Ma sélection de médias garantis (presque) sans greenwashing
Il est de plus en plus difficile de repérer le greenwashing de nos jours. La raison est simple : tout un écosystème de parasites – médias de masse, grandes ONG et fondations d’ultrariches, influenceurs pétés de thunes et industriels – tente de se réapproprier le terme. En effet, quand le journal du milliardaire Bernard Arnault, PDG et propriétaire du groupe de luxe LVMH, fait la promotion d’un influenceur du Mouvement Climat supposé être le « cauchemar des entreprises qui greenwashent[1] », il y a de quoi exploser de rire. Comme d’habitude, le système reprend la critique et en extrait le contenu subversif pour la neutraliser. Afin d’aider le lecteur à se repérer dans le bordel ambiant, j’ai sélectionné quelques médias permettant de s’informer sur l’écologie sans (trop) se faire berner. La meilleure des armes reste cependant l’autodéfense intellectuelle. Sur ce point, je recommande la lecture de Greenwashing : manuel pour dépolluer le débat public (2022), ouvrage collectif supervisé par Aurélien Berlan, Guillaume Carbou et Laure Teulières.
Avant de poursuivre, il convient de rappeler notre définition du greenwashing. Celle-ci part du postulat que le système techno-industriel, né il y a deux siècles de la diffusion massive des machines motorisées carburant aux énergies fossiles, est croissanciste par essence. Ce système parviendra à se maintenir seulement en poursuivant l’anéantissement de la vie sur Terre. Peu importe les énergies qui alimentent – ou alimenteront dans un futur proche – ce système, sa conservation exige la poursuite en continu de l’extractivisme, de l’artificialisation des terres et des pollutions à l’origine du carnage social et écologique planétaire.
Rappel de notre définition du greenwashing :
Lorsque l’État, une entreprise, une association ou un individu présente un projet ou un usage comme « durable », « décarboné », « bas carbone », « soutenable », « écologique », « vert » ou « propre », alors qu’il dépend des infrastructures et des machines du système technologique qui dévaste la planète. Seuls les projets qui visent à s’émanciper politiquement et matériellement du système techno-industriel sont des projets réellement écologiques. Cela revient à se fixer comme objectif l’autonomie politique, énergétique, matérielle et alimentaire à l’échelon local, au niveau biorégional[2].
En résumé, traquer le greenwashing, c’est simple. Si le problème de la technologie n’est pas évoqué, si l’on vous fait croire que l’industrie et l’État travaillent à l’amélioration de la condition humaine, et si l’on vous annonce l’avènement d’une industrie et d’un État écologiques, on se moque de vous.
Je tiens à préciser que les médias ci-dessous ont été sélectionnés sur la base de leur travail d’information et d’analyse critique de la science, de l’industrie et de l’État. Je ne suis pas nécessairement en accord avec toutes les idées qui y sont défendues, ce qui ne m’empêche pas de citer auteurs et médias avec qui je suis en désaccord sur des points que je considère marginaux et non prioritaires au vu de l’ampleur du merdier. Rejeter en bloc tout ce qui est produit par tel média ou tel auteur, simplement parce que les points de vue diffèrent sur des sujets non prioritaires, c’est totalement contre-révolutionnaire. En se comportant ainsi, nous laissons le champ libre à l’extrême droite qui se nourrit de nos divisions et querelles internes. Il serait temps que le camp écologiste cesse ses enfantillages et commence à penser « stratégie » ; c’est-à-dire chercher un dénominateur commun pour gagner en popularité et peser dans le rapport de force. Commençons par mettre en avant les choses qui nous rassemblent plutôt que celles qui nous divisent.
Les blogs et sites d’information
Sciences Critiques
Sciences Critiques est un excellent site d’information dédié exclusivement aux sciences qui alimentent la réflexion et aident à la compréhension de la religion dominante qui s’est imposée à l’âge industriel.
Sélection d’articles :
- Seule la non-puissance peut sauver le monde (Bruno Lamour)
- L’ingénieur d’aujourd’hui répond aux besoins du système capitaliste et productiviste (Vincent Liégey)
- La résilience est la nouvelle religion d’État (Thierry Ribault)
- La technologie est une politique (Philippe Godard)
- La vie sur Terre frappée d’alignement (Hélène Tordjman)
- Le progrès technique soulève plus de problèmes qu’il n’en résout (Patrick Chastenet)
Le Partage
Sur Le Partage, vous trouverez de nombreux articles, traductions et documentaires permettant de mieux comprendre pourquoi une société écologiquement soutenable n’est possible que sans machine motorisée et sans usine, en dehors des grandes villes et de l’influence étatique. Plus généralement, aucune société écologique ne sera viable sur le moyen long terme tant que nous n’aurons pas stoppé le système industriel.
Le style de Nicolas Casaux dérange parfois, et moi-même je ne suis pas toujours en accord avec ses positions. Cependant, je profite de cet article pour le remercier pour son travail qui m’a beaucoup apporté dans ma progression intellectuelle, en particulier sur la critique de l’État, de la technologie et, plus généralement, de la civilisation.
Sélection d’articles :
- Le mythe de la démocratie comme invention moderne
- La déradicalisation du mouvement écologiste : de 1972 à aujourd’hui
- Le mensonge du progrès
- La science, facteur majeur de la catastrophe sociale et écologique en cours
- Les naturiens, précurseurs d’une critique de la civilisation
Reporterre, Bastamag et Mr Mondialisation
Ces trois médias font partie des rares à couvrir les luttes locales contre les grands projets industriels et étatiques. Cependant, j’ai longuement hésité avant de me décider à les faire apparaître dans cette liste (d’où le « presque » dans le titre de l’article), et ce pour une bonne raison. Il leur arrive souvent de promouvoir des initiatives écocapitalistes (centrales éoliennes ou solaires, entreprises de l’ESS puant le greenwashing à plein nez et autres perles du même acabit) qui n’ont d’autre utilité que d’entretenir le mythe d’un verdissement du système industriel, de divertir le public de la seule initiative capable de faire changer réellement les choses : une révolution écologique qui couperait le jus au système techno-industriel.
Cela dit, Reporterre ouvre régulièrement ses tribunes à l’écologie anti-industrielle (voir les articles de Celia Izoard notamment), ce qui mérite d’être souligné tellement l’ouverture d’esprit semble rare dans les milieux écologistes. Quant à Mr Mondialisation, ils ont récemment publié un article dénonçant le réductionnisme opéré par le Mouvement Climat, un texte intitulé « Si notre combat se résume au climat, le Capitalisme a gagné ».
World Rainforest Movement (WRM)
Traduit en français, le site World Rainforest Movement est un média couvrant les luttes indigènes et paysannes du sud global. Il dissèque également le greenwashing de l’industrie de la conservation et des grandes ONG écocapitalistes, leurs fameuses « solutions basées sur la nature », la compensation écologique, les projets REDD, la bioéconomie, les systèmes de certification ou encore la marchandisation de la nature. Les solutions éco-industrielles vendues par la propagande en faveur d’un système industriel décarboné contribuent à accaparer les terres des populations du Sud pour les réduire en esclavage.
Pièces et Main d’œuvre (PMO)
Le collectif technocritique Pièces et Main d’œuvre réalise depuis une vingtaine d’années un minutieux travail d’enquête sur le technocapitalisme. Il informe aussi bien sur les Calanques de Marseille dont l’accès se fait maintenant par QR Code que sur les espions de l’industrie infiltrant les luttes locales. PMO rappelle à juste titre, comme Renaud Garcia[3], que Sandrine Rousseau est une technocrate pro-industrie et pro-science (les deux vont toujours ensemble), autrement dit une nuisible appelant à l’asservissement total de la nature par la machine. PMO, c’est aussi une série d’ouvrages passionnants qui aident à comprendre ce qu’est le totalitarisme technologique. À noter qu’on trouve également sur leur site des textes peu connus d’auteurs célèbres, dont l’écrivain Antoine de Saint-Exupéry ou le mathématicien Alexandre Grothendieck.
Sélection d’articles :
- Un espion et mercenaire de l’industrie infiltre une réunion écologiste
- Sandrine Rousseau : un CV de technocrate (ou d’éc
- Lettre au général X (Antoine de Saint-Exupéry)
- La Nouvelle Église universelle (Survivre et vivre n°9, 1971, journal cofondé par Grothendieck)
Et vous n’avez encore rien vu (Sniadecki)
Bertrand Louart partage sur son blog des articles critiques de la science, du scientisme et de la technologie moderne. On y trouve par exemple cet intéressant article de l’historien des sciences et techniques Jean-Baptiste Fressoz qui démonte le mythe de la transition énergétique[4], ou encore cet article d’un des plus grands cinglés du XXe siècle, le scientifique John von Neumann, père de la bombe à hydrogène, de la théorie des jeux et de l’ordinateur[5].
Bertrand Louart est également auteur des livres Les êtres vivants ne sont pas des machines (2018) et Réappropriation : jalons pour sortir de l’impasse industrielle (2022) parus aux éditions La Lenteur.
Sélection d’articles :
- Anarchisme et science (José Ardillo)
- Techniques autoritaires et démocratiques (Lewis Mumford)
- Allons-nous continuer la recherche scientifique ? (Alexandre Grothendieck)
Les podcasts
Floraisons
Floraisons est un des rares podcast dédié à la critique de la civilisation industrielle. Animé par Lorenzo Papace, on y trouve des entretiens avec le géographe Guillaume Faburel, le collectif PMO, ou encore une excellente série résumant le contenu du livre d’Aric McBay, Full Spectrum Resistance.
Sélection de podcasts :
- Entretien avec Aurélien Berlan sur son livre Terre et Liberté
- Excellente et longue série avec Pièces et Main d’œuvre
- Série sur l’excellent ouvrage de stratégie Full Spectrum Resistance
Homo Ethicus
Homo Ethicus était un podcast dédié à l’écologie anti-industrielle. Au cours de ses interventions, l’auteur résume et analyse le contenu d’ouvrages portant sur les thématiques sociales et écologiques.
Sélection de podcasts :
- Extractivisme (Anna Bednik)
- Le nucléaire, c’est fini (La Parisienne libérée)
- Le biorégionalisme (Kirkpatrick Sale)
- Entretien avec Édouard V. Piely, journaliste à Sciences Critiques
Sur papier
La Décroissance
Créé en 2004, le mensuel La Décroissance est le premier journal sur le thème de la décroissance apparu en France. Selon l’historien François Jarrige, c’est entre autres grâce à ce journal que le mot « décroissance » a circulé massivement en France depuis une vingtaine d’années. Lire La Décroissance permet de se rendre compte de la tentative de réappropriation du mouvement décroissant par les pourritures de l’éco-technocratie.
Moins!
Moins! est un journal bimestriel d’écologie politique qui paraît en Suisse romande. Il s’attaque autant au dogme de la croissance qu’à la religion du progrès, comme en témoigne le numéro 58 auquel j’ai collaboré et qui avait pour titre « Désindustrialiser notre santé » (mon article à lire ici).
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https://start.lesechos.fr/societe/engagement-societal/thomas-wagner-bon-pote-de-lecologie-cauchemar-des-entreprises-qui-greenwashent-1776506 ↑
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https://reporterre.net/Les-bioregions-une-alternative-ecologique-aux-regions-administratives ↑
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https://comptoir.org/2021/11/16/renaud-garcia-le-militantisme-woke-ne-cherche-pas-a-convaincre-mais-a-regenter-la-vie-des-autres/ ↑
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https://sniadecki.wordpress.com/2022/08/12/fressoz-utopie-atomique/ ↑
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https://sniadecki.wordpress.com/2019/10/23/von-neumann-technologie/ ↑