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Comment repérer un écofasciste

« La lutte contre le fascisme passe par la lutte contre le mode de vie industriel »

– Sebastián Cortés, Anti-fascisme radical. Sur la nature industrielle du fascisme, 2015

« L’écofascisme a l’avenir pour lui, et il pourrait être aussi bien le fait d’un régime totalitaire de gauche que de droite sous la pression de la nécessité. En effet, les gouvernements seront de plus en plus contraints d’agir pour gérer des ressources et un espace qui se raréfient. […] La préservation du taux d’oxygène nécessaire à la vie ne pourra être assurée qu’en sacrifiant cet autre fluide vital: la liberté. […] Un beau jour, le pouvoir sera bien contraint de pratiquer l’écologie. Ce seront les divers responsables de la ruine de la Terre qui organiseront le sauvetage du peu qui en restera et qui, après l’abondance, géreront la pénurie et la survie.  »

– Bernard Charbonneau, Le Feu vert : autocritique du mouvement écologique, 1980

« L’éco-technocratie est fondamentalement un éco-fascisme, un anéantissement des libertés sous le talon de fer de la technique industrielle mise au service de l’imaginaire croissanciste qui demeure même lorsque la croissance devient impossible[1]. »

– Serge Latouche, économiste décroissant

« La reproduction des bases de la vie peut être organisée dans le cadre d’un éco-techno-fascisme qui remplace artificiellement les cycles naturels par des niches synthétiques et cherche à déterminer scientifiquement les techniques et les seuils de pollution écologiquement supportables, c’est-à-dire les conditions et les limites dans lesquelles le développement de la technosphère industrielle peut être poursuivi sans compromettre les capacités autogénératrices de l’écosphère. Cette approche ne rompt pas fondamentalement avec l’industrialisme et son hégémonie de la raison instrumentale. Elle reconnaît la nécessité de limiter le pillage des ressources naturelles et de lui substituer une gestion rationnelle à long terme de l’air, de l’eau, des sols, des forêts et des océans, ce qui implique des politiques de limitation des rejets, de recyclage et de développement de techniques non destructrices pour le milieu naturel. »

– André Gorz, Ecologica, 2007

Étant donné que, selon Serge Latouche, l’écofascisme est en train de coloniser la planète, il devient d’une importance vitale pour le mouvement écologiste d’apprendre à reconnaître la vermine écofasciste. Pour établir des critères permettant de les repérer (presque) au premier coup d’œil, je me base entre autres sur les réflexions de Sebastián Cortés, Bernard Charbonneau, André Gorz et Serge Latouche qui ont décelé un lien étroit entre industrialisme et fascisme.

Je ne m’inspirerai pas de l’analyse proposée par l’essayiste Pierre Madelin dans La tentation écofasciste (2023), qui prétend s’inspirer de Charbonneau et Gorz[2], mais qui en réalité cherche surtout à réinscrire l’écofascisme à droite. Comme si le marxisme n’avait jamais été suprémaciste, raciste, ethnocidaire et génocidaire[3]. Comme si l’anti-immigrationnisme ne pouvait pas être le fait d’un régime marxiste sous la pression de la nécessité. Les idéalistes et autres philosophes de la trempe de Madelin ne comprennent pas ce fait pourtant maintes fois démontré par l’histoire des sociétés étatiques : ce sont davantage l’inertie de l’administration et les contraintes extérieures qui commandent le politique que les idées.

Contrairement à ce que déblatère la propagande gauchiste, le fascisme n’est pas uniquement de droite et encore moins une anomalie. Il s’agit d’une tendance profonde au sein de la civilisation industrielle[4]. À l’instar du marxisme, il permet de relancer la machine lors des crises systémiques qui viennent régulièrement perturber la stabilité de la civilisation industrielle. L’écofascisme sert un objectif similaire : il s’agit de tout mettre en œuvre sur le plan organisationnel et technique pour adapter le système industriel aux nouvelles contraintes énergétiques et matérielles. Peu importe le coût humain et écologique des mesures, absolument tout doit être fait pour maintenir en état de fonctionner le système industriel le plus longtemps possible.

L’écofascisme représente donc une mutation du fascisme originel. Il cherche à adapter le système aux contraintes environnementales de l’époque alors que les crises profondes et répétées se multiplient. À gauche comme à droite, et peu importe leurs fumeuses promesses électorales, les écofascistes mèneront une politique de gestion coercitive des ressources, des territoires et des populations. Sans plus tarder, voici notre liste de critères pour distinguer une pourriture écofasciste d’un véritable écologiste.

L’écofasciste rêve d’un État tout puissant

Le fascisme ne pourrait exister sans ces trois éléments : l’État, l’industrie et des infrastructures modernes pour contrôler le territoire, par exemple le chemin de fer qui a permis aux nazis d’exterminer des groupes jugés indésirables avec une efficacité sans précédent. Traiter d’« écofascistes » les xénophobes et les racistes qui achètent des fermes, prônent un mode de vie simple et appellent à créer des « Zones identitaires à défendre », comme le fait Reporterre, c’est ne rien comprendre au fascisme[5]. Ces gens ont de fait abandonné l’idée de prendre le pouvoir et s’inscrivent plutôt dans une dynamique sécessionniste.

Qu’ils soient de droite ou de gauche, les écofascistes font un diagnostic très similaire des problèmes sociaux et écologiques. L’origine de la crise proviendrait d’une perte de contrôle de l’État sur sa population, ses frontières et un nombre croissant de secteurs économiques stratégiques. L’État aurait été dépossédé de sa politique industrielle, de la gestion des frontières et des services publics. Les gouvernements néolibéraux successifs auraient mené au cours des dernières décennies une politique consistant à donner toujours plus de pouvoirs aux grandes entreprises étrangères et aux institutions supranationales (Banque centrale européenne, Commission européenne, FMI, etc[6].).

Pour remédier à la situation, les écofascistes veulent le retour d’un État fort, d’un État stratège, autrement dit d’un État interventionniste et planificateur. Certains écofascistes de gauche vont jusqu’à rêver d’une gouvernance planétaire dopée à l’IA, reposant sur Internet, les datacenters et les réseaux satellitaires[7]. Cela supposerait l’interdiction à la vente des biens superflus et le rationnement énergétique et des biens de première nécessité. Cela supposerait également la mise en œuvre d’immenses plans d’ingénierie sociale afin de contraindre l’ensemble des individus de la société à adopter les mêmes valeurs, les mêmes comportements, les mêmes attitudes, de manière à faire avancer le bétail humain dans la direction voulue par le pouvoir central. L’écofasciste est fondamentalement un veau apeuré prêt à se soumettre à n’importe quel despote qui lui promettra le Salut. Il est prêt à abandonner toute dignité, toute humanité pour sauvegarder sa culture industrielle dégénérée qu’il considère (à tort) comme un sommet de l’évolution.

thomas guénolé écofasciste de gauche
Thomas Guénolé, un bel exemple d’écofasciste de gauche qui rêve d’imposer de façon autoritaire un régime alimentaire uniforme à l’ensemble de la population mondiale, le tout évidemment sous couvert de décarboner le système techno-industriel.

L’écofasciste peut être de gauche ou de droite

Une des nombreuses escroqueries de la gauche moderne consiste à cantonner l’écofascisme à l’extrême droite. Comme à son habitude, la gauche se part de toutes les vertus pour conquérir le pouvoir. Mais une fois en place, les belles paroles laissent place au pragmatisme afin de gérer les contraintes (troubles sociaux, compétition interétatique mondiale, approvisionnement énergétique, etc.). Loin de nous laisser berner par le révisionnisme historique de l’intelligentsia gauchiste, nous n’avons pas oublié le terrorisme de l’État bolchévique, politique indispensable pour neutraliser une opposition politique vigoureuse, moderniser l’appareil productif de l’URSS et rattraper le retard sur les États-Unis. Nous n’avons pas non plus oublié la plus grande famine de l’histoire de l’humanité (36 millions de morts) provoquée par la politique d’industrialisation à marche forcée de Mao et du parti communiste chinois.

En cas d’arrivée au pouvoir d’un parti de gauche, ce seront donc les contraintes matérielles qui dicteront la politique menée par l’État. Pour le dire autrement, ce sont davantage les contraintes à court terme, qui conditionnent la survie ou non de l’État, qui décident de la politique à mener par un gouvernement[8]. C’est pourquoi, quand les membres de l’intelligentsia à gauche affirment pouvoir ressusciter les services publics et accueillir des millions de migrants climatiques, ils mentent comme ils respirent. Ils savent très bien qu’il serait suicidaire pour un État de mettre en place ce genre de politique, d’autant plus avec le recul de la croissance économique observé depuis déjà plusieurs décennies.

Même si la gauche s’en défend dans sa propagande, en cas de prise de pouvoir elle sera forcée de mettre en œuvre une politique écofasciste, de repousser les vagues migratoires de plus en plus massives, de renforcer le contrôle policier du territoire, de rationner la population et de continuer à piller le Sud global. Il n’existe tout simplement pas d’autre moyen d’éviter l’effondrement de l’ordre industriel.

L’écofasciste est membre ou soutien de la classe technocratique

On trouve beaucoup d’écofascistes dans les rangs des scientifiques et des ingénieurs, chez les « capitalistes du savoir » et la « bourgeoisie intellectuelle ». C’est surtout chez les ingénieurs et les cadres frustrés que l’écofascisme recrute, par exemple chez les polytechniciens qui ont échoué à fonder leur empire industriel. Ils rejettent la faute de leur échec personnel sur les dysfonctionnements du système et considèrent qu’une nouvelle technocratie, plus éclairée que l’actuelle, doit en prendre le contrôle. L’écologie n’est qu’un prétexte afin d’instaurer une politique d’industrialisation ultra-autoritaire, exactement comme l’ont été en leur temps le marxisme et le national-socialisme.

On se souvient d’ailleurs que la technocratie allemande a, durant des décennies et dès le XIXe siècle, préparé l’arrivée des nazis au pouvoir en neutralisant le fort sentiment anti-industriel au sein de la population. En effet, ces idées menaçaient l’hégémonie de la classe technocrate. La technocratie russe a également mis les bolchéviques au pouvoir. En URSS stalinienne, près de 80 % des membres du bureau politique du parti communiste soviétique appartenaient à l’intelligentsia technique. Depuis plus d’un siècle, la classe technocratique noyaute la gauche et la droite – et aujourd’hui le mouvement écologiste – pour assurer sa reproduction ; reproduction qui dépend de la conservation et de l’expansion d’un système industriel. Ce système étant l’instrument d’où la technocratie tire son pouvoir et ses privilèges, empêcher son effondrement est aujourd’hui la priorité absolue pour les écofascistes.

En milieu industriel, c’est l’élite scientifique, technique et culturelle qui a le plus de légitimité auprès des masses. Le fait de se présenter comme apolitique ou « neutre », comme la technologie qu’elle conçoit et produit, permet à la technocratie de berner la population. Cette élite possède également une expertise qui lui confère un certain prestige auprès des adeptes de « la nouvelle Église universelle[9] ». C’est pourquoi on trouve de nombreuses personnes – surtout parmi les classes moyennes supérieures – qui soutiennent l’éco-technocratie, et qui donc sont à classer parmi les écofascistes.

Lire notre dossier sur la technocratie.

L’écofasciste est toujours pro-industrie

Un point très important à garder en tête pour distinguer l’écofasciste d’un véritable écologiste, c’est la notion de puissance. Le véritable écologiste a compris que l’obtention d’une grande puissance se fait au moyen du progrès technologique, une entreprise qui va toujours de pair avec la destruction de la nature et de la liberté. Par conséquent, le véritable écologiste est celui qui cherche par tous les moyens à détruire la puissance[10].

A contrario, l’écofasciste recherche la puissance. De nos jours, la puissance colossale de la présente civilisation provient d’un système d’infrastructures, d’usines, de mines, de centrales énergétiques et de machines. Si l’écofasciste montre parfois une méfiance de façade vis-à-vis de certaines innovations technologiques, il conserve la foi. La Science et l’Ingénierie règleront tous les problèmes. L’écofasciste a une tendance profondément irrationnelle à voir l’industrie comme une bonne chose, quand bien même sa chair et son sang sont saturés de substances industrielles toxiques. Dans son imaginaire façonné par la machine, l’écofasciste fait aussi la grossière erreur de confondre puissance et contrôle. Son endoctrinement l’empêche de voir que c’est le progrès de la puissance – et non une mauvaise gestion des affaires humaines – qui est à l’origine du chaos planétaire croissant.

Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, l’écofasciste est persuadé que l’État a perdu le contrôle du cours des choses, fait qu’il attribue majoritairement à un déficit de puissance. Il faut alors (re)donner les moyens juridiques, administratifs et surtout techniques à l’État pour interdire, comptabiliser, surveiller, sanctionner, réprimer dans tous les domaines, qu’ils soient économiques, culturels, sociaux et jusque dans la vie privée.

Atteindre cet objectif suppose un regain partiel d’autonomie pour l’État[11], et donc une politique de réindustrialisation ultra-volontariste. Il faut en effet développer de nouvelles technologies pour produire de l’énergie « propre », détecter les émissions de gaz à effet de serre, traquer l’empreinte carbone des individus et gagner en efficacité énergétique. Il faut aussi construire de nouvelles infrastructures décarbonées pour que les flux de matières et d’information ne soient pas perturbés par d’éventuelles pénuries de pétrole. Il faut des datacenters, des drones et de l’IA pour contrôler le système et la population. Pour l’écofasciste, l’écologie sert donc de prétexte à industrialiser, puisque l’État tire sa puissance de ses infrastructures et de sa capacité productive. C’est pourquoi, lors des dernières élections présidentielles, les écofascistes de droite comme de gauche appelaient tous sans exception à réindustrialiser la France au nom de l’écologie.

L’écofasciste priorise le système sur l’humain

L’écofasciste s’identifie davantage à une machine qu’à un être vivant qui évolue au sein d’une biosphère. Les plus fanatiques d’entre eux vont jusqu’à assimiler la biosphère et l’humanité à une machine qui ponctionne des ressources et pollue. D’autres fanatiques de la machine préfèrent la nourriture liquide, considérant que la mastication et la communion humaine autour d’un repas sont des choses primitives et inefficaces.

L’écofasciste a fait sienne la devise de Frederick Taylor, un ingénieur, l’un des grands théoriciens de l’organisation scientifique du travail :

« Par le passé, l’homme était le plus important ; à l’avenir, le système devra primer[12]. »

L’écofasciste fait un type bien particulier de sécession : il abandonne son humanité pour servir la mégamachine. Le plus drôle dans cette histoire est que l’écofasciste se prend pour un être doué de raison. Pour lui, il est rationnel de maintenir en état de fonctionner un système qui le détruit, lui et son espèce. L’écofasciste est complètement hermétique à la quantité astronomique de données scientifiques qui montrent que la révolution industrielle est la pire chose qui soit arrivée à l’espèce humaine en 300 000 ans d’existence.

L’écofasciste hait la nature et la liberté

Cette caractéristique découle de la précédente. L’écofasciste est un authentique biophobe. Si dans le discours, il prétend œuvrer pour la défense de la nature, dans les faits il n’en est rien. En bon technocrate, il déteste l’imprévisibilité de la nature qui est la conséquence de sa complexité et de son autonomie. Avec la révolution industrielle, la technocratie a déclaré la guerre à la nature. En développant des moyens techniques toujours plus puissants, en déployant des infrastructures qui forment désormais un écosystème artificiel, un « technotope », l’élite scientifique et technique cherche à soumettre la nature à sa volonté de puissance. C’est en dépossédant les êtres vivants de leur autonomie, en commençant par les humains, que la technocratie envisage de prendre le contrôle de l’évolution.

Étant donné que la perte de contrôle est attribuée par l’écofasciste à la nature humaine, il faut s’y attaquer par tous les moyens techniques possibles : surveillance, contrôle, répression et, quand les biotechnologies le permettront, édition génomique, eugénisme, reproduction artificielle, implants neuronaux, etc. L’imagination des nazis en blouse blanche est sans limite quand il s’agit de soumettre le primate humain à leur délire de puissance. Autre preuve de sa folie, en détruisant l’autonomie humaine, l’écofasciste anéantit aussi sa propre liberté. Et il le fait volontiers, comme ces hordes d’Allemands qui ont accueilli à bras ouverts l’un des pires régimes totalitaires du XXe siècle. Comme nous l’avons vu plus haut, c’est parce que l’écofasciste s’identifie à la machine, au système des machines, et non à un être humain biologique dont la survie dépend d’une biosphère fonctionnelle (taux d’oxygène dans l’air, eau potable et liquide, fertilité du sol, pression atmosphérique, etc.).

L’écofasciste est obsédé par la pureté morale

L’écofasciste est une espèce particulière de fanatique religieux. Afin de laver ses péchés et d’accéder au paradis décarboné, il se lance dans une quête obsessionnelle de pureté morale dont il mesure la progression par l’intermédiaire de son compteur carbone. Son objectif affiché ? Réduire l’empreinte carbone moyenne d’un Français de 10 à 2 tonnes de CO2 par an pour – soi-disant – atteindre la neutralité carbone et limiter le réchauffement climatique. N’importe quelle personne un peu renseignée sait pourtant que la décarbonation, c’est du greenwashing. Décarboner impliquerait de provoquer l’effondrement de la civilisation industrielle dont la consommation énergétique repose à plus de 80 % sur du charbon, du pétrole et du gaz. Ne demandez pas à un écofasciste d’être rationnel.

L’écofasciste est aussi un pigeon qui travaille gratuitement pour optimiser le fonctionnement du système industriel. Il trie ses déchets, dépose son compost dans les bacs mis en place par sa mairie écolo, achète en vrac et prend le temps d’analyser absolument toutes les étiquettes des produits qu’il consomme. Là encore, des technologies spécifiques (applications de smartphone notamment) l’aident à mesurer son niveau de pureté. Il s’interdit de prendre l’avion et de rouler en voiture thermique, c’est « péché ». Rien ne le rend plus heureux que d’ajouter des contraintes à son existence et de sacrifier son peu de temps libre pour accumuler quelques points de pureté supplémentaires.

L’écofasciste ne cherche pas seulement à sauver son âme, il désire plus que tout assainir la société. C’est pourquoi il milite pour interdire toutes les pratiques qu’il juge impures, comme la corrida, les véhicules tout-terrain, l’élevage, la consommation de viande et la chasse. Cet attrait pour la pureté, l’écofasciste le partage avec Adolf Hitler et Heinrich Himler, preuve que ses gesticulations ne font pas de lui un homme meilleur, encore moins un être supérieur.

Comme l’a brillamment analysé Theodore Kaczynski, la motivation réelle de l’écofasciste – un type particulier de gauchiste au sens kaczynskien du terme – n’est pas d’atteindre ses objectifs, mais d’éprouver le sentiment de puissance en imposant ses solutions à la société. Cette obsession de la pureté combinée à des moyens technologiques extrêmement puissants et invasifs mène inéluctablement au totalitarisme.

« Le gauchisme est une force totalitaire. Chaque fois qu’il est en position de force, il tend à envahir les moindres recoins de la vie privée et à remodeler toute pensée à son image. Du fait de son caractère quasi religieux, tout ce qui s’oppose à ses croyances incarne le péché. S’il est totalitaire, c’est surtout en raison de l’appétit de pouvoir du gauchiste, que ce dernier cherche à satisfaire en s’identifiant à un mouvement social – lui permettant d’exercer son processus de pouvoir en participant au succès des objectifs du mouvement. Mais quelles que soient les réussites du mouvement, le gauchiste n’est jamais satisfait, son activisme n’étant qu’une activité de substitution. Sa motivation réelle n’est pas d’atteindre les objectifs affichés du gauchisme, mais d’éprouver le sentiment de puissance que procure l’accomplissement d’un but.

[…]

Supposons que vous demandiez aux gauchistes d’établir une liste de tout ce qui cloche dans la société, et supposons que vous puissiez réaliser tous les changements sociaux qu’ils exigent. Il y a fort à parier qu’il ne faudra pas attendre longtemps pour que la majorité des gauchistes trouve à se plaindre de quelque nouveau “mal” social à corriger. Répétons-le, le gauchiste est moins motivé par le malaise social que par son besoin de satisfaire son processus de pouvoir en imposant ses solutions à la société[13]. »

L’écofasciste se moque du climat, de la nature ou de l’humanité, c’est un psychopathe déconnecté de la réalité qui cherche tous les prétextes et tous les moyens pour « régenter la vie des autres », pour assouvir sa soif illimitée de pouvoir. Quand il aura atteint ses objectifs, il inventera rapidement de nouveaux dysfonctionnements dans la société et se donnera pour mission divine de les corriger.

Une fois obtenue l’interdiction totale de la consommation de mammifères sensibles, de nouveaux écofascistes commenceront à militer pour interdire la consommation des plantes car elles aussi sont douées d’une forme d’intelligence et de sensibilité[14]. Une aubaine pour le complexe agro-industriel qui investit massivement dans les biotechnologies pour artificialiser totalement la production alimentaire et éradiquer les paysans. D’autres anthropophobes considèrent que la grossesse est « barbare », c’est pourquoi ils militent déjà en faveur du développement de l’utérus artificiel. C’est cette même bande de cinglés qui militeront plus tard pour que l’État légifère sur le code génétique de vos enfants.

Comme nous l’avons vu, l’écofasciste est un serviteur besogneux du système techno-industriel. Son militantisme forcené, il affirme frauduleusement le mettre au service de l’écologie et de l’émancipation. Mais en réalité, il a pour objectif la quête de puissance, l’adaptation de la société industrielle aux changements technologiques et aux limites planétaires. Sa guerre sainte, c’est d’empêcher l’effondrement de la civilisation industrielle. L’écofascisme détruira le peu de nature et de liberté dont nous jouissons encore aujourd’hui, c’est pourquoi il doit être combattu en même temps que le système industriel dont il tire sa puissance.

Philippe Oberlé


  1. Interview de Serge Latouche parue dans le journal La Décroissance d’octobre 2022 (n° 193).

  2. https://lundi.am/Qu-est-ce-que-l-eco-fascisme

  3. Voir l’anthropologue James C. Scott, notamment L’oeil de l’État et Zomia ou l’art de ne pas être gouverné. Le colonialisme externe et interne sont un effet d’État et non le résultat d’une idéologie.

  4. Voir Zygmunt Bauman, Modernité et holocauste, 1989.

  5. https://reporterre.net/Enquete-sur-l-ecofascisme-comment-l-extreme-droite-veut-recuperer-l-ecologie

  6. Cette analyse est assez vraie, cependant l’intégration croissante du tissu économique et social au système-monde technologique est une tendance lourde et historique qui a commencé avec la première révolution industrielle. L’inepte rhétorique sur le néolibéralisme est une façon pour la gauche et la droite de requalifier un problème systémique en problème politique afin de conquérir le pouvoir. Par ailleurs, la critique des institutions supranationales provient en général plutôt de la droite, la gauche estimant au contraire qu’un gouvernement totalitaire mondial serait une excellente chose.

  7. Par exemple les marxistes Cédric Durand et Ramzig Keucheyan dans leur livre Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique (2024).

  8. Voir la théorie des systèmes autopropagateurs développée par le mathématicien néoluddite Theodore Kaczynski dans Révolution Anti-Tech. Pourquoi et comment ? (2016).

  9. Alexandre Grothendieck, « La nouvelle Église universelle », Survivre et vivre n°9, août-septembre 1971. Un très bon texte critique du scientisme à lire ici : https://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/grothendieck_survivre_-_notre_bibliothe_que_verte_no36.pdf

  10. Celui qui se contente de refuser la puissance n’est rien d’autre qu’un lâche collabo qui se réfugie derrière de fumeuses masturbations éthiques et morales. On ne refuse pas l’écofascisme, on l’écrase.

  11. Par définition un État industrialisé ne peut être « souverain » dans le monde contemporain, puisqu’il dépend pour sa prospérité de ressources qui sont absentes de son territoire.

  12. Frederick W. Taylor, The Principles of Scientific Management, 1911.

  13. Theodore Kaczynski, La Société industrielle et son avenir, 1995.

  14. https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/botanique-scientifiques-revelent-intelligence-sensibilite-plantes-71122/

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