincialisme suranné. Au sommet de cette pyramide se trouvaient Paris et ses institutions : ministères, écoles, académies (y compris la gardienne de la langue, l’Académie française). Le succès relatif de ce projet culturel reposait sur un mélange de coercition et de récompenses. “C’est la centralisation”, a déclaré un jour Alexandre Sanguinetti, “qui a permis la construction de la France malgré les Français, ou au milieu de leur indifférence. […] La France est une construction politique délibérée pour la création de laquelle le pouvoir central n’a jamais cessé de lutter[26].” Le français standard (parisien) et Paris n’étaient pas seulement des points focaux du pouvoir, ils fonctionnaient aussi comme des aimants. La croissance des marchés, la mobilité physique, les nouvelles carrières, le patronage politique, le service public et l’éducation nationale aboutissaient à ce que l’aisance en français et l’étroitesse des liens avec Paris constituaient les chemins nécessaires de la promotion sociale et du succès matériel. Il s’agissait d’une simplification étatique qui promettait de récompenser ceux qui se conformaient à sa logique et de pénaliser ceux qui choisissaient de l’ignorer. »

Philippe Oberlé


  1. https://usbeketrica.com/fr/pages/manifeste

  2. https://usbeketrica.com/fr/article/et-si-un-gouvernement-mondial-etait-la-solution

  3. https://www.partage-le.com/2020/05/14/les-progressistes-et-le-maillage-total-de-la-planete-par-nicolas-casaux/

  4. Le progrès technologique est ethnocidaire, comme le montre le sociologue gabonais Joseph Tonda dans cet entretien donné en 2018 au journal Le Monde : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/06/29/nicki-minaj-est-la-transfiguration-du-mythe-vaudou-de-mami-wata_5323238_3212.html

  5. https://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=439

  6. https://www.bbc.com/future/article/20191001-dunbars-number-why-we-can-only-maintain-150-relationships

  7. https://www.vox.com/explainers/2017/7/19/15925506/psychic-numbing-paul-slovic-apathy

  8. https://www.partage-le.com/2021/09/24/le-desastre-numerique-et-la-betise-renouvelable-de-guillaume-pitron-par-nicolas-casaux/

  9. https://www.wsj.com/articles/the-5-hour-workday-gets-put-to-the-test-11571876563

  10. https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-travailler-moins-pour-travailler-mieux-1148737

  11. https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/10/five-hour-workday-shorter-book

  12. https://www.ecb.europa.eu/ecb/educational/explainers/tell-me-more/html/growth.fr.html

  13. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/genocide-and-indigenous-peoples-in-canada

  14. https://www.lemonde.fr/archives/article/1948/10/02/les-notions-unies-doivent-voter-le-projet-sur-le-genocide_1900319_1819218.html

  15. https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/ethnocide.html

  16. https://www.ft.com/content/4e1bf926-0e5b-4550-93e3-63d12b6fa6e0

  17. https://greenwashingeconomy.com/ecole-usine-a-produire-des-individus-adaptes/

  18. https://greenwashingeconomy.com/a-quoi-ressemble-le-feminisme-en-afrique/

  19. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/12/30/guinee-bissau-aux-iles-bijagos-des-traditions-matriarcales-menacees_6107726_3212.html

  20. https://polemos-decroissance.org/le-prix-de-lelectricite-essai-de-contribution-a-lencyclopedie-des-nuisances/

  21. Les préceptes alimentaires interdisant de partager sa table sont aussi des vecteurs puissants d’exclusion sociale. Si l’on devait imaginer un ensemble de règles culturelles afin d’isoler un groupe donné des groupes environnants, s’assurer que ses membres ne puissent aisément converser ni manger avec des membres des autres groupes serait un splendide point de départ.

  22. Cela est vrai malgré le fait que, comme l’a bien montré Benedict Anderson, le « passé national » est souvent affublé d’une ascendance fausse.

  23. Eugen Weber, La Fin des terroirs, op. cit., ch. 6. Weber souligne que lors des vingt-cinq dernières années du XIXe siècle, une bonne moitié des hommes français au seuil de l’âge adulte parlait une langue maternelle autre que le français. Voir le livre remarquable de Peter Sahlins (Frontières et identités nationales. La France et l’Espagne dans les Pyrénées depuis le XVIIe siècle, Paris, Belin, 2000 [1989]) pour une discussion sur la politique linguistique de la France à sa périphérie. Si les langues administratives officielles ont des origines remontant au moins au XVIe siècle, l’imposition d’une langue nationale dans les autres sphères arrive au plus tôt au milieu du XIXe siècle.

  24. Abram de Swaan offre une version analytique lumineuse de ce processus dans Sous l’aile protectrice de l’État, Paris, PUF, 1995 (1988), en particulier le chap. 3, p. 73-158.

  25. Eugen Weber, La Fin des terroirs, op. cit., p. 115-116.

  26. Le Figaro, 12 novembre 1968, cité in ibid., p. 170.

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