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À Nantes, un festival low tech invite des techno-fanatiques

Se déroulant à Nantes du 22 au 25 juin, le « Festival Low Tech : au-delà du concept » propose une curieuse programmation[1]. En effet, l’organisateur – l’association APALA – a cru bon d’inviter un bataillon de technolâtres antispécistes (Thomas Lepeltier, David Olivier, Axelle Playoust-Braure, Nicolas Salliou, Lucie Wiart, Nicolas Bureau) pour donner des conférences ou animer des débats. Tous sont promoteurs de l’agriculture cellulaire, une biotechnologie tout sauf « low tech ». Pour ne rien arranger, des apôtres de la croissance industrielle et du transhumanisme (Antoine Bueno, Ferghane Azihari), qui étalent régulièrement leur mépris des écologistes dans les médias industrialistes, sont invités à débattre face à deux prophètes de l’effondrement (Yves Cochet et Arthur Keller). Une rhétorique de l’effondrement qui réintroduit sous une autre forme le mythe du progrès et de la croissance (Arthur Keller veut par exemple réindustrialiser la France[2]). Quant à Laura Martin de l’association APALA, elle fera tous les jours une mini conférence pour promouvoir l’alimentation végétale[3] auprès des festivaliers.

Un autre élément problématique laisse entrevoir le monde défendu par l’association APALA : la conférence de Louise Verkin, secrétaire générale de l’association Altruisme Efficace France[4], intitulée « Réussir la transition : comment les principes de l’altruisme efficace peuvent-ils nous aider ? ». Héritage de la pensée utilitariste de Jeremy Bentham (1748-1832), théorisé par les philosophes d’Oxford Toby Ord et William MacAskill sous l’influence du père de l’antispécisme Peter Singer, l’altruisme efficace est plébiscité par les milliardaires de l’industrie high tech (Elon Musk, Peter Thiel, le cofondateur de Facebook Dustin Moskovitz[5], etc.) autant que par les traders[6] et les transhumanistes[7]. Dans le monde anglo-saxon, le plus grand donateur du mouvement n’était autre que Sam Bankman-Fried, milliardaire de la cryptomonnaie aujourd’hui en prison pour fraude. De l’altruisme efficace est né le long-termisme, une idéologie délirante[8] qui, selon le journal Le Monde, « consacre le rapprochement entre l’altruisme efficace et le transhumanisme[9] ».

Dans l’article qui suit, je reviens dans un premier temps sur le greenwashing autour des low tech avant d’expliquer pourquoi l’agriculture cellulaire (ou Ag-Cell) est une agriculture hypertechnologique et un futur désastre écologique. Je taille ensuite un costard aux techno-fanatiques invités par l’association APALA. En annexe de l’article, je rappelle la différence entre low tech et high tech en me basant sur les travaux de l’Atelier paysan, une coopérative d’autoconstruction véritablement inscrite dans une démarche low-tech.

Trois conférenciers du Festival Low Tech de Nantes (Axelle Playoust-Braure, David Olivier et Nicolas Salliou) ainsi que l’animateur des débats Thomas Lepeltier ont coécrit cet ouvrage qui défend l’agriculture cellulaire basée sur les biotechnologies.

Un greenwashing permanent autour des low tech

Avant de poursuivre les hostilités, précisons que le détournement des low tech par les industrialistes n’est pas un phénomène nouveau. Ces dernières années, on observe au contraire une intensification de la réappropriation des low tech par le système industriel, et plus généralement de la technocritique. Objectif : désarmer leur potentiel révolutionnaire.

Propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky (qui sponsorise également Libération[10]), le média techno-progressiste Usbek & Rica diffuse régulièrement des contenus sur la thématique de la low tech qui sont produits par de grands groupes industriels (EDF[11], Lenovo[12]) ou de grandes écoles (Sciences Po[13]). Le magazine pratique le greenwashing à outrance, par exemple en faisant croire à ses lecteurs qu’un Internet « low tech[14] » est possible, ou qu’une tiny house fabriquée par un industriel français c’est « low tech[15] ». Quant au média L’ADN, il peut parler à la fois de Homo confort, livre ouvertement anarchiste et anti-industriel de l’anthropologue Stefano Boni[16], ou bien du Luddite Club de New York[17], tout en célébrant l’ « esport[18] » qui fabrique des générations de futurs obèses. Toujours dans L’ADN, un article écrit par Frog, une marque du groupe Capgemini[19], vante les avantages d’un réfrigérateur dit « low tech » conçu par le géant de la bière industrielle Budweiser[20].

L’ingénieur centralien Philippe Bihouix et l’ingénieur polytechnicien Jean-Marc Jancovici ont largement contribué à semer la confusion autour des low tech. Dans un article paru dans le magazine Socialter, Bihouix veut une « low tech nation » pilotée par une élite de technocrates planificateurs à la tête de l’État. Il n’est pas question de démanteler les macro-systèmes techniques qui nous dépossèdent de tout pouvoir sur notre existence, et encore moins d’affaiblir l’État en légalisant les ZAD, en laissant des communautés s’autonomiser sur le plan technique[21]. Pour Bihouix, le low tech ne consiste pas à se débarrasser de notre dépendance à l’industrie mais au contraire à la rendre résiliente et durable. Il veut une France « championne mondiale du zéro déchet et du recyclage », une France qui saurait « s’habiller, s’équiper, s’outiller et s’amuser sans réduire en esclavage des populations entières à l’autre bout de la planète ». Objectif certes louable, mais qui ne sera jamais atteint sans la démolition complète du système industriel.

Bihouix estime qu’un monde low tech est concevable sans « débrancher les ordinateurs ». Pour lui, un monde low tech, c’est la production industrielle de « voitures de plus en plus petites, consommant de moins en moins » pour faire évoluer le parc automobile vers des « équivalents 2CV ou 4L, au moteur bridé, dépouillés de tout équipement superfétatoire, consommant un à deux litres aux cent kilomètres – avec réglage électronique et filtre à particules tout de même ». Jancovici raconte le même genre de fadaises au sujet des low tech, toujours dans Socialter[22]. Les deux ingénieurs assument pleinement l’autoritarisme de leur vision technocratique de la décroissance. Bihouix affirme avec autorité que l’aspect « liberticide » de ses propositions ne pose aucun problème, puisque détruire la liberté est « ce qui permet la vie en société ». Étrange philosophie.

Je considère Bihouix et Jancovici comme des ennemis de l’écologie pour au moins quatre raisons. La première, c’est qu’ils sont deux purs produits de la technocratie – la classe qui détient l’expertise scientifique et technique qui a permis de construire et de développer le système industriel ravageant la planète[23]. Ils servent les intérêts de leur classe qui cesserait certainement d’exister si le système industriel venait à être démantelé. Seconde raison, le système industriel est structurellement un système totalitaire où l’humain est broyé à mesure que la technologie progresse[24]. Ceux qui veulent empêcher l’effondrement de ce système sont les ennemis de la nature et de la liberté. Troisième raison, Jancovici et Bihouix veulent organiser scientifiquement l’ensemble de la société. Non plus cette fois-ci pour planifier la croissance énergétique et matérielle, mais pour planifier la descente énergétique et matérielle. Cependant, l’histoire nous enseigne que la planification de l’évolution d’une société ne fonctionne pas, et qu’elle a causé la mort de dizaines de millions de personnes[25]. On ne pilote pas une société. Une société n’est pas une machine. Quatrième raison, en voulant sauver le système industriel d’un effondrement salutaire, Jancovici et Bihouix rendent service à Elon Musk et ses disciples techno-fanatiques. En effet, en raison des limites physiques imposées par le système terrestre, les fantasmes de l’élite transhumaniste (IA « forte », fusion homme-machine, augmentation génétique, colonisation spatiale, géoingénierie, etc.) sont inatteignables sans un rationnement drastique – et de plus en plus en sévère – de la population mondiale. Les perspectives d’Elon Musk et celles de Bihouix-Jancovici ne sont pas contradictoires mais complémentaires, pour ne pas dire symbiotiques.

La bêtise chronique d’Usbek & Rica. Il faut lire le livre Du Satori à la Silicon Valley de l’historien Theodore Roszak. Les pionniers de l’Internet et de l’ordinateur personnel croyaient également oeuvrer à l’avènement d’un monde post-industriel et low tech. À la place, ils ont enfanté la Silicon Valley et les GAFAM.

Agriculture cellulaire : l’antithèse du low tech

La viande de culture ou viande cultivée est obtenue en prélevant des cellules sur un animal puis en les multipliant artificiellement dans un bioréacteur[26]. Il s’agit de faire croître des morceaux d’être vivant hors utérus, ce qui revient à utiliser la technoscience pour court-circuiter l’ontogenèse – le développement de l’individu depuis l’œuf fécondé jusqu’à l’état adulte. L’ontogenèse est un processus autonome. L’organisme développe de lui-même ses différentes composantes (os, muscle, cerveau, graisse, peau, etc.), d’abord dans l’utérus puis à l’extérieur de celui-ci, le tout sans intervention extérieure, à condition d’avoir accès à des nutriments. Extraire la fabrication de muscle d’un organisme suppose de devoir remplacer des processus organiques autonomes par des processus machiniques dépendants du système techno-industriel. Autrement dit, on ne simplifie pas la production alimentaire, on la complexifie en ajoutant des couches techniques supplémentaires, soit l’exact contraire de la philosophie low tech. La production de nourriture, autrefois accessible à tout humain ordinaire disposant d’un bout de terre, devient la propriété exclusive d’une élite de technocrates (scientifiques, ingénieurs, gestionnaires) à la tête de grandes firmes industrielles.

Une vidéo du magazine technologiste WIRED qui détaille en images la fabrication de la viande cellulaire. C’est en anglais, mais les images suffisent pour montrer que ces biotechnologies sont une négation du low tech.

Une enquête de Reporterre consacrée à la bouillie cellulaire mentionne certaines « impasses » techniques et économiques entravant le passage à l’échelle industrielle : coût exorbitant des équipements obligatoires pour garantir la stérilité du milieu de production (l’usine n’est pas le milieu stérile du laboratoire) ; les cellules se développent mal dans de grandes cuves ; remplacer le liquide amniotique de vache par un milieu de culture artificiel reste « complexe et très couteux[27] » ; etc. C’est pour remédier à ces freins que lobbyistes et startupeurs ciblent le grand public. À travers le prisme du bien-être animal, et en exagérant les hypothétiques bienfaits de l’agriculture cellulaire, l’industrie compte mettre la pression sur les pouvoirs publics afin d’obtenir des financements pour la recherche. Comme souvent, l’avenir de cette technologie ultra high tech repose entièrement sur une « économie de la promesse[28] ». Un industrialiste, ça ressemble beaucoup à un homme politique en campagne.

Comme le souligne la chercheuse à l’INRA Jocelyne Porcher dans son livre Cause animale, cause du capital (2019), les biotechnologies à la base de l’agriculture cellulaire n’ont rien d’une rupture avec l’organisation scientifique de la production industrielle apparue au XIXe siècle.

« L’agriculture cellulaire est un projet de scientifiques et d’industriels tout comme l’était le projet zootechnique appuyé sur la “science de l’exploitation des machines animales”, la zootechnie, qui a été créée ex nihilo pour servir un objectif de production efficace, rentable et innovant de la matière animale. Ainsi que l’écrivait André Sanson en 1888 : “Une telle façon d’envisager la zootechnie (ceux qui ne sont pas au courant de son histoire auront peine à le croire) ne date que de peu de temps (…) c’est, ainsi que nous l’avons établi, une notion relativement nouvelle, que celle qui consiste à envisager l’exploitation des animaux agricoles comme devant produire des profits directs.” »

Les intérêts financiers derrière la production alimentaire sont gigantesques. Les marchés de la viande et du poisson s’élèvent respectivement à 400 milliards de dollars et à 4 trillions de dollars au niveau mondial[29]. Le marché de l’agroalimentaire est le plus important au monde selon le magazine Forbes[30], d’où l’intérêt, vital pour l’industrie, de détruire l’autosuffisance des populations paysannes partout dans le monde (après l’avoir détruite en Occident[31]). Depuis le départ, l’agriculture techno-industrielle est à la fois génocidaire et écocidaire. Elle détruit la diversité biologique et culturelle, élimine le travail humain, produit globalement moins de 8 % de la nourriture destinée aux humains et en condamne 3,9 milliards à la sous-alimentation et à la malnutrition[32].

Ajoutons que l’opposition entre une industrie de l’élevage présentée comme « réactionnaire » et une industrie de l’agriculture cellulaire « progressiste » a tout d’une mise en scène[33]. La Confédération paysanne nous apprenait récemment que la FNSEA, principal syndicat de l’agro-industrie, était plutôt favorable à la viande in vitro[34]. Par ailleurs, les géants de l’industrie agroalimentaire (Tyson Foods, Cargill, Grimaud, Nestlé, Bell Food, etc.) investissent massivement dans la viande cellulaire ou ont des liens avec les startups du secteur[35]. Similairement, l’opposition entre énergie dite « propre » et énergie dite « sale » est largement factice, puisque les principaux groupes pétroliers investissent massivement dans les énergies renouvelables[36].

En consommant végan ou « neutre en carbone », la seule chose dont vous pouvez être certain, c’est d’engraisser l’industrie agroalimentaire, Bill Gates et ses copains ultrariches – Jeff Bezos, Xavier Niel, Richard Branson, Peter Thiel, Elon Musk, Reid Hoffman et bien d’autres – qui ont tous investi dans des startups véganes[37]. Pour ce qui est de sauver la planète, rien n’est moins sûr.

L’agriculture cellulaire, un carnage social et écologique en perspective

Tout comme les hypothétiques bienfaits sanitaires d’une alimentation strictement végétale, les avantages écologiques de l’agriculture cellulaire reposent sur des hypothèses, des promesses et des croyances – c’est-à-dire du vent.

D’abord, il faut rappeler que la majorité des chiffres sur les émissions carbone de l’élevage, relayés autant par le GIEC que par les ONG et influenceurs du climat, proviennent presque exclusivement d’exploitations commerciales et industrielles des pays du Nord. Rien ou presque sur l’empreinte carbone du pastoralisme africain, mode de subsistance essentiel à 268 millions de personnes sur le continent. Affirmer que les substituts végétaux vont permettre de réduire les émissions de carbone du système industriel globalisé, c’est procéder à un partitionnement absurde du système entre d’un côté de gentilles industries décarbonées, et de l’autre de méchantes industries carbonées. Dans le monde réel, les premières dépendent des secondes et vice versa.

Comme je le montre depuis plusieurs années sur ce blog, l’écologie est constamment instrumentalisée par des personnes ou des organisations cherchant à défendre leurs intérêts. Les antispécistes, que ce soit des associations telles que L214[38] ou des influenceurs de la trempe d’un Jean-Marc Gancille, construisent des argumentaires fallacieux pour faire avancer leur projet antispéciste, étatiste et industrialiste.

Face aux promesses farfelues de l’agriculture cellulaire, la réalité est beaucoup moins glorieuse. Premièrement, les évaluations des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la production de viande in vitro reposent sur des hypothèses, car la production à échelle industrielle n’existe pas. Plusieurs études montrent qu’en termes d’émissions de GES, la viande cellulaire ne ferait pas mieux que l’élevage de poulet et de porc, tandis qu’une autre parue en 2019 estime que la production de viande cellulaire émet plus que l’élevage bovin. En outre, cette technologie consomme plus d’énergie que n’importe quelle forme d’élevage. Il faut maintenir artificiellement la température du milieu de culture à 37°C, sans parler de la production en amont dudit milieu de culture ou de la stérilisation des cuves entre chaque cycle de production.

Quant aux calculs sur la consommation d’eau et de terres par rapport à l’élevage, ils sont souvent présentés de manière trompeuse. Les chiffres pour l’élevage ne tiennent jamais compte de la diversité infinie des techniques d’élevage à travers le monde. C’est souvent le modèle commercial et industriel qui sert de référence, jamais l’élevage de subsistance traditionnel. Sur la consommation d’eau, la fabrication de viande in vitro nécessiterait entre 400 et 500 litres contre 550 à 700 litres pour la viande de bœuf[39].

Dans une étude parue en octobre 2022 dans la revue Nature Food, Philip H. Howard, spécialiste des systèmes alimentaires écologiquement soutenables, note que l’agriculture cellulaire dépend de l’agriculture industrielle autant que de l’élevage industriel. En aucun cas il y a substitution.

« L’agriculture cellulaire continuera probablement à s’appuyer sur des matières premières issues des chaînes d’approvisionnement conventionnelles, telles que les dérivés du soja, du maïs, des pommes de terre et du blé. Par exemple, l’entreprise Eat Just a récemment conclu un accord de développement conjoint avec le transformateur de céréales et d’oléagineux ADM pour un milieu de croissance destiné à la viande cellulaire. Si ces produits se développent au-delà d’un marché de niche, la demande pour les monocultures augmentera également. Les impacts écologiques de ces systèmes de production à forte intensité chimique et fossile comprennent l’épuisement des ressources, la pollution, la dégradation des sols et la perte de biodiversité. […] À moins que les défis techniques actuels ne soient surmontés, la viande cellulaire dépendra également des produits des entreprises de transformation de la viande conventionnelle, tels que le sérum sanguin prélevé sur des fœtus de veau dans les abattoirs de vaches laitières[40]. »

Toujours selon l’étude, « les entreprises d’agriculture cellulaire sont de plus en plus contrôlées par les mêmes firmes qui dominent la transformation industrielle de la viande, du poisson et des aliments pour animaux ». Comme l’Atelier paysan, l’auteur de l’étude propose au contraire de développer l’autonomie paysanne.

« La plupart des avantages de l’agriculture cellulaire pourraient plutôt être obtenus en augmentant le soutien à des stratégies moins centralisées, telles que l’agroécologie, l’augmentation de la diversité des systèmes alimentaires et une plus grande autonomie. »

D’autres chercheurs estiment que le sylvopastoralisme a un énorme potentiel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et stocker du carbone dans le sol[41]. Et contrairement aux techniques agro-industrielles, le sylvopastoralisme a déjà fait ses preuves depuis des millénaires, et ce à travers une grande diversité de biomes.

Le sylvopastoralisme fait partie des solutions les plus performantes pour réduire les émissions et stocker du carbone dans le sol, pourtant personne n’en parle. Tout simplement parce que les industriels et l’État n’ont aucun intérêt à développer ces pratiques.

Des apôtres de la high tech invités à un festival low tech

Nicolas Bureau

Juriste impliqué dans le monde associatif, cofondateur et directeur exécutif de l’association Agriculture Cellulaire France[42] (ACF), Nicolas Bureau donnera au festival low tech de Nantes une conférence sans contradicteur intitulée « Quelle peut être la place de l’agriculture cellulaire dans une alimentation durable ? ».

L’association ACF est membre du réseau Food Tech qui rassemble les startups cherchant à se tailler une part de l’immense marché agroalimentaire, en misant sur les dernières avancées hypertechnologiques (robotique, drones, intelligence artificielle, biotechnologies, etc.). L’association travaille conjointement avec deux entreprises françaises du secteur de la viande cultivée, Vital Meat et GOURMEY. Créer des associations pour défendre les intérêts de son cartel, une tactique mafieuse répandue chez les industriels et qui remonte au moins au XIXe siècle.

L’association APALA invite donc un lobbyiste de l’agriculture hypertechnologique pour donner une conférence à un festival low tech. Logique !

Nicolas Salliou

Agro-économiste, chercheur à l’École polytechnique de Zürich, Nicolas Salliou donnera une conférence au festival low tech de Nantes intitulée « La traction animale en agriculture : solution d’avenir ? ». Sur son compte Twitter, il partage régulièrement les classiques de la propagande végane[43], même son de cloche sur son blog[44]. Rien d’étonnant puisqu’il a coécrit un chapitre du livre Plaidoyer pour une viande sans animal (2021) de Thomas Lepeltier et David Chauvet (à noter que David Olivier et Axelle Playoust-Braure ont également participé à cet ouvrage préfacé par le journaliste et patron de presse Laurent Joffrin[45]).

En juillet 2022, Salliou publiait une tribune dans Libération affirmant que « les “viandes végétales” sont le meilleur investissement pour l’avenir du climat[46] ». Évidemment, la « viande cultivée » fait partie des alternatives proposées. L’article commence par citer un rapport vantant les bienfaits écologiques de la viande de culture publié par le Boston Consulting Group, l’un des plus importants cabinets de conseil en stratégie qui compte parmi ses clients les firmes multinationales les plus destructrices de la planète[47].

Lucie Wiart

Docteure en sciences de gestion, diplômée de Sciences Po Toulouse et de l’EHESS, membre de la chaire bioéconomie de Neoma Business School[48], Lucie Wiart donnera au festival low tech une conférence intitulée « Questionner les représentations socio-techniques de l’alimentation à travers le cas des viandes végétales », toujours sans contradicteur. Ses recherches portent « sur la construction des marchés de l’alimentation végétale, et s’appuient sur des perspectives écoféministes, discursives et post-humanistes. » Au sujet de la « bioéconomie », l’économiste Hélène Tordjman remarque dans son livre La croissance verte contre la nature (2021) que ce terme employé par la Commission européenne se réfère à la convergence NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, sciences Informatiques et Cognitives). Là encore, on est à des années-lumière de l’esprit low tech.

Dans la revue antispéciste L’Amorce, Lucie Wiart a fait une recension élogieuse du livre de Thomas Lepeltier et David Chauvet, Plaidoyer pour une viande sans animal (déjà évoqué plus haut). On y retrouve les poncifs habituels de la rhétorique industrialiste : l’innovation technologique vient « contribuer à l’amélioration » du monde ; contrairement à « la logique dite de décroissance », l’innovation est « centrale » pour « répondre aux enjeux économiques de croissance, tout en prenant en compte les impératifs écologiques » ; les critiques de la viande de culture seraient des esprits irrationnels attachés à « des mythologies romantiques et bucoliques, reliées à une rhétorique de la naturalité » ; la viande de culture serait une « innovation technologique majeure » pour répondre aux « crises environnementales[49] » ; etc.

Vive la croissance, vive l’industrie, vive la technologie, finissons-en avec la vie.

Antoine Bueno

Essayiste, conseiller au Sénat sur la prospection et le développement durable, Antoine Bueno participera durant le festival low tech à un débat face à l’ingénieur effondrologue Arthur Keller, débat animé par Thomas Lepeltier. Pour commencer, on peut se demander quelle est la pertinence d’un tel débat sachant qu’Arthur Keller est, comme Antoine Bueno, un industrialiste. Leurs positionnements diffèrent seulement sur des détails superficiels. Arthur Keller appelle par exemple à relocaliser la production industrielle en France, avec toutes les pollutions qui l’accompagnent[50]. La politique autoritaire de réindustrialisation est en outre déjà menée par le régime macroniste en ce moment même, une politique récemment saluée par le polytechnicien « décroissant » Jean-Marc Jancovici dans une tribune au journal Le Monde[51].

Antoine Bueno a écrit plusieurs ouvrages dont Permis de procréer (2019) et L’effondrement n’aura pas lieu (2022). Il prône le transhumanisme et l’eugénisme[52]. À la manière d’un sale gosse pourri gâté, il ne supporte pas l’idée d’imposer une limite à ses pulsions hédonistes et balaie d’un revers de la main l’existence de limites physiques à la croissance de la civilisation industrielle. Dans une chronique du journal La Décroissance qui célèbre régulièrement « l’écotartuffe du mois », on apprend que pour Antoine Bueno, techno-totalitarisme rime avec Progrès[53] : machinisation totale des sociétés humaines, instauration d’un permis de procréer, industrialisation de la reproduction humaine, remplacement de la paysannerie par des machines, production d’une pâtée à avaler débitée par les startups de la viande de synthèse et les fermes « gratte-ciel » de 200 mètres de haut, modification de l’ADN pour bricoler son corps « à la carte », appropriation par l’industrie du cycle planétaire du carbone, règne intégral de l’intelligence artificielle, colonisation de l’espace, et autres fantasmes de psychopathe.

J’ai eu l’immense privilège d’assister à une conférence d’Antoine Bueno lors des journées scientifiques de l’environnement de mars 2023 à Créteil[54]. Rien de neuf sous le soleil, Antoine Bueno a tenu un discours similaire à celui qu’un utopiste et inventeur comme John Etzler pouvait tenir en 1833[55]. Antoine Bueno s’est également distingué par son révisionnisme historique, faisant passer le développement de l’Afrique pour une aspiration originelle des populations locales au lieu d’un projet colonial de dépossession des ressources imposé autoritairement par les États occidentaux (et aujourd’hui de plus en plus par les BRICS). Naturellement, une fois que cultures et modes de vie traditionnels ont été anéantis par le développement, les Africains n’ont plus d’autre modèle culturel que le modèle industriel. Mis en difficulté, Antoine Bueno a sorti son joker en se référant au travail du psychologue cognitiviste de Harvard Steven Pinker, un autre ultraprogressiste qui veut nous faire croire que tout va mieux depuis la révolution industrielle. Mais le travail de Pinker a été vivement critiqué à maintes reprises par de nombreux activistes, anthropologues, journalistes et économistes[56].

Ferghane Azihari

Auteur d’un pamphlet anti-écologie[57], polémiste, collaborant pour plusieurs think tank ultralibéraux[58], coordinateur pour la branche française de l’association libertarienne et climatosceptique Students for Liberty[59], Ferghane Azihari publie régulièrement ses vomissures anti-écologistes dans Le Figaro, Le Point, Marianne, Atlantico, Les Echos ou encore Valeurs actuelles[60]). Fils d’immigrés comoriens qui ont fui la pollution et la pauvreté de l’archipel, Ferghane Azihari pratique l’inversion de la réalité en affirmant que stopper le progrès technologique reviendrait à le refuser aux sociétés non occidentales. En effet, dans la mythologie du Progrès, il est dit que la civilisation industrielle a délivré les sociétés occidentales de la faim, de l’insécurité, de la pénibilité et de l’ignorance. Dans les contes pour enfants libéraux, il est dit également que tout cela s’est fait grâce au « doux commerce » avec les contrées du Sud global, jamais par la guerre, le pillage, l’ethnocide et le génocide. Manifestement, Ferghane Azihari pratique lui aussi allègrement le révisionnisme historique. En outre, il ne comprend rien au fonctionnement ni à la structure du système-monde technologique, par exemple la spécialisation et la division internationale du travail à la base de ce système.

Ferghane Azihari invité sur les chaînes du groupe Bolloré pour propager sa haine de l’écologie.

Ferghane Azihari, c’est le genre de crapule qui balance des poncifs sans jamais argumenter.

« Le progrès industriel nous a procuré un confort inédit, a réduit la toxicité de notre environnement et accru notre résistance aux maladies[61]. »

Des propos à ce point éloignés de la réalité matérielle sont révélateurs d’un obscurantisme, voire d’un fanatisme religieux. Le confort moderne (sédentarité, écrans, etc.) nous rend de plus en plus malades. La pollution chimique a contaminé la totalité de la biosphère. On en retrouve partout, dans l’air, l’eau, la terre, le sang et les chairs des organismes vivants humains et non humains[62]. Notre système immunitaire est de plus en plus détraqué par notre mode de vie industriel et la toxicité de notre environnement ; les allergies se multiplient[63], de même que les maladies auto-immunes[64]. Ajoutons pour finir là-dessus que le microbiome des humains industrialisés, essentiel à la résistance aux maladies, est une catastrophe en comparaison de celui de populations de chasseurs cueilleurs africains[65].

Comme de nombreux fondamentalistes de la religion du Progrès, Ferghane Azihari cite également Steven Pinker dans son livre[66]. Dans la même veine qu’Antoine Bueno, Ferghane Azihari fait partie de ces obscurantistes modernes qui veulent croire que le progrès technique bénéficie à l’espèce humaine. Pourtant, les données scientifiques qui prouvent le contraire ne cessent de s’accumuler depuis des décennies (hausse exponentielle des inégalités locales et mondiales, baisse des capacités cognitives[67], baisse de la force physique des enfants, explosion des maladies liées au mode de vie industriel[68], chute vertigineuse de la fertilité[69], optimisation de l’ethnocide des cultures africaines avec l’invasion des écrans[70], destruction de l’empathie et de la capacité à communiquer en face à face[71], etc.).

Comme nous l’apprennent les historiens sérieux (François Jarrige, Thomas Le Roux, Jean-Baptiste Fressoz, entre autres[72]), la pollution avant le XIXe siècle était principalement composée de matière organique et limitée en volume, ce qui la rendait assimilable par les milieux naturels. La principale pollution persistante de type industriel provenait de l’exploitation des mines de métaux (en particulier à cause du mercure). Quant au solutionnisme technologique prôné par Bueno et Azihari, il fait partie de la panoplie des industrialistes depuis le XIXe siècle pour neutraliser les protestations populaires. Afin de contourner l’interdiction des activités polluantes exigées par les populations locales, les industriels, épaulés par l’État et des experts influents (ingénieurs, scientifiques, hygiénistes), ont systématiquement imposé des solutions techniques.

Thomas Lepeltier

Essayiste, figure notoire de l’antispécisme, Thomas Lepeltier évolue dans la même secte d’ultraprogessistes qui veulent « en finir avec la vie[73] », et entraîner toute l’humanité dans l’abîme avec eux. C’est donc un techno-fanatique qui animera les deux débats (Antoine Bueno-Arthur Keller et Ferghane Azihari-Yves Cochet). Thomas Lepeltier diffuse en France les idées du mouvement RWAS (Reducing Wild Animal Suffering) qui prône un interventionnisme technologique forcené dans le monde sauvage afin d’y réduire la souffrance animale[74]. Il s’agit notamment de stopper la prédation, car le Progrès, voyez-vous, ça signifie « sauver la gazelle du lion[75] ». Comment faire ? Lepeltier propose le plus sérieusement du monde de donner des steaks végans aux lions, voire d’utiliser le génie génétique pour reprogrammer entièrement leur génome et les transformer en paisibles herbivores.

Il faut jeter un oeil à cette conférence pour prendre la mesure de la folie antispéciste.

Les idées de Thomas Lepeltier s’accordent à merveille avec le technocapitalisme de la Silicon Valley. Il prétend par exemple que « pour un antispéciste, se dire écologiste reviendrait un peu à se tirer une balle dans le pied[76] ». Car une espèce, une forêt, une rivière, une montagne, ou même la planète, ne sont pas des êtres doués de sensibilité. Dans une perspective antispéciste, leur destruction ne pose donc aucun problème moral. L’énergumène a même écrit un livre pour défendre et encourager la modification de la nature au nom du Progrès de la civilisation[77]. Ainsi, nous sommes en présence de prétendus « défenseurs » de la cause animale qui appellent à « se rendre maître et possesseurs de la nature » (Descartes). Plus c’est gros, mieux ça passe.

Sur les réseaux sociaux, Thomas Lepeltier célèbre régulièrement les richissimes startups américaines de la Food Tech (Impossible Foods), les OGM et les biotechnologies en général, le « capitalisme financier » et les « marchés en croissance[78] ». Thomas Lepeltier, c’est aussi un type, comme les deux précédents, qui vomit régulièrement sur les luttes écologistes comme celle menée par Les Soulèvements de la terre. Un type qui célèbre le « monde hypertechnologisé[79] » invité à un festival low tech pour animer des débats, on aura tout vu.

Comme vous pouvez le constater, les publications de Thomas Lepeltier transpirent l’intelligence.

David Olivier

Cofondateur des Cahiers antispécistes, fondateur de la Veggie Pride et des Estivales de la question animale, fondamentaliste ultraprogressiste de la mouvance RAWS, David Olivier donnera au festival low tech de Nantes une conférence sans contradicteur intitulée « De la physique à l’éthique ». Pour les antispécistes, l’éthique, c’est mécanique, comme la physique ! Il n’y a pas de choix possible, aucune diversité n’est tolérée dans leur raisonnement reproduisant le code binaire. Soit vous embrassez le Saint Progrès, soit vous êtes un nuisible à abattre.

Dans une conférence du 31 juillet 2014 aux Estivales de la question animale, David Olivier déclare ainsi qu’être contre le capitalisme industriel, c’est s’opposer au progrès de la paix entre les peuples, du féminisme, de l’athéisme, de la médecine. Pour lui, s’opposer au capitalisme industriel, c’est défendre le féodalisme et l’injustice. David Olivier nous apprend ensuite que critiquer la globalisation, les OGM ou la multinationale McDonald’s relève d’une « pensée réactionnaire[80] ». Le psychopathe Mao Zedong, qui a massacré des dizaines de millions de personnes, traitait également tous ses ennemis politiques de « réactionnaires[81] ». En parlant de massacre, dans un article intitulé « Sur le droit à la vie des prédateurs », David Olivier appelle à exterminer les lions en utilisant des moyens « doux » (stérilisation), le tout au nom du Progrès de la civilisation industrielle[82]. Et pourquoi pas utiliser du zyklon B ?

Quand David Olivier se lance dans une longue démonstration pour justifier moralement d’exterminer une espèce de carnivore, on peut légitimement se demander ce qu’il imagine comme traitement pour les humains déviant de la doctrine antispéciste – les éleveurs, les pêcheurs, les chasseurs, et en général les mangeurs de viande, de poisson, d’œufs et de fromage. Les antispécistes se croient moralement supérieurs aux êtres humains et non humains qui mangent des produits issus d’animaux sentients. Ils s’imaginent alors investis d’une mission divine pour convertir le monde entier à leur secte. Tous les moyens sont bons pour convertir, à défaut, on élimine les « mauvaises herbes[83] ». C’est la rhétorique du processus civilisateur glorifiant la pureté, l’uniformité culturelle, et célébrant la supériorité morale de son propre groupe culturel. Une rhétorique qui couvre de mépris les pratiques culturelles jugées déviantes de groupes décrits comme « inférieurs », « arriérés » ou « barbares ». D’ailleurs les dirigeants nazis, qui se souciaient des homards ébouillantés dans les restaurants de Berlin tout en organisant scientifiquement l’extermination de millions de Juifs, étaient des pionniers du mouvement animaliste en Europe.

Adolf Hitler et Heinrich Himmler ne mangeaient pas de viande et détestaient la chasse. Aujourd’hui, « le véganisme est tendance chez les néonazis[84] ». Ces derniers utilisent le bien-être animal pour encourager la haine à l’encontre des pratiques traditionnelles de certaines communautés[85] (Juifs, Musulmans, Chinois, Coréens, etc.). Toute la rhétorique antispéciste reprend le schéma de la pensée progressiste en présentant la conversion au véganisme comme le passage à un état moralement supérieur. Mais l’exemple nazi montre qu’arrêter de manger des animaux ne fait pas automatiquement de vous une meilleure personne. Vous pouvez être animaliste ET psychopathe, l’un n’empêche pas l’autre. Un état moralement supérieur, ce que les techno-fanatiques nomment religieusement « Progrès », objectivement ça n’existe pas, c’est une construction culturelle récente apparue en Occident[86]. Les normes et les règles dans chaque société font partie d’une construction culturelle unique à chaque groupe humain[87]. C’est pourquoi la notion de Progrès, qui vise l’uniformisation culturelle de l’humanité, est intrinsèquement ethnocidaire et génocidaire.

Axelle Playoust-Braure

Fondatrice de Drôle de Zèbre, une entreprise de conseil aux entreprises et aux collectivités qui les « aide à prendre en compte les animaux », Axelle Playoust-Braure donnera au festival low tech une conférence sans contradicteur intitulée « Aléas et souffrances d’origine naturelle : que faire pour aider les animaux sauvages ? ». Elle organisera également un atelier pour promouvoir son business.

Axelle Playoust-Braure a publié un article en défense des biotechnologies et de l’agriculture cellulaire dans les Cahiers antispécistes[88]. Faisant référence à une réflexion naïve de l’anarchiste Louise Michel au sujet des bienfaits de la Science[89], elle présente comme une « stratégie pragmatique » et « prometteuse » l’élimination de l’élevage, de la chasse et de la pêche par des substituts produits totalement hors-sol, de façon industrielle, dans des labo-usines. Les biotechnologies, et en particulier l’agriculture cellulaire, ont « la capacité de nous rapprocher d’un monde où les thèses antispécistes seront mieux acceptées. » Employer tous les moyens techniques possibles pour imposer autoritairement leur idéologie, voilà l’objectif poursuivi par les fondamentalistes de la cause animale. Que le progrès technologique soit mis en cause dans l’extermination des animaux sauvages, la dégradation du niveau de vie de milliards de paysans à travers le monde ; que la nourriture industrielle soit l’une des causes principales d’un nombre croissant de nouvelles maladies (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, maladies auto-immunes, etc.), tout cela importe peu pour un techno-fanatique déconnecté de la réalité.

Nicolas Martin

Essayiste, membre de l’association scientiste et antispéciste Cortecs[90], promoteur de la zététique[91] – une branche de la religion scientiste –, Nicolas Martin donnera au festival low tech de Nantes une conférence intitulée « Contre le concept de nature ». Déconstruire – autrement dit détruire – le concept de Nature, c’est un thème récurrent chez les antispécistes Thomas Lepeltier[92], David Olivier[93] ou encore Yves Bonnardel[94]. Même chose chez la gauche industrialiste vénérant le « gigantisme technologique », par exemple chez le journaliste Mickaël Correia[95] ou encore le philosophe Pierre Charbonnier[96]. Pour une bonne partie de la gauche, toute forme de défense de la nature contre l’emprise de la civilisation industrielle s’apparente à une pensée « réactionnaire », au « nazisme » ou au « fascisme ».

Là encore, il s’agit d’une falsification du passé pour neutraliser toute remise en question du dogme industrialiste du Progrès. L’historien Jeffrey Herf a pourtant montré il y a déjà plusieurs décennies que les nazis étaient des « modernistes réactionnaires[97] », que le nazisme était ouvertement pro-technologie, pro-industrie. Dans ses discours, Joseph Goebbels, patron de la propagande du régime hitlérien, a déclaré que le « national-socialisme n’a jamais rejeté ni combattu la technologie moderne ». Il n’a jamais prôné un retour romantique à la nature mais défendait au contraire le « romantisme d’acier » de l’âge industriel, et glorifiait « le Reich des moteurs qui grondent, des grandioses créations industrielles[98] ». Même histoire avec la France sous Vichy qui était moderniste bien plus que traditionnaliste[99].

Dans leur livre destiné à laver le cerveau des militants écologistes préfacé par Le Réveilleur, l’un des ingénieurs Youtubeurs relayant la propagande de la très « low tech » industrie nucléaire[100], Nicolas Martin et ses coauteurs écrivent que « l’appel à la nature est un puissant levier pour motiver une pensée conservatrice[101] ». Une affirmation qu’ils se contentent d’argumenter de façon très superficielle en moins d’une page.

« Quand bien même on pourrait faire une distinction approximative entre une origine naturelle et une origine synthétique, supposer que la première serait par défaut préférable pose de nombreux problèmes. La ciguë [plante toxique, NdR], le cyanure ou le plomb sont-ils “bons” parce que d’origine naturelle ? »

C’est assez caractéristique de la médiocrité intellectuelle de l’époque moderne. Mais c’est aussi et surtout le type d’argumentaire utilisé par le complexe agro-industriel pour semer le doute quant aux dangers des engrais chimiques et des pesticides. Comme les processus à la base de la vie sont biochimiques, cela veut dire que l’industrie chimique n’est pas mauvaise en soi. Peut-être même que s’enfiler chaque jour une bouteille de Round Up pourrait renforcer votre système immunitaire, qui sait ? L’objectif ici est d’utiliser l’expertise scientifique pour créer une « inconscience » ou « désinhibition modernisatrice », comme l’historien Jean-Baptiste Fressoz l’a brillamment montré[102]

Nicolas Martin et ses collègues industrialistes poursuivent leur démonstration :

« L’utilisation de gousses de vanille venant de l’autre bout du monde au coût environnemental important est-elle préférable à l’utilisation d’éthylvanilline synthétique, au goût et à l’odeur similaires, à la production bon marché et sans risque avéré sur la santé depuis des décennies ? »

Là encore, c’est du grand n’importe quoi. Un système techno-industriel aux ramifications planétaires est nécessaire autant pour importer la vanille naturelle en Europe que pour produire de la vanille synthétique sur place. Isoler la production industrielle d’énergie ou d’un produit quelconque de l’ensemble du système-monde technologique revient constamment dans les discours des décarboneurs industrialistes. Mais toute forme de production industrielle dépend de l’ensemble du système-monde technologique, de ses infrastructures de transport et de ses centrales énergétiques (fossiles ou non fossiles). S’amuser à isoler la production industrielle de tel aliment ou tel objet montre soit une incapacité à conceptualiser le système industriel, soit, plus vraisemblablement, la volonté de maintenir l’illusion d’une possible soutenabilité écologique dudit système. La « souveraineté », « l’indépendance » ou l’« autonomie » en milieu industriel, ça n’existe pas. Indispensables au système industriel, les plus gros gisements de matières premières – pétrole, gaz, charbon, fer, or, lithium, cuivre, cobalt, uranium, manganèse, zircon, titane, etc. – ne sont pas en Europe. Aucun État industrialisé n’a les ressources minières dans son sous-sol pour être « autonome », et même si c’était le cas, ces ressources domestiques seraient rapidement épuisées et il faudrait en importer. C’est sur ce même partitionnement illusoire du système-monde technologique que se base l’ensemble de la propagande autour de la transition écologique/énergétique/carbone.

La gauche et le greenwashing, une grande histoire d’amour.

Annexe : comment différencier low tech et high tech ?

Il existe aujourd’hui une grande confusion – largement promue et entretenue autant par des propagandistes professionnels que des industriels – autour du low tech. Rappelons ses origines.

Le mouvement low tech est avant tout un mouvement critique de la trajectoire technologique prise par les sociétés industrielles occidentales à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. S’il fallait définir une date symbolique où émerge le mouvement low tech, on peut dire que celui-ci démarre avec la révolte luddite qui a frappé l’Angleterre en voie d’industrialisation au début du XIXe siècle. L’introduction de machines par les propriétaires de fabriques met les artisans au chômage, les dépossède de leur savoir-faire et de leur pouvoir sur le processus de production, exerce une pression à la baisse sur les salaires et produit un éclatement des communautés traditionnelles. De nombreux auteurs entretiennent cette tradition technocritique depuis le XIXe siècle (Samuel Butler, William Morris, John Ruskin, etc.), puis tout au long du XXe siècle (Jacques Ellul, Lewis Mumford, Ivan Illich, Bernard Charbonneau, Langdon Winner, Kirkpatrick Sale, etc.) jusqu’à aujourd’hui (François Jarrige, l’Atelier paysan, Stefano Boni, Theodore Kaczynski, Hélène Tordjman, Thomas Le Roux, Jean-Baptiste Fressoz, Alain Gras, Celia Izoard, Aurélien Berlan, Pièces et main d’œuvre, le média Sciences Critiques, etc.).

La low tech, ce sont des techniques qui promeuvent l’autonomie et permettent de s’émanciper de la dépendance à l’industrie. Citons l’Atelier paysan, une coopérative d’autoconstruction qui promeut l’autosuffisance alimentaire et l’autonomie paysanne :

« La plus grande différence entre nos machines et celles de l’industrie n’est pas l’aspect esthétique ou les matériaux employés, ce sont les démarches de conception qui divergent totalement. D’un côté des machines industrielles dont la mise au point et la maîtrise imposent un niveau très élevé d’expertise, de spécialisation et de connaissances, de division du travail scientifique. De l’autre des machines conçues par leurs utilisateurs et utilisatrices, où la science mise en œuvre est empirique, expérimentale et facilement appropriable par tout un chacun. Où l’optimisation, le réglage et la conduite de l’outil ou de la machine se basent sur le sensible, la connaissance quasi charnelle qui unit le paysan à son sol. Pas d’équations, de formules, ni de rationalisme scientifique. Des outils répondant aux besoins des paysans, et que l’on n’hésitera pas à modifier si ces besoins évoluent[103]. »

L’Atelier paysan utilise cinq critères pour distinguer les « technologies paysannes » des « technologies industrielles. »

  1. Avec les technologies paysannes, le paysan s’implique dans « l’élaboration, le maintien et l’amélioration de l’outil » pour assurer « la réappropriation des savoir-faire, la maîtrise de techniques simples, la sortie des logiques de dépossession, d’hyperspécialisation et de prolétarisation » ;
  2. À rebours de la logique industrielle essentiellement descendante (top-down), normative et hors-sol, la logique low tech est une logique ascendante qui suppose de partir des besoins réels des paysans pour adapter l’outil à chaque contexte (« innovation par l’usage ») ;
  3. La reproductibilité et la polyvalence des outils est une condition indispensable de l’autonomie technologique sur une ferme.
  4. Réfléchir et faire ensemble « pour rompre avec la pensée techniciste simplificatrice, pour renouer avec des savoirs complexes, vivants et collectifs. »
  5. Mise en commun des outils et de leurs plans sous licence libre et accès libre pour garantir leur circulation.

Même si l’acier tout comme les outils utilisés (poste à souder à l’arc, meuleuse pour découper et perceuse à colonne) dans le cadre des formations de l’Atelier paysan ne sauraient exister sans système industriel pour les produire, leur philosophie et leur démarche sont low tech. Il s’agit d’une première étape pour redonner de l’autonomie technologique et économique aux paysans. C’est ce même état d’esprit qui anime le réseau Tripalium qui, depuis 2007, propose des stages d’autoconstruction d’éoliennes pour aider les particuliers à se débrancher du macro-système électrique industriel[104].

Comme vous pouvez le constater, l’agriculture cellulaire se situe à l’opposé d’une vraie démarche de décroissance technologique. Cette technologie n’a donc rien à faire dans un festival supposé promouvoir des « low tech ». L’association APALA se fout du monde.

Philippe Oberlé


  1. https://www.apala.fr/apala/festival-low-tech/

  2. On peut légitimement se demander en quoi Arthur Keller est si différent d’un Antoine Bueno, les deux étant des industrialistes. Arthur Keller passe son temps à dire qu’il faut réindustrialiser au nom de la « résilience » pour prévenir le « chaos », « l’effondrement », le « collapse ». Il s’agit d’un discours différent pour servir le même objectif, pour « réintroduire sous une autre forme le mythe du progrès », comme l’avait déjà remarqué le politologue Philippe Braillard au sujet de la rhétorique du Club de Rome.

    Extrait d’une recension d’une conférence d’Arthur Keller : « Dans une bonne logique systémique, la résilience s’y applique de manière transversale. Arthur cite, un peu rapidement, une “production énergétique nationalisée, voire localisée”, une “offre de mobilité rurale collective et peu émissive”, une “réindustrialisation au niveau locale” qui risque, reconnaît-il, de susciter de vives oppositions puisque la pollution sera aussi relocalisée. »

    https://www.tikographie.fr/2022/10/06/a-la-conference-darthur-keller-des-coups-de-massue-des-leviers-locaux-et-une-lueur-despoir/

  3. Je rappelle qu’il n’y a jamais eu de peuple végétalien sur Terre, et encore moins végan. Nous n’avons absolument aucun recul pour juger de l’impact à long terme, sur plusieurs générations, d’une alimentation exclusivement végétale sur une population de plusieurs millions de personnes. Le végétalisme est une expérience hasardeuse dont on ne connaîtra les effets sanitaires sur l’espèce humaine que dans des décennies, voire des siècles. En revanche, on sait déjà que le régime végétalien entraîne des carences qu’il faut compenser en prenant des compléments alimentaires industriels (vitamine B12 et autres). Un régime qui vous carence et vous oblige à prendre en complément des substituts industriels peut-il être bénéfique pour votre santé ? Inutile de demander à un scientifique ou à un nutritionniste. Posez la question à un gamin de 5 ans, il vous répondra. En nous rendant toujours plus dépendants aux industries agroalimentaire et pharmaceutique, l’antispécisme est l’idéologie rêvée du système techno-industriel pour nous maintenir enchaînés. Pour l’éternité.

  4. https://www.altruismeefficacefrance.org/a-propos

  5. Avec sa femme Cari Tuna, le milliardaire Dustin Moskovitz est le principal bailleur de fonds de la fondation Open Philanthropy qui finance à coups de millions de dollars des associations animalistes promouvant la viande cellulaire, dont l’association L214 en France : https://www.openphilanthropy.org/grants/?q=L214

  6. L’organisation caritative GiveWell a par exemple été fondée par deux traders : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/17/gagner-plus-pour-donner-plus-l-altruisme-efficace-philanthropie-de-l-extreme_6165839_3232.html

  7. Ibid, Anders Sandberg et Nick Bostrom par exemple, qui travaillent eux aussi à Oxford.

  8. Les long-termistes raisonnent en « masse de bien-être ». Les personnages les plus influents du long-termisme tels que le philosophe transhumaniste suédois Nick Bostrom pensent que les deux guerres mondiales, la pandémie de Sida et l’accident de Tchernobyl n’étaient que des accidents de parcours minimes dans la course à la machinisation de l’existence humaine. Dans la logique utilitariste du « plus, c’est mieux », la philosophie long-termiste considère que sacrifier des choses superflues aujourd’hui, comme la vie de milliards d’humains dans les pays du Sud, la qualité de l’eau, la biodiversité ou le climat, vaut bien les trillions de « posthumains » qui pourront être hébergés dans des simulations informatiques intergalactiques.

    Pour en savoir plus, lire ces articles du philosophe et historien Émile P. Torres qui enquête sur le long-termisme : https://www.salon.com/2022/04/30/elon-musk-twitter-and-the-future-his-long-term-vision-is-even-weirder-than-you-think/

    https://www.salon.com/2022/08/20/understanding-longtermism-why-this-suddenly-influential-philosophy-is-so/

    https://aeon.co/essays/why-longtermism-is-the-worlds-most-dangerous-secular-credo

  9. https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/17/gagner-plus-pour-donner-plus-l-altruisme-efficace-philanthropie-de-l-extreme_6165839_3232.html

  10. Kretinsky a renfloué Libération à hauteur de 14 millions d’euros, et est propriétaire de Marianne, Elle, Télé 7 Jours : https://www.challenges.fr/media/daniel-kretinsky-rachete-usbek-rica-pour-lui-donner-les-moyens-de-ses-ambitions_838243

  11. https://usbeketrica.com/fr/article/low-tech-vs-high-tech-faut-il-choisir-son-camp

  12. https://usbeketrica.com/fr/article/high-tech-vs-low-tech-la-fracture-decisive

  13. https://usbeketrica.com/fr/article/futur-low-tech-plus-desirable

  14. https://usbeketrica.com/fr/article/internet-est-mort-vive-l-internet-low-tech

  15. https://usbeketrica.com/fr/teste-la-vie-low-tech-dans-une-tiny-house

  16. https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/homo-confort-pourquoi-notre-recherche-effrenee-du-confort-finira-par-nous-perdre/

  17. https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/le-luddite-club-le-club-des-ados-qui-ne-veulent-plus-de-leurs-smartphones/

  18. https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/usages-et-style-de-vie/alexandre-malsch-le-gaming-est-un-style-vie-qui-infuse-toutes-les-couches-de-la-societe/

  19. Capgemini est un groupe de conseil en transformation numérique coté au CAC 40. « Capgemini accompagne les organisations à travers le monde dans leur transformation en exploitant toute la puissance de la technologie. »

    https://www.capgemini.com/fr-fr/notre-groupe/

    https://business.ladn.eu/partenaires/frog/

  20. https://business.ladn.eu/experts-metiers/marketing-communication/digital/concevoir-un-refrigerateur-sans-electricite-pour-repondre-aux-defis-climatiques-et-energetiques/

  21. « Et, compte-tenu de la concentration humaine que nous avons atteinte, personne ne recommande de débrancher les ordinateurs ou les dispositifs de contrôle des grands systèmes de production d’eau potable et d’assainissement, sans parler du secteur médical. »

    Utiliser la puissance étatique pour imposer autoritairement : « Mais la puissance publique possède encore d’énormes moyens d’action : le pouvoir normatif et réglementaire ; les choix fiscaux et les mécanismes de soutien à l’innovation ; le pouvoir prescriptif à travers la commande publique ; et même le pouvoir d’exemplarité et d’entraînement. »

    https://www.socialter.fr/article/tribune-philippe-bihouix-start-up-nation-non-low-tech-nation-1

  22. https://www.socialter.fr/article/jean-marc-jancovici-l-europe-est-en-decroissance-energetique-depuis-2007-1

  23. Bien que Le Monde Diplomatique soit également un média industrialiste, il a publié en 2020 un article qui mérite qu’on s’y attarde. Même si les termes « technocrate » et « technocratie » n’apparaissent pas, c’est bien de cette nouvelle classe sociale apparue avec la révolution industrielle dont il est question : https://www.monde-diplomatique.fr/2020/08/RIMBERT/62101

  24. Sujet longuement discuté par Jacques Ellul, La Technique ou L’Enjeu du siècle (1954) ; Theodore Kaczynski, La société industrielle et son avenir (1995), Révolution Anti-Tech (2016) et L’esclavage technologique (2022) ; Pièces et main d’œuvre, Terreur et possession (2008). Il y a également le recueil de textes de Bernard Charbonneau publié aux éditions L’échappée sous le titre Le totalitarisme industriel (2019) qui me paraît digne d’intérêt, mais je n’ai pas encore eu le temps de le lire.

  25. Voir l’excellent livre de référence de l’anthropologue James C. Scott, L’œil de l’État : moderniser, uniformiser, détruire (1998). Voir aussi Theodore Kaczynski, Révolution Anti-Tech (2016), qui discute longuement de l’impossibilité théorique autant que pratique de la planification.

  26. https://www.lesechos.fr/start-up/impact/tout-comprendre-a-la-viande-artificielle-en-six-questions-1866558

  27. https://reporterre.net/La-viande-cellulaire-se-fraye-un-chemin-vers-nos-assiettes

  28. « Tout problème technique est réglé la promesse d’une nouvelle technique », voir cet article : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/31/l-innovation-technique-une-economie-de-la-promesse_6027881_3232.html

  29. Chiffres donnés par la chercheuse à l’INRA Jocelyne Porcher dans Cause animale, cause du capital, 2019.

  30. https://www.forbes.com/2007/11/11/growth-agriculture-business-forbeslife-food07-cx_sm_1113bigfood.html

  31. Voir les travaux de l’Atelier paysan, notamment le rapport Observatoire des technologies agricoles (2021) ou encore leur livre Reprendre la terre aux machines : manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire (2021).

    Voir également cette interview du sociologue Pierre Bitoun, coauteur du livre Le sacrifice des paysans (2016) :

    « Pour caractériser la disparition voulue du monde paysan, vous parlez “d’ethnocide”. Le terme n’est-il pas un peu fort ?

    Non. Il s’est bien agi de la destruction d’une culture, d’un monde, ou plutôt de mondes car il existait des sociétés paysannes/rurales diverses, contrairement au modèle uniformisateur de la société urbaine, industrielle puis de services, dont la mondialisation néolibérale accélère l’installation aux quatre coins de la planète. Partout, sous l’effet de la disparition des paysans et du déploiement du capitalisme productiviste, la diversité recule, les paysages s’uniformisent, les formes de vie sociale se ressemblent, la pluralité et l’autonomie des cultures s’effacent, au profit d’un “Grand Tout” qui colonise et marchandise la moindre parcelle de terre, le moindre compartiment de nos vies.

    À propos de cet ethnocide, il faut aussi insister sur la façon dont on a, durant des siècles et très majoritairement, considéré les paysans et leurs sociétés comme des Indiens, des sauvages de l’intérieur, qu’il fallait réduire, convertir de gré ou de force à la modernité. Ils représentaient, comme les Indiens d’Amérique ou tout autre peuple autochtone, cet “Autre” encore autonome qui devait être éliminé ou acculturé, afin que se développent partout l’État moderne, le capitalisme, le productivisme et les nouvelles dépendances individuelles qui leur sont liées. L’anthropologue Pierre Clastres a très bien expliqué tout cela dès les années 1970 et nous reprenons certaines de ses thèses dans notre seconde partie consacrée, entre autres, à ce processus d’“ensauvagement des paysans”. Mais, pour comprendre cet ethnocide, on doit aussi faire appel à quantité d’autres facteurs que nous avons rassemblés en conclusion, et intitulés « les sept raisons du sacrifice des paysans ». Toutes, d’une manière ou d’une autre, montrent que le paysan – et non l’agriculteur – est bien l’antithèse de la modernité, son “parfait” bouc-émissaire. Celui qui, pour de multiples raisons individuelles ou collectives, résiste à « la marmite d’alchimiste du capital » qu’évoquait Marx et dans laquelle nous sommes tous, de façon contrainte ou volontaire, de plus en plus plongés. Il ne faut jamais l’oublier : le sacrifice des paysans, c’est celui de tous les autres ou presque… »

    https://comptoir.org/2017/01/18/pierre-bitoun-le-sacrifice-des-paysans-cest-celui-de-tous-les-autres/

  32. https://greenwashingeconomy.com/eliminer-agriculture-industrielle-question-de-survie/

  33. Voir cette enquête de Reporterre : « Une certitude, l’industrie de la viande et la viande cellulaire peuvent faire bon ménage. Vital Meat, qui élabore de la viande cellulaire à base de poulet, est une filiale de Grimaud, grand groupe français d’élevage et de génétique avicoles. À l’instar de Tyson Foods, le premier exportateur de bœuf étasunien, qui a aussi investi dans des entreprises du secteur. » https://reporterre.net/La-viande-cellulaire-se-fraye-un-chemin-vers-nos-assiettes

    Voir également un mes anciens articles sur le sujet : « Après avoir annoncé en 2016 la production d’une boulette de viande conçue à partir de cellules prélevées sur des animaux et cultivées en machines, Memphis Meats a levé 161 millions de dollars auprès de plusieurs investisseurs en janvier 2020, dont des sociétés d’investissement (SofBank, Norwest et Temasek), des ultrariches (Bill Gates, Richard Branson et Kimbal Musk, frère d’Elon) et des géants de la viande industrielle (Cargill et Tyson Foods). » https://greenwashingeconomy.com/lavenir-sera-vegan-que-ca-vous-plaise-ou-non/

  34. https://www.confederationpaysanne.fr/rp_article.php?id=13175

  35. Ibid., voir l’enquête de Reporterre : https://reporterre.net/La-viande-cellulaire-n-est-pas-si-ecolo

  36. Le groupe Total Energies a pour objectif de se hisser parmi les cinq plus gros producteurs d’énergies renouvelables en 2030. Voir cette interview du PDG de Total Energies : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/patrick-pouyanne-totalenergies-c-est-l-argent-du-petrole-qui-finance-la-transition-energetique-892212.html

  37. https://www.ladn.eu/entreprises-innovantes/case-study/milliardaires-investissements-vegan/

    https://www.cnbc.com/2017/08/11/vegan-mafia-food-investor-network-includes-bill-maris-kyle-vogt.html

    https://www.ladn.eu/archives/hello-open-world/start-up-vegan-attirent-milliardaires-tech/

  38. https://education.l214.com/actualites-2018-08-30-changer-assiette-planete-environnement-alimentation-viande

  39. Les chiffres donnés dans ce paragraphe et le précédent proviennent de l’enquête de Reporterre sur la viande in vitro : https://reporterre.net/La-viande-cellulaire-une-fausse-bonne-idee-pour-le-climat

  40. https://www.nature.com/articles/s43016-022-00609-5

  41. « En 2017, alors chercheuse engagée dans la lutte urgente contre le changement climatique, je (Liz Carlisle) consultais avec impatience un nouveau classement du projet Drawdown des stratégies de réduction des émissions. Je suis alors tombée sur un mot que je ne connaissais pas : sylvopastoralisme. Cette pratique agricole était la neuvième solution climatique la plus réductrice d’émissions de la liste, devant les panneaux solaires sur les toits, les véhicules électriques et toutes les autres techniques agricoles analysées par les scientifiques. Elle pourrait permettre de réduire les émissions de dioxyde de carbone de plus de 31 gigatonnes, soit plus de trois fois les réductions d’émissions rendues possibles par le passage à la voiture électrique. »

    https://aeon.co/essays/heres-to-reviving-the-ancient-practice-of-silvopasture

  42. https://agriculturecellulaire.fr/equipe/

  43. https://twitter.com/NicolasSalliou/status/1643013003019796480

  44. https://lesrecherchesdenicolas.wordpress.com/

  45. https://www.puf.com/content/Plaidoyer_pour_une_viande_sans_animal

  46. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/les-viandes-vegetales-sont-le-meilleur-investissement-pour-lavenir-du-climat-20220716_CKPAFM3WMNHT5B7W4EN2Q4FBRE/

  47. Voir les « success stories » des clients du BCG (Thales, Ford, Nissan, Bayer, Pfizer, GSK, Nestlé, Heineken, Starbucks Coffee, HSBC, etc.) : https://www.bcg.com/capabilities/digital-technology-data/client-success

  48. https://neoma-bs.fr/a-propos-de-la-faculte/recherche/poles-chaires-instituts/chaire-bio/les-membres-de-la-chaire/

  49. https://lamorce.co/renegocier-la-viande-de-culture-sous-le-prisme-de-lanimalisme-a-propos-de-david-chauvet-et-thomas-lepeltier-dir-plaidoyer-pour-une-viande-sans-animal-2021/

  50. Voir cette interview d’Arthur Keller réalisée par le Greenletter Club :

    « Je prône également – et je ne suis pas le seul – une relocalisation, une réindustrialisation de certaines choses sur les territoires, au niveau national. Et ça, ça va être crade. Ça veut dire que, écologiquement, ça va provoquer des problèmes locaux qui n’existaient pas avant. Ce sont des arbitrages très compliqués. C’est aussi important de dire ça : la résilience, ce n’est pas une question d’écolos. Il faut que les gens qui ne sont pas écolos le comprennent, et puis aussi certains écolos. »

    Vidéo à voir ici : https://youtu.be/YthNd_PRA08

  51. La multiplication des méga-usines et les subventions à l’industrie sont pour Jancovici d’« excellentes nouvelles, tant la transition écologique implique de renforcer l’autonomie stratégique sur les processus industriels, notamment la production de batteries pour la transition de l’automobile. » : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/13/transition-ecologique-il-nous-faut-produire-des-vehicules-plus-efficaces-plus-sobres-et-accessibles-a-tous-ceux-qui-dependent-de-l-automobile-au-quotidien_6177362_3232.html

  52. Voir cette interview de la chaîne Elucid : https://youtu.be/yw7m29y3vBI

  53. La Décroissance, février 2023, n°196.

  54. https://www.leesu.fr/jse/actualites-des-jse/article/jse-2023-programme?lang=fr

  55. « Mes amis ! Je vous promets de vous montrer comment créer en dix ans un paradis où chaque être humain pourra obtenir en surabondance tout ce qu’il désire dans la vie, sans travailler et sans payer ; où toute la nature sera transformée et prendra les formes les plus belles ; chaque homme pourra vivre dans les plus magnifiques palais, dans un luxe et un raffinement inimaginable, dans les jardins les plus délicieux ; il pourra accomplir en une année plus de choses que ce qu’il fallait jusqu’alors des milliers d’années pour réaliser ; niveler les montagnes, creuser des vallées, créer des lacs, assécher lacs et marécages, doter la terre d’un réseau de canaux magnifiques, de routes pour transporter de lourds chargements de plusieurs milliers de tonnes et se déplacer en vingt-quatre heures sur un millier de milers […] ; se libérer de presque tous les maux qui affligent l’humanité, à l’exception de la mort, et encore, il pourra en repousser l’échéance […]. N’importe quel habitant pourra se procurer tous les articles dont il a besoin quotidiennement par un simple tour de manivelle, sans quitter son appartement. »

    – John Etzler, Le Paradis à la portée de tous les hommes, sans labeur, par les pouvoirs de la nature et des machines, 1833 (cité par Aurélien Berlan dans son excellent livre Terre et Liberté)

  56. Voir ce livre que j’ai traduit aux Edition Libre, David Peterson et Edward S. Herman, Déni de réalité : Steven Pinker et le mythe du déclin de la violence humaine, 2012. Les deux auteurs détruisent l’argumentation de Pinker qui réduit à des détails de l’histoire les deux guerres mondiales et les génocides à répétition perpétrés par les puissances occidentales au nom du Progrès.

  57. Ferghane Azihari, Les écologistes contre la modernité, 2021.

  58. Institut de recherches économiques et fiscales (Iref) et Académie libre des sciences humaines (ALSH).

  59. Aux États-Unis, les libertariens sont notamment financés par les milliardaires Koch qui ont fait fortune dans l’industrie pétrolière et chimique. Pour en savoir plus sur la mouvance libertarienne en France, voir cet article du média Basta : https://usbeketrica.com/fr/article/low-tech-vs-high-tech-faut-il-choisir-son-camp

    « Le dirigeant de l’une des principales organisations de cette galaxie libertarienne, Students for Liberty (« Étudiants pour la liberté »), assure même que la France est devenue l’un de ses « bastions ». 

    Créée en 2008, l’organisation Students for Liberty s’inscrit dans le projet libertarien de former des intellectuels pour mener la « bataille des idées » et la « guerre culturelle » dans les universités et au sein des grandes institutions publiques et privées. Comme d’autres organisations de la même galaxie, elle a été soutenue par les frères Koch et leurs alliés, en particulier à travers le Cato Institute. Students for Liberty s’inscrit dans la mouvance climato-sceptique. La branche brésilienne de Students for Liberty se vante d’avoir activement contribué à la destitution de la présidente de centre-gauche Dilma Rousseff, en prenant le leadership de manifestations de rue. Destitution qui débouchera sur l’élection d’un président d’extrême droite, Jair Bolsonaro. En 2016, l’organisation affichait aux États-Unis un budget de 4 millions de dollars. On ne sait rien de ses sources actuelles de financement.

    Students for Liberty s’est implantée en France à partir de 2011, où elle a pris le nom « Les Affranchis ». Sa cible ? Les universités, et les grandes écoles où sont formées les « élites » de demain. Elle y met en œuvre la même stratégie qu’aux États-Unis : se présenter aux recrues potentielles sous un visage sympathique, comme une organisation défendant « toutes les libertés », y compris en matière de consommation d’alcool, de drogues et de tabac ou de sexualité, pour mieux faire passer son message de libéralisme économique radical et de refus de la régulation publique. Une organisation sœur, Women for Liberty, s’est créée pour lutter contre le féminisme. Elle s’est notamment illustrée en France par la critique du mouvement « Balance ton porc » et la défense de la « liberté d’importuner » des hommes.

    La publication de tribunes dans les médias est aussi au cœur de l’action de Students for Liberty. Le plus souvent dans ceux qui sont le plus favorables à ses idées, comme Le Figaro et Le Point, mais également par des médias moins orientés politiquement. Ferghane Azihari, coordinateur de Students for Liberty France, ou encore son secrétaire général Guillaume Bullier, se sont déchaînés contre la Convention citoyenne pour le climat et ses propositions. »

  60. Ferghane Azihari tape sur les ingénieurs agronomes déserteurs : https://www.lepoint.fr/debats/azihari-quand-de-jeunes-ingenieurs-agronomes-revent-d-affamer-le-monde-18-05-2022-2476213_2.php

    Il tape sur les écologistes anti-industriels : https://www.lefigaro.fr/vox/economie/climat-les-ecologistes-ne-veulent-pas-sauver-l-environnement-mais-detruire-la-civilisation-industrielle-20210628

    Selon lui, « la science, l’industrie et l’enrichissement des États réduisent le risque environnemental » (les trois sont juste responsables du changement climatique et de la pire extinction de biodiversité depuis 65 millions d’années) : https://www.marianne.net/agora/humeurs/la-science-lindustrie-et-lenrichissement-des-etats-reduisent-le-risque-environnemental-pas-lappauvrissement

    Comme Jancovici, Ferghane publie ses analyses dans le journal du milliardaire Bernard Arnault : https://www.lesechos.fr/@ferghane-azihari-2

    Il est également un négationniste des limites planétaires à la croissance de la civilisation industrielle : https://atlantico.fr/article/decryptage/ressources-naturelles-epuisables–l-argument-fallacieux-des-decroissants–ferghane-azihari

  61. Dans son pamphlet Les écologistes contre la modernité (2021), Ferghane Azihari écrit ce genre d’absurdités :

    « Les pollutions modernes n’étaient rien comparées aux progrès humanitaires du XIXe siècle, comme en témoigne la croissance de l’espérance de vie. Ces concessions environnementales étaient d’autant plus acceptables que l’industrialisation a ensuite permis de lutter contre ces pollutions, lorsqu’elles devenaient maîtrisables. Il est donc réducteur de voir le progrès industriel comme la source d’une contamination du monde. Le succès de cette nostalgie serait compréhensible si nous n’avions plus de pays faiblement industrialisés sous nos yeux pour justifier notre amnésie. Malheureusement, de tels pays existent encore. Ils permettent de comparer la qualité de l’environnement des sociétés riches avec celle des pays pauvres. »

    Rien n’est plus irrationnel que de mettre dans la balance l’espérance de vie avec le maintien d’une planète habitable. Des propos d’une telle naïveté montrent aussi que Ferghane Azihari ne comprend pas des concepts économiques élémentaires qui sont la spécialisation et la division internationale du travail. Dans le monde réel, les pays industrialisés se sont développés en ravageant l’environnement d’autres pays où se trouvent notamment les gisements de matières premières essentielles au système-monde technologique (pétrole, charbon, gaz, fer, cuivre, etc.). Il se produit le même phénomène avec l’agriculture industrielle, qui est une autre forme d’extractivisme dédié à la matière organique.

  62. Voir Fabrice Nicolino, L’empoisonnement universel : comment les produits chimiques ont envahi la planète, 2014. Voir aussi cet article paru dans la revue The Conversation « Les polluants chimiques éternels sont partout », https://theconversation.com/forever-chemicals-are-everywhere-heres-what-you-need-to-know-about-them-190771

    Le journal Le Monde a fait une carte de la « pollution éternelle » en Europe : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/02/23/polluants-eternels-explorez-la-carte-d-europe-de-la-contamination-par-les-pfas_6162942_4355770.html

  63. « Selon l’Anses, le réchauffement climatique et la présence de polluants chimiques dans l’atmosphère accentuent les réactions allergiques au pollen. »

    https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/03/20/la-pollution-de-l-air-aggrave-les-allergies-au-pollen_4386125_3244.html

    Voir aussi le documentaire Un monde d’allergiques diffusé par Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/098861-000-A/un-monde-d-allergiques/

  64. https://www.radiofrance.fr/franceinter/maladies-auto-immunes-pourquoi-augmentent-elles-4787009

  65. https://theconversation.com/east-african-hunter-gatherer-research-suggests-the-human-microbiome-is-an-ecological-disaster-zone-73668

  66. Ibid., « Steven Pinker, professeur de psychologie à Harvard, montre que nos civilisations sont les sociétés les plus pacifiques jamais bâties. » Comme expliqué à la note 2, Pinker est un escroc.

  67. Voir le livre du neuroscientifique Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, 2019. Voir également le documentaire Demain, tous crétins ? diffusé par la chaîne Arte, ou encore le documentaire indépendant Regardez la lumière mes jolis.

  68. Voir le livre du journaliste Christopher Ryan Civilisés à en mourir : le prix du progrès (2019), celui du paléoanthropologue de Harvard Daniel E. Lieberman, L’histoire du corps humain : évolution, dysévolution et nouvelles maladies, 2013.

  69. Voir cet article sur le site de l’Inserm : « Selon une méta-analyse, réalisée par des chercheurs américains et israéliens, publiée en novembre 2022, la concentration moyenne de gamètes dans le sperme des hommes a été divisée par deux en l’espace de 45 ans ! Elle était de 101 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme en 1973, contre 49 aujourd’hui. »

    https://www.inserm.fr/actualite/fertilite-masculine-y-a-t-il-peril-en-la-demeure/

  70. Voir cette interview du sociologue gabonais Joseph Tonda parue dans Le Monde : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/06/29/nicki-minaj-est-la-transfiguration-du-mythe-vaudou-de-mami-wata_5323238_3212.html

  71. Voir les précieuses analyses de la psychologue et anthropologue du MIT Sherry Turkle : https://www.ted.com/talks/sherry_turkle_connected_but_alone

  72. Voir l’excellent livre des historiens François Jarrige et Thomas Le Roux, La contamination du monde : une histoire des pollutions à l’âge industriel (2017) : « Tous les spécialistes s’accordent pour considérer que les pollutions sont demeurées relativement limitées dans leur nature et leur étendue jusqu’à l’avènement de la civilisation industrielle. L’essor de cette dernière transforme les données du problème, et depuis l’ampleur des pollutions ne cesse de s’étendre et d’évoluer selon des cheminements complexes, jusqu’à saturer le monde contemporain et ses imaginaires. »

    Voir également l’excellent livre de l’historien Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse : une histoire du risque technologique (2013).

  73. https://lamorce.co/pour-en-finir-avec-la-vie/

  74. https://lamorce.co/se-soucier-des-animaux-sauvages/

  75. https://youtu.be/hMU0_cXB_gs

  76. https://lamorce.co/lecologie-va-t-elle-tuer-lantispecisme

  77. https://lamorce.co/se-soucier-des-animaux-sauvages/

  78. https://www.facebook.com/thomas.lepeltier.92/posts/10164693677985252

  79. Voir le fil Facebook de Lepeltier : https://www.facebook.com/thomas.lepeltier.92

  80. Information recueillie auprès d’un témoin ayant assisté à la conférence. Ci-joint le support de la présentation : https://www.question-animale.org/sites/default/files/diaporama%2031%20juillet%2010h%20-%20David%20Olivier%20-%20Pens%C3%A9e%20r%C3%A9actionnaire%20dans%20le%20mouvement%20animaliste.odp

  81. Mao Zedong : « Le peuple, c’est à nous de l’organiser. C’est à nous de l’organiser pour abattre la réaction en Chine. Tout ce qui est réactionnaire est pareil : tant qu’on ne le frappe pas, impossible de le faire tomber. »

    « Tous les réactionnaires sont des tigres en papier… Hitler était un tigre en papier. »

    Source : https://doc.rero.ch/record/175672/files/1967-04-18.pdf

  82. Pour se faire une idée du niveau de fanatisme atteint par les antispécistes de la trempe de David Olivier :

    « Faut-il moralement tuer les lions afin de sauver les gazelles ? L’idée selon laquelle remettre en cause la prédation implique de vouloir tuer les lions nous est souvent lancée en tant que réfutation par l’absurde dès que nous abordons la question de la souffrance des animaux sauvages. Nous-mêmes tendons alors à récuser une telle idée, expliquant que nous préférons des moyens plus « doux », comme le développement de préparations alimentaires végétaliennes adaptées pour les lions, ou la modification progressive de leur génome (par des technologies type gene drive par exemple) pour qu’ils cessent de devoir et vouloir tuer, ou encore par l’extinction progressive de leur espèce par la stérilisation. 

    […]

    Revenons maintenant aux lions et aux gazelles. Les uns comme les autres ont un droit à la vie. Si nous envisageons ce droit comme nous le faisons habituellement pour les humains, il s’agit d’un droit-liberté, et d’un droit-créance seulement de façon limitée. Le lion doit recevoir des antibiotiques si c’est ce dont il a besoin pour survivre. Mais le droit à la vie d’un lion lui permet-il d’exiger d’une gazelle qu’elle lui cède ses organes – de fait, son corps entier ? Je ne vois pas comment cela pourrait se justifier. Si nous appliquons les normes que nous appliquons aux humains, nous ne devons pas tuer les lions ; mais nous ne devons pas non plus leur permettre de manger les gazelles. Et si les lions ne peuvent survivre sans manger les gazelles, ils mourront. Cela ne signifie pas que nous les aurons tués, mais seulement que nous les aurons laissés mourir.

    Quand on nous accuse de vouloir tuer les lions, peut-être devrions-nous répondre qu’en l’absence d’un autre choix – d’aliment végétalien pour lion, par exemple – nous ne devons pas tuer les lions, mais les laisser mourir. Permettre aux lions de manger les gazelles n’est pas un choix envisageable ; les gazelles ne leur appartiennent pas. »

    https://www.cahiers-antispecistes.org/sur-le-droit-a-la-vie-des-predateurs/

  83. Sur l’analogie entre le jardinier et l’État moderne industrialisé, voir l’éclairante analyse du sociologue Zygmunt Bauman dans Modernité et holocauste, 2002.

  84. http://www.slate.fr/story/153122/vegan-tendance-neonazis

  85. https://www.fairobserver.com/region/europe/bethan-johnson-national-socialism-nazi-propaganda-adolf-hitler-animals-germany-history-82393/

  86. Voir Thomas C. Patterson, L’invention de la civilisation occidentale, 1997 :

    « Dans De l’origine, antiquité, progrès, excellence et utilité de l’art politique (1568), l’écrivain Loys Le Roy utilise le verbe civiliser pour décrire le processus de progrès moral, intellectuel et social faisant passer d’un état primitif et naturel à une condition humaine supérieure. Le Roy et d’autres membres de l’intelligentsia de la cour considéraient que leur quotidien était évidemment supérieur aux temps passés ; ils croyaient en un développement cumulatif, linéaire et désirable. Aujourd’hui, la croyance selon laquelle les sociétés de l’Europe moderne sont plus avancées que celles qui les précèdent – qu’il existe une chose telle que le progrès – est tellement ancrée dans notre imaginaire qu’elle semble aller de soi ; mais à l’époque, elle était nouvelle. »

  87. Voir Philippe Rochat, Moral Acrobatics: How We Avoid Ethical Ambiguity by Thinking in Black and White, 2021 :

    « Les normes morales explicites et les valeurs morales sont une caractéristique universelle de tout groupe humain. Cette propriété émerge de la vie en groupe, de la coopération et des échanges réciproques entre des créatures conscientes d’elles-mêmes et dotées, entre autres (symbolisme et mimesis), d’une capacité unique à éprouver de la culpabilité et de la honte. Le fait est qu’aucune société humaine, des chasseurs-cueilleurs aux grandes civilisations, ne peut exister sans un système moral normatif. Les normes sont en effet un trait sociologique humain unique, exprimé dans la mimesis comme nous l’avons vu, depuis les temps ancestraux et dans toutes les cultures. »

  88. https://www.cahiers-antispecistes.org/garder-la-viande-pour-mieux-se-debarrasser-du-meurtre/

  89. À l’instar de nombreux intellectuels de gauche au XIXe siècle, les anarchistes (dont Louise Michel) ont malheureusement été nombreux à célébrer le règne nouveau de la Science contre la domination des institutions catholiques, ne remarquant pas qu’ils substituaient un culte par un autre, un autoritarisme par un autre infiniment plus puissant et invasif. Voir le texte De l’autorité (1872) de Friedrich Engels. Voir également les analyses de l’historien et sociologue anarchiste Jacques Ellul, La Technique ou l’Enjeu du siècle (1954), ou encore l’excellent livre de l’historien Guillaume Carnino, L’invention de la science : la nouvelle religion de l’âge industriel (2015). Ce dernier montre, à travers de nombreux exemples, que la Science sert systématiquement les intérêts des industriels et de l’État au détriment des populations locales touchées par les pollutions industrielles.

    Lire également le numéro 9 intitulée « La nouvelle église universelle » (1971) de la revue Survivre fondée par le grand mathématicien Alexandre Grothendieck : https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/16/grothendieck-scientisme/

  90. La lutte contre le spécisme fait partie des thèmes de prédilection de l’association : https://cortecs.org/le-cortecs2/

  91. https://twitter.com/nymmartin

  92. Dans son dernier livre, Thomas Lepeltier cherche à détruire le caractère sacré de la nature encore présent dans notre culture pour mieux y intervenir, tout cela au nom de la lutte contre la souffrance animale. Domestiquer la nature sauvage au nom de la lutte contre l’anthropocentrisme, voilà sa proposition. Du délire. Une recension à lire ici : https://lamorce.co/reinventer-lecologie-a-propos-de-thomas-lepeltier-faut-il-sauver-lours-blanc-2023/

  93. « Je m’oppose aux écologistes parce que pour eux, le renard qui mange le lièvre c’est bien, tant que cela “préserve l’équilibre naturel”, alors que moi, je vois la souffrance du lièvre. Il faut avoir l’esprit pas mal fermé à ce que cela représente dans la réalité pour trouver cela “bon”, si vous avez envie de perdre votre temps, texte à lire ici : https://www.cahiers-antispecistes.org/pourquoi-je-ne-suis-pas-ecologiste/

  94. https://www.cahiers-antispecistes.org/de-lappropriation-a-lidee-de-nature/

  95. Dans son livre Criminels climatiques (2022), Mickaël Correia procède à une révision absurde de l’histoire et de la réalité en associant exclusivement le « capitalisme fossile » à l’extrême droite.

    « À l’heure de la montée en puissance des discours racistes et identitaires, la lutte climatique s’avère être un combat contre l’extrême droite. L’apologie du pétrole, du charbon ou encore de l’industrie automobile était au cœur de la machine de propagande des régimes mussolinien et hitlérien. Pour l’extrême droite, l’exploitation des énergies fossiles est l’une des pierres angulaires de la domination blanche, une preuve tangible de la supériorité « technoraciale » de l’Occident sur le reste du monde.

    L’extrême droite a toujours été historiquement liée à l’économie fossile dont elle a défendu structurellement les intérêts. Encore récemment, et tout au long de son mandat, Donald Trump a été un ardent défenseur du capital fossile américain. Les géants pétroliers ExxonMobil, Chevron et BP ne sont s’y d’ailleurs pas trompés. Ils ont donné chacun au moins 500 000 dollars pour son investiture en 2017. Six mois après son arrivée à la

    Maison Blanche, Trump retirait les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. »

    Correia se garde bien de préciser par exemple que le boom récent de la production de pétrole et de gaz aux États-Unis coïncide avec l’arrivée du démocrate Barack Obama au pouvoir. Il ne dit pas non plus que l’administration Biden a distribué davantage de permis pour de nouveaux forages en deux ans que Trump durant tout son mandat.

    Voir ici https://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/geographie-critique-des-ressources/articles/gaz-et-petrole-de-schiste-etats-unis

    Et là : https://news.yahoo.com/biden-granted-more-oil-and-gas-drilling-permits-than-trump-in-his-first-2-years-in-office-190528616.html

    Comme si le Vénézuela, le Canada ou la Norvège, pays faisant partie des grands exportateurs de pétrole aujourd’hui, étaient des régimes fascistes. Comme si l’Union soviétique, puis la Chine communiste et tous leurs pays satellites n’avaient jamais misé sur les énergies fossiles pour se développer, s’industrialiser. D’ailleurs la Chine construit deux grandes centrales à charbon par semaine, et c’est un pays communiste : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/la-chine-construit-toujours-plus-de-centrales-au-charbon-selon-greenpeace-959897.html

  96. Pierre Charbonnier, c’est le genre de crapule gauchiste qui associe sur Twitter Les Soulèvements de la Terre, et des anthropologues anarchistes et paysans tels que James C. Scott, à des libertariens.

    Pierre Charbonnier :

    « Ici par exemple une itw sur les Soulèvement qui indique que ce mouvement se place dans la perspective d’un retrait de l’Etat. Une tradition théorique dans le sillage de James Scott, Anna Tsing et…euh…des libertariens. »

    Pour rappel, la mouvance libertarienne compte parmi ses théoriciens la philosophe Ayn Rand, adulée par de nombreux entrepreneurs de la Silicon Valley tels que le milliardaire Peter Thiel. Donald Trump, les milliardaires du pétrole Koch, et en France des gens comme Ferghane Azihari font partie de la mouvance libertarienne.

    Pierre Charbonnier appelle également à une « politique de développement vert » au Sud, en gros la continuation de l’ethnocide séculaire des sociétés traditionnelles, du pillage des ressources, de la dépossession des terres et des savoir-faire locaux, le tout au nom du Saint Progrès.

    Sa profession de foi : « La technique et la science sont nos alliées dans la décarbonation et l’adaptation. »

    https://twitter.com/picharbonnier/status/1669998629988315136

  97. Voir Jeffrey Herf, Le Modernisme réactionnaire : haine de la raison et culte de la technologie aux sources du nazisme, 1984 (récemment traduit aux excellentes éditions L’Échappée).

  98. Ibid.

  99. L’image d’un régime vichyste nostalgique du passé est une construction politique du récit modernisateur et progressiste d’après-guerre, voir par exemple Christophe Bonneuil, Céline Pessis, Sezin Topçu, Une autre histoire des « Trente glorieuse », 2013 :

    « Parler des “Trente Glorieuses” à la suite de Fourastié, c’est ainsi débuter en 1946, date symbolique du premier Plan, et marquer la coupure avec Vichy. Il y avait d’une part chez certains modernisateurs un évident souci de gommer des continuités de carrière, d’occulter les fonctions occupées sous Vichy par divers acteurs d’après-guerre (D’Alfred Sauvy à François Perroux, en passant par René Dumont), ou encore d’exorciser cette France largement pétainiste par l’invention d’une France moderne héritière exclusive de la France libre et résistante. Fabriquer l’image d’une IIIe République immobile, sans courage ni vision et d’un régime vichyste archaïquement traditionnaliste fut d’autre part un exercice rhétorique répété à l’infini par les acteurs d’après-guerre pour justifier l’urgente nécessité de la “modernisation”.

    […]

    Vichy, loin de se limiter à glorifier un territoire éternel, se lança en effet dans un aménagement drastique de certaines zones comme la Camargue pour y développer une riziculture intensive. »

  100. « En janvier 2019, le site de Reporterre montrait déjà comment l’Andra, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, avait démarché trois youtubeurs spécialisés dans la vulgarisation scientifique pour visiter ses installations et véhiculer une image positive de la gestion des déchets radioactifs. Depuis, deux d’entre eux ont donné des interviews à l’Andra. »

    https://www.sortirdunucleaire.org/L-Andra-utilise-des-youtubeurs-pour-rendre-cool

  101. Livre à télécharger ici : https://ecomanuelespritcritique.fr/

  102. Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse : une histoire du risque technologique (2013).

  103. L’Atelier paysan, Reprendre la terre aux machines : manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire (2021)

  104. https://www.tripalium.org/

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